Imaginez un enfant de 11 ans, travaillant dans une usine de gants, les mains déjà marquées par le labeur. Puis, visualisez cet enfant, des décennies plus tard, au cœur d’une arène politique, défiant les élites et les scandales pour briguer la présidence d’un pays. C’est l’histoire de Lee Jae-myung, un homme dont le parcours, digne d’un roman, incarne à la fois l’espoir et la controverse en Corée du Sud. Son ascension, marquée par des épreuves physiques et judiciaires, fascine autant qu’elle divise. Comment un ancien ouvrier, handicapé à vie après un accident, est-il devenu l’un des favoris pour diriger la nation ?
Un Parcours Hors du Commun
Né dans une famille modeste à Andong, dans l’est de la Corée du Sud, Lee Jae-myung n’a pas grandi avec des rêves de pouvoir. À 11 ans, il travaille déjà pour subvenir aux besoins de sa famille, incapable de financer ses études secondaires. À 13 ans, un drame marque sa vie : son bras reste coincé dans une presse industrielle, le laissant handicapé à vie. Cet accident, loin de le briser, devient le point de départ d’une résilience exceptionnelle.
Plutôt que de céder au désespoir, Lee choisit l’éducation. Il s’inscrit à des cours du soir, puis intègre une faculté de droit, où il excelle. Devenu avocat, il se spécialise dans la défense des droits humains, un domaine qui forge son engagement politique. En 2010, il entre en scène en tant que maire de Seongnam, une ville proche de Séoul, où il se fait remarquer pour ses initiatives audacieuses, comme la fermeture d’un marché controversé de viande canine.
L’aspect peut-être le plus intéressant est la manière dont Lee transforme chaque épreuve en tremplin. Son parcours, c’est un peu David contre Goliath, version coréenne.
– Un observateur politique
Une Voix pour les Inégalités
Dans un pays où les écarts de richesse s’accentuent, Lee Jae-myung se positionne comme le porte-voix des oubliés. La Corée du Sud, malgré son dynamisme économique, fait face à une crise du logement et à un chômage élevé chez les jeunes. Ces défis, Lee les connaît intimement. Il n’hésite pas à critiquer un système qui, selon lui, favorise les élites au détriment des classes populaires.
Son discours résonne. Lors d’un entretien en 2022, il confiait : « On peut compatir pour ceux qui souffrent, mais sans avoir vécu leur réalité, on ne peut pas vraiment comprendre leur douleur. » Cette phrase, simple mais percutante, résume sa philosophie : une politique ancrée dans l’empathie et l’expérience vécue.
- Chômage des jeunes : un taux alarmant qui freine l’ascension sociale.
- Crise immobilière : des prix inabordables à Séoul et dans les grandes villes.
- Inégalités sociales : un fossé grandissant entre riches et pauvres.
Un Parcours Politique Semé d’Embuscades
Lee Jae-myung n’a pas gravi les échelons sans heurts. Maire de Seongnam pendant huit ans, puis gouverneur de la province de Gyeonggi, il s’est forgé une réputation de réformateur audacieux. Mais son ascension a été ponctuée de défis majeurs. En 2022, il se présente à la présidence face à Yoon Suk Yeol, un ancien procureur. L’élection est serrée, mais Lee échoue de justesse, un revers qui aurait pu briser ses ambitions.
Pourtant, il rebondit. En 2023, il entame une grève de la faim de 19 jours pour protester contre les politiques du gouvernement conservateur, qu’il juge incompétentes. Ce geste radical, bien que risqué, renforce son image de leader prêt à tout pour ses convictions. Mais c’est en janvier 2024 qu’il frôle la mort : un agresseur le poignarde au cou lors d’un déplacement à Busan. Après une opération d’urgence, Lee survit, mais l’incident marque un tournant dans sa campagne.
Survivre à un attentat, c’est rare. En faire un symbole de résilience, c’est du génie politique.
La Crise de la Loi Martiale : Un Tournant Décisif
Fin 2024, la Corée du Sud plonge dans une crise sans précédent. Le président Yoon Suk Yeol tente d’imposer la loi martiale dans la nuit du 3 au 4 décembre, une décision qui secoue le pays. Lee Jae-myung, alors chef du Parti démocrate, s’illustre par son courage. Ignorant les barrages militaires, il se rend au Parlement pour voter contre cette mesure, diffusant son périple en direct sur les réseaux sociaux.
Ce moment, qu’il décrit comme une « course contre la montre », renforce son image de leader déterminé. Alors que Yoon est suspendu par les députés, Lee émerge comme une figure centrale, prêt à combler le vide politique. Les sondages le placent en tête pour l’élection à venir, bien que son rival, Kim Moon-soo, du Parti du pouvoir au peuple, réduise l’écart.
| Événement | Impact | Perception publique |
| Grève de la faim (2023) | Protestation contre le gouvernement | Renforce son image de conviction |
| Attentat de Busan (2024) | Survie miraculeuse | Symbole de résilience |
| Crise de la loi martiale (2024) | Opposition active | Leader face à l’adversité |
Une Vision pour l’Avenir
Si Lee Jae-myung accède à la présidence, ses priorités sont claires. Il veut propulser la Corée du Sud parmi les trois leaders mondiaux en intelligence artificielle, un secteur clé pour l’avenir économique. Il promet également de faire rendre des comptes à ceux impliqués dans la tentative de loi martiale, une exigence populaire après la crise de décembre 2024.
Mais sa vision ne s’arrête pas là. Lee insiste sur la nécessité de réformer un système économique qui laisse trop de jeunes sur le carreau. « Pourquoi est-il si difficile pour une nouvelle génération de s’épanouir ? » s’interroge-t-il souvent dans ses discours. Cette question rhétorique touche une corde sensible, dans un pays où la pression sociale et économique pèse lourd.
Les Ombres des Scandales
Malgré son aura, Lee Jae-myung n’échappe pas aux controverses. Il est visé par plusieurs enquêtes pour corruption et abus de confiance, notamment liées à son mandat de maire de Seongnam. Une affaire particulièrement médiatisée concerne des transferts présumés de fonds vers la Corée du Nord, accusations qu’il rejette en bloc, les qualifiant de manœuvres politiques.
Plus troublant encore, plusieurs personnes liées à ces affaires ont été retrouvées mortes, dans ce qui semble être des suicides. Ces événements jettent une ombre sur sa candidature. En mai 2025, la Cour suprême sud-coréenne annule sa relaxe dans une affaire de violation de la loi électorale, ouvrant la voie à un nouveau procès. Une condamnation pourrait le rendre inéligible, un risque majeur pour sa campagne.
Les accusations contre Lee sont-elles un complot ou une réalité ? La vérité reste floue, mais l’impact sur sa campagne est indéniable.
Un Duel sous Haute Tension
Face à Lee, Kim Moon-soo, son adversaire conservateur, ne mâche pas ses mots. Lors d’un débat télévisé, il a lancé : « Comment un homme accusé de corruption peut-il prétendre diriger un pays ? » Cette attaque reflète le climat tendu de la campagne, où chaque faux pas peut coûter cher. Pourtant, Lee reste favori, porté par une base fidèle et un discours qui séduit les déçus du système.
Les sondages, bien que serrés, montrent un avantage pour Lee. Mais rien n’est joué. La Corée du Sud, encore secouée par la crise de la loi martiale, cherche un leader capable de restaurer la confiance. Lee Jae-myung, avec son passé d’ouvrier et son discours populiste, pourrait-il être cet homme ? Ou les scandales auront-ils raison de ses ambitions ?
J’ai toujours trouvé fascinant comment certains parcours politiques semblent tout droit sortis d’un film. Lee Jae-myung, avec ses cicatrices physiques et judiciaires, incarne cette complexité. Son histoire, c’est celle d’un homme qui refuse de plier, mais qui doit encore convaincre un pays divisé. À l’approche de l’élection, une question demeure : la Corée du Sud est-elle prête à parier sur cet outsider devenu symbole ?
Seul l’avenir nous le dira. Mais une chose est sûre : Lee Jae-myung ne laisse personne indifférent. Que vous voyiez en lui un héros du peuple ou un politicien controversé, son parcours force le respect. Et dans un pays où l’origine sociale dicte souvent le destin, il prouve qu’un autre chemin est possible.
