Imaginez-vous vivre dans un village de 400 âmes, où tout le monde se connaît, où les décisions se prennent autour d’un café à la mairie. Maintenant, imaginez que votre communauté vote pour un avenir meilleur, mais qu’une autorité lointaine, sourde à vos aspirations, vous barre la route. C’est l’histoire de Golancourt, un petit bourg de l’Oise, coincé dans une bataille qui ressemble à un roman de Kafka. Pourquoi ce village se bat-il pour rejoindre la Somme, à seulement 2 kilomètres ? Et pourquoi l’État s’acharne-t-il à dire non ? Plongeons dans ce conflit qui, sous des airs de querelle administrative, pose des questions brûlantes sur la démocratie locale.
Golancourt : Un Village en Quête d’Avenir
Dans ce coin paisible de l’Oise, les champs s’étendent à perte de vue, et les commerces les plus proches se trouvent à deux pas… mais de l’autre côté de la frontière départementale, dans la Somme. Golancourt, avec ses 400 habitants, vit au rythme de ses traditions, mais aussi de ses frustrations. Depuis des années, le village se sent mal aimé par la communauté de communes du Pays noyonnais, dont il dépend. Trop loin, trop différente, cette structure ne répond pas aux besoins des villageois. Alors, quand l’idée de rejoindre l’agglomération de l’Est de la Somme a germé, elle a vite fait l’unanimité.
Ce n’est pas juste une question de kilomètres. C’est une question de survie pour notre commune.
– Un élu local impliqué dans la démarche
Pourquoi ce choix ? La Somme, c’est la proximité des services, des commerces, mais aussi une vision plus alignée avec les aspirations des habitants. Financièrement, géographiquement, et même politiquement, tout semblait logique. Les villageois ont voté, le conseil municipal a approuvé, et l’agglomération voisine a tendu les bras. Mais c’était sans compter sur un obstacle de taille : les préfets.
Le Mur des Préfets : Une Décision Imposée
En France, les préfets ont un pouvoir qui peut sembler d’un autre temps. Représentants de l’État, ils veillent à l’application des lois, mais aussi à la cohérence des territoires. Dans le cas de Golancourt, les préfets de l’Oise et de la Somme ont opposé une fin de non-recevoir à la demande du village. Pourquoi ? Officiellement, pour préserver l’unité territoriale et éviter un précédent qui pourrait encourager d’autres communes à faire leurs valises. Mais pour les habitants, c’est une autre histoire.
J’ai toujours trouvé fascinant, et un peu frustrant, de voir à quel point une décision prise dans un bureau peut ignorer la voix d’une communauté entière. À Golancourt, le vote des habitants n’a pas pesé bien lourd face à la plume des préfets. Le tribunal administratif d’Amiens, saisi pour trancher, a confirmé leur position en juin 2025. Résultat ? Le village reste enchaîné à une communauté de communes qu’il ne veut plus.
- Les habitants ont voté pour rejoindre la Somme.
- Le conseil municipal a soutenu la démarche.
- L’agglomération de l’Est de la Somme était prête à accueillir Golancourt.
- Les préfets ont bloqué le projet, et le tribunal a validé leur décision.
Ce n’est pas la première fois qu’une commune se heurte à ce genre de mur. Depuis une loi de 2019, changer de communauté de communes est devenu un parcours du combattant. Les préfets ont le dernier mot, et les exemples de succès sont rares, voire inexistants. Pour les élus de Golancourt, c’est comme si l’État leur avait fait une promesse en l’air, un mirage de liberté communale vite dissipé.
Un Divorce Impossible ?
Pour comprendre la frustration des habitants, il faut plonger dans la métaphore qu’utilisent les élus : celle d’un mariage forcé. Golancourt se sent coincé dans une union avec le Pays noyonnais, une relation qui, selon eux, ne fonctionne plus. Les tensions sont palpables. Les réunions communautaires tournent au vinaigre, et Golancourt a même boycotté un conseil récent pour marquer son mécontentement.
C’est comme vouloir divorcer pour se remarier, mais on nous force à rester dans un couple qui bat de l’aile.
– Un maire impliqué dans la lutte
Ce “divorce” communal, comme l’appellent les élus, repose sur des enjeux concrets. D’abord, les finances. Rester dans le Pays noyonnais coûte cher à Golancourt, qui ne bénéficie pas des services à la hauteur des taxes versées. Ensuite, la géographie. Les habitants font leurs courses, envoient leurs enfants à l’école et accèdent aux soins dans la Somme, pas dans l’Oise. Enfin, la politique. Les relations avec la communauté actuelle sont si tendues que Golancourt se sent marginalisé.
| Enjeu | Problème avec le Pays noyonnais | Avantage avec la Somme |
| Finances | Taxes élevées, peu de services | Meilleure gestion des ressources |
| Géographie | Services éloignés | Proximité des commerces et écoles |
| Politique | Tensions avec les élus | Relations harmonieuses |
Mais le Pays noyonnais ne veut pas lâcher Golancourt. Pourquoi ? Parce que perdre une commune, c’est perdre des ressources, des habitants, et une partie de son influence. C’est un jeu de pouvoir où les petits villages comme Golancourt ont peu de cartes en main.
La Loi de 2019 : Une Promesse Non Tenue
En 2019, une loi a redéfini les règles pour les changements de communauté de communes. Sur le papier, elle donnait plus de liberté aux communes pour choisir leur avenir. Dans la réalité ? Un fiasco, selon les élus locaux. Les préfets, investis d’un pouvoir quasi absolu, bloquent systématiquement ces demandes. À Golancourt, on parle d’une “promesse fictive”, d’un texte qui fait miroiter une autonomie communale sans jamais la concrétiser.
Est-ce que cette loi est vraiment inutile, comme le pensent certains ? Difficile à dire. Mais une chose est sûre : elle n’a pas aidé Golancourt. Les élus ont exploré toutes les voies légales, consulté des experts, mobilisé les habitants. Rien n’y a fait. Le maire, lucide mais amer, compare la situation à un “labyrinthe administratif” où toutes les portes sont fermées.
- 2019 : Adoption de la loi sur les communautés de communes.
- 2020-2024 : Golancourt prépare son dossier pour rejoindre la Somme.
- 2025 : Les préfets refusent, le tribunal confirme.
Ce n’est pas seulement une question de paperasse. Derrière ce combat, il y a une réflexion plus large sur la place des petites communes dans un système centralisé. Peut-on encore parler de démocratie quand un vote local est balayé d’un revers de main ? C’est une question qui mérite d’être posée, et pas seulement à Golancourt.
Et Maintenant ? L’Espoir Reposant sur 2026
Les procédures judiciaires sont terminées. Le maire de Golancourt a jeté l’éponge… pour l’instant. Mais il garde un atout dans sa manche : les élections municipales de 2026. Avec un nouveau président à la tête du Pays noyonnais, les choses pourraient changer. Si ce futur dirigeant accepte un “divorce à l’amiable”, le préfet n’aura plus son mot à dire. Une lueur d’espoir, mais aussi une attente frustrante.
En attendant, Golancourt continue de vivre dans une sorte de limbo administratif. Les relations avec le Pays noyonnais sont au point mort, et les habitants se sentent pris en otage. “On nous a fait perdre quatre ans”, déplore un élu. Quatre ans à se battre pour un avenir que tout le monde, sauf l’État, semblait approuver.
Je ne baisse pas les bras, mais je suis fatigué. On mérite mieux pour notre village.
– Un responsable local
Ce qui me frappe dans cette histoire, c’est la résilience des habitants. Malgré les obstacles, ils continuent de croire en leur projet. Peut-être que 2026 leur donnera raison. Peut-être que Golancourt deviendra un symbole de la lutte pour l’autonomie communale. En attendant, ce village de l’Oise nous rappelle une vérité essentielle : la démocratie, même à l’échelle locale, est un combat de tous les instants.
Une Leçon pour l’Avenir
L’histoire de Golancourt n’est pas isolée. Partout en France, des petites communes se heurtent à la rigidité d’un système centralisé. Que ce soit pour des questions de finances, de services ou d’identité, ces villages cherchent à reprendre le contrôle de leur destin. Mais face à l’État, ils se sentent souvent comme David face à Goliath.
Alors, que retenir de tout ça ? D’abord, que la démocratie locale est fragile. Un vote, même unanime, ne suffit pas toujours à changer les choses. Ensuite, que les lois, aussi bien intentionnées soient-elles, peuvent devenir des pièges si elles ne sont pas appliquées avec souplesse. Enfin, que les habitants des petites communes ont une voix, et qu’ils sont prêts à la faire entendre, même quand tout semble perdu.
Si j’étais à Golancourt, je serais probablement en train de discuter avec mes voisins autour d’un verre, à refaire le monde et à rêver d’un avenir dans la Somme. Mais en attendant, une question reste en suspens : jusqu’où faudra-t-il aller pour que la voix d’un village compte autant que celle d’un préfet ?
