Vous êtes-vous déjà demandé ce que ressentirait une machine vieille de deux siècles en reprenant vie entre des mains passionnées ? À Romilly-sur-Seine, une petite ville de l’Aube autrefois surnommée la « capitale de la chaussette », une jeune femme de 31 ans redonne souffle à un savoir-faire textile presque oublié. Son nom ? Amandine. Son défi ? Restaurer une machine à tricoter du XIXe siècle pour préserver un patrimoine unique tout en le projetant dans l’avenir. C’est une histoire qui mêle nostalgie, innovation et une pointe d’écologie – et croyez-moi, elle vaut le détour.
Quand le Passé Textile Rencontre l’Avenir
Romilly-sur-Seine, c’est plus qu’une simple commune française. C’est un lieu où le textile a façonné l’identité, où les usines de bonneterie ont jadis bourdonné d’activité, produisant des chaussettes et des vêtements pour des marques emblématiques. Aujourd’hui, Amandine, une artiste-designer aux multiples casquettes, s’attelle à raviver cet héritage. Avec une machine suisse Dubied, un mastodonte de métal datant d’une époque sans électricité, elle ne fait pas que restaurer un objet. Elle tisse un pont entre hier et demain.
Un Savoir-Faire en Voie de Disparition
Le tricot, ce n’est pas juste une activité de grand-mère. C’est un art, une science presque, qui repose sur une logique quasi mathématique. Comme le dit Amandine, « le tricot, c’est un peu comme coder ». Les cartes perforées, ces ancêtres des programmes informatiques, dictent à la machine les motifs à créer, fil après fil. Ce parallèle entre textile et technologie m’a toujours fasciné : on dirait une poésie mécanique, où chaque aiguille joue sa partition.
Le tricot, c’est du codage à sa façon. On travaille sur des suites binaires, comme les premiers ordinateurs.
– Une artiste-designer passionnée
Mais ce savoir-faire, aussi riche soit-il, risque de s’éteindre. Avec la délocalisation massive de l’industrie textile, les compétences des anciens bonnetiers se perdent. Amandine, épaulée par un ancien professionnel du textile, apprend les ficelles du métier. Ensemble, ils démontent, nettoient, réparent. Un travail de patience, parfois ingrat, mais ô combien gratifiant. « J’ai appris à mes dépens qu’il ne faut jamais oublier d’huiler les aiguilles après les avoir nettoyées », confie-t-elle avec un sourire. Une leçon simple, mais essentielle.
Une Machine Intemporelle
La machine Dubied, c’est un bijou d’ingéniosité. Construite pour durer, elle fonctionne sans électricité, actionnée par la seule force humaine. Chaque pièce est remplaçable, chaque vis ajustable. Mais restaurer un tel engin n’est pas une mince affaire. Entre la rouille tenace et les pièces usées, Amandine et son mentor passent des heures à redonner vie à cet ancêtre mécanique. Pourquoi s’embêter, me direz-vous ? Parce que cette machine incarne une philosophie : celle d’un artisanat durable, où rien ne se perd.
- Résistance : Fabriquée en métal, la Dubied défie le temps.
- Écologie : Pas d’électricité, juste la force des bras.
- Précision : Les cartes perforées permettent des motifs complexes.
Ce qui frappe, c’est la modernité paradoxale de cet outil. Alors que l’industrie textile moderne génère des tonnes de déchets, la Dubied permet de produire exactement ce dont on rêverait : une pièce sur mesure, sans gaspillage. Amandine calcule chaque maille avec soin, réduisant les pertes au minimum. Une approche qui, à l’heure de l’économie circulaire, résonne comme une réponse aux défis actuels.
Un Engagement Écologique et Culturel
Le projet d’Amandine ne se limite pas à la restauration d’une machine. C’est un cri du cœur pour préserver un patrimoine industriel. À Romilly, le textile n’est pas qu’une histoire passée ; c’est une identité. Les usines d’antan, les magasins d’usine, les marques emblématiques… tout cela fait partie de l’ADN de la ville. Mais sans transmission, ce legs risque de s’effacer. « Les machines peuvent survivre, mais pas les savoirs si personne ne les porte », déplore-t-elle.
Pour contrer cette menace, Amandine s’engage dans la transmission. Elle donne des cours dans un espace collaboratif dédié aux pratiques artisanales et technologiques. Elle documente chaque étape de la restauration en vidéo, dans une démarche open source. « Si ce n’est pas documenté, ça n’existe pas », aime-t-elle rappeler. Cette philosophie, héritée de ses années de formation, guide son travail. Elle veut que d’autres puissent apprendre, réparer, créer.
| Aspect | Objectif | Impact |
| Restauration | Redonner vie à la Dubied | Préserver un outil historique |
| Transmission | Partager le savoir-faire | Perpétuer une tradition |
| Innovation | Allier tradition et modernité | Créer un textile durable |
Quand le Tricot Devient Numérique
Ce qui rend l’approche d’Amandine unique, c’est sa capacité à marier tradition et innovation. Elle ne se contente pas de tricoter comme au XIXe siècle. Elle hacke sa machine avec des outils modernes, comme un Arduino, pour transposer des motifs numériques en tricot. Imaginez : un dessin créé sur ordinateur, transformé en mailles par une machine centenaire. C’est presque magique, non ?
J’ai hacké ma machine avec un Arduino. C’est une forme de poésie numérique.
– Une créatrice visionnaire
Cette fusion entre artisanat et technologie ne s’arrête pas là. Amandine explore des biomatériaux, comme le mycélium, pour créer des textiles innovants. Elle imagine des fibres vivantes, des tissus qui évoluent avec le temps. Cette démarche, à la croisée de l’art et de la science, pourrait redéfinir ce que signifie « faire du textile » au XXIe siècle.
Les Défis d’un Patrimoine Vivant
Malgré son enthousiasme, Amandine est lucide. L’espace où elle travaille, animé par des bénévoles souvent retraités, est fragile. Sans relève, il risque de fermer. Et avec lui, une partie de l’histoire textile de Romilly pourrait s’éteindre. « Ce sont eux qui font vivre le lieu », note-t-elle. « Si on ne prend pas le relais, tout s’arrête. »
- Manque de relève : Les jeunes générations doivent s’impliquer.
- Financement : Maintenir un espace vivant demande des ressources.
- Visibilité : Faire connaître ce patrimoine au-delà de l’Aube.
Pourtant, l’espoir est là. En redonnant vie à la Dubied, Amandine montre que le textile peut avoir un avenir. Elle rêve de voir des jeunes s’emparer de ces machines, de ces savoirs, pour inventer de nouvelles façons de créer. Et si Romilly redevenait un hub textile, non plus pour les chaussettes, mais pour des créations durables et innovantes ?
Un Futur à Tisser
Ce qui m’impressionne dans cette histoire, c’est la manière dont Amandine transforme un héritage en opportunité. Elle ne se contente pas de préserver ; elle innove. Elle ne restaure pas seulement une machine ; elle restaure une vision. Le textile, dans l’Aube, n’est pas qu’un vestige du passé. C’est une matière vivante, prête à être réinventée.
Alors, la prochaine fois que vous enfilerez une paire de chaussettes, pensez à Romilly. Pensez à ces machines qui, grâce à des passionnés comme Amandine, refusent de s’arrêter. Et peut-être, qui sait, vous aurez envie de prendre une aiguille – ou un Arduino – et de tisser votre propre histoire.
