Imaginez-vous sur une terrasse d’hôtel en Suisse, sous une pluie battante, écoutant un sélectionneur parler avec passion de son métier. C’est là, dans ce décor presque cinématographique, que Laurent Bonadei, l’homme qui redonne des couleurs à l’équipe de France féminine de football, partage sa vision. À 55 ans, ce sélectionneur discret mais inspiré guide les Bleues vers les quarts de finale de l’Euro 2025, avec une approche qui tranche dans le monde du sport de haut niveau : un management participatif, teinté d’empathie et d’une rigueur tactique implacable. Comment cet ancien formateur du PSG a-t-il transformé une équipe souvent critiquée pour son image en un groupe soudé, prêt à défier l’Allemagne ? Plongeons dans son univers.
Un Management Humain au Cœur du Succès
Dans le football, on pense souvent que tout se joue sur le terrain. Mais pour Laurent Bonadei, la victoire commence bien avant le coup d’envoi. Son style ? Proche des joueuses, à l’écoute, mais exigeant. Il ne s’agit pas seulement de tactique ou de physique, mais de comprendre les émotions, les attentes, et parfois les doutes de son équipe. J’ai toujours trouvé fascinant comment certains entraîneurs parviennent à créer une alchimie unique. Bonadei, lui, semble avoir trouvé la formule.
Il faut montrer qu’elles ne sont pas des divas : ce sont des joueuses, des femmes, des mamans. Elles sont comme tout le monde.
– Un sélectionneur inspiré
Ce credo, Bonadei l’a mis en pratique dès son arrivée à la tête des Bleues. En octobre dernier, il a présenté un projet de vie à ses joueuses, un document qui va bien au-delà des schémas tactiques. L’objectif ? Redonner une image positive au football féminin français, souvent éclipsé par des polémiques ou des clichés. En encourageant ses joueuses à sourire, à s’ouvrir aux médias et aux supporters, il a insufflé une nouvelle dynamique. Et ça marche : les Bleues, autrefois perçues comme distantes, rayonnent aujourd’hui d’une énergie communicative.
S’inspirer des Grands : L’Ombre d’Ancelotti
Quand on demande à Bonadei qui l’a inspiré, un nom revient immédiatement : Carlo Ancelotti. L’entraîneur italien, connu pour son calme légendaire et sa capacité à gérer des stars, est une référence. Bonadei raconte, non sans une pointe d’admiration, comment Ancelotti l’a marqué par son aisance linguistique et son sens de l’intégration. Lors de son passage en Arabie saoudite, Bonadei a suivi cet exemple, prenant des cours d’arabe pour mieux comprendre ses joueurs. « Les nuances linguistiques sont essentielles, dit-il. Choisir les bons mots, c’est déjà gagner une bataille. »
Cette attention au langage se retrouve dans sa façon de communiquer avec les Bleues. Lors du match contre les Pays-Bas (5-2), décisif pour la qualification en quarts, il a su trouver les mots justes pour remotiver Delphine Cascarino à la mi-temps, sans la brusquer. Un art subtil, qui demande une écoute rare dans un milieu où l’autorité prime souvent sur le dialogue.
- Écoute active : Bonadei prend le temps de comprendre les émotions de chaque joueuse.
- Adaptation : Il ajuste son discours pour éviter les malentendus.
- Intégration : Comme Ancelotti, il mise sur une approche culturelle pour fédérer.
Ce style, qui pourrait sembler trop doux pour le haut niveau, est en réalité un atout. En football féminin, où les émotions jouent un rôle central, Bonadei a compris qu’une décision mal expliquée peut fracturer un groupe. Et ça, c’est une leçon qu’il applique avec brio.
Une Préparation Tactique Millimétrée
Si Bonadei excelle dans le relationnel, il n’en oublie pas pour autant la stratégie. Dans le vestiaire, son paperboard est devenu légendaire. Avant chaque match, il y inscrit l’objectif du jour, toujours suivi du mot « Gagner ». Simple, mais efficace. En dessous, il détaille trois points offensifs, trois points défensifs, et une phrase inspirante. Pour l’Euro 2025, il a ajouté un compteur : 1/6, 2/6, 3/6… jusqu’à la finale. « Il faut visualiser le 6/6 », répète-t-il, comme un mantra.
La plupart de mes causeries sont courtes, moins de 5 minutes. Je distille les éléments tout au long de la semaine.
Cette approche progressive évite de surcharger les joueuses. Plutôt que de longues tirades, Bonadei préfère des interventions courtes, percutantes, souvent ponctuées d’une touche d’humour. Lors d’une causerie récente, il a surpris son équipe par sa brièveté, provoquant des rires complices. « Elles étaient choquées, mais j’apprends à travailler mes points faibles », confie-t-il avec un sourire.
| Étape | Action clé | Impact |
| Préparation hebdomadaire | Distillation progressive des consignes | Clarté et concentration |
| Causerie d’avant-match | Discours court et motivant | Motivation immédiate |
| Visualisation | Compteur 1/6 à 6/6 | Focus sur l’objectif final |
Et puis, il y a ces petits détails qui font la différence. Pour motiver ses équipes, Bonadei n’hésite pas à utiliser des outils modernes, comme des montages vidéo. Avec les jeunes du PSG, il avait créé un clip mêlant buts, moments de joie et messages des familles. « Le père de Presnel Kimpembe disait : ‘Faut ramener la coupe !’ Ça donnait des frissons », se souvient-il. Ces touches personnelles renforcent la cohésion d’équipe, un ingrédient clé de son succès.
Un Management Adapté au Féminin
Le football féminin a ses spécificités, et Bonadei l’a bien compris. « Les émotions sont différentes », explique-t-il. Une décision mal reçue peut avoir des répercussions plus larges chez les joueuses, où la solidarité et l’empathie sont souvent plus marquées que chez les hommes. Prenez l’exemple des choix de sélection. Lorsqu’il a décidé de se passer de certaines cadres, comme Wendie Renard ou Eugénie Le Sommer, Bonadei a pris le temps d’expliquer, en groupe et en individuel. « Il faut aborder l’après-décision, sinon on risque de perdre une partie du groupe », confie-t-il.
Cette approche a porté ses fruits. Lors du rassemblement de Nancy, en mai, il a consacré des heures à discuter avec ses joueuses, laissant place à leurs émotions – colère, tristesse, surprise. Ce dialogue a permis de désamorcer les tensions et de renforcer la confiance. « Chez les filles, il y a un effet buvard, dans le positif comme dans le négatif », note-t-il. Une observation qui, je trouve, résume parfaitement la finesse de son management.
- Explication collective : Présenter les décisions en groupe pour plus de transparence.
- Échanges individuels : Permettre à chaque joueuse d’exprimer ses ressentis.
- Suivi émotionnel : Accompagner les joueuses pour maintenir la cohésion.
Ce soin apporté aux relations humaines est d’autant plus crucial que les Bleues affrontent des défis majeurs. Leur quart de finale contre l’Allemagne, une équipe réputée pour sa discipline et son efficacité, sera un test décisif. Mais avec Bonadei à la barre, on sent que l’équipe a les armes pour surprendre.
Vers la Finale : Une Vision à Long Terme
Bonadei ne se contente pas de viser le prochain match. Son ambition, c’est le « 6/6 », la finale de l’Euro 2025. Pour y parvenir, il s’appuie sur une formation continue. Actuellement inscrit à la 14e promotion de manager général au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, il cherche à perfectionner ses compétences. « Le management, c’est un apprentissage permanent », dit-il. Une humilité qui force le respect, surtout dans un milieu où l’ego peut vite prendre le dessus.
Et puis, il y a cette anecdote savoureuse avec Marie-Antoinette Katoto, qui a un jour reproché à Bonadei de « trop parler ». Loin de se vexer, il a pris la remarque au sérieux, travaillant à rendre ses interventions plus concises. « Les filles étaient choquées quand j’ai fait une causerie hyper courte », raconte-t-il en riant. Cette capacité à s’adapter, à écouter même les critiques, est sans doute ce qui fait de lui un entraîneur à part.
J’essaie de travailler mes points faibles, comme je demande à mes joueuses de le faire.
– Un coach en constante évolution
En regardant les Bleues aujourd’hui, on sent un vent nouveau. L’équipe n’est plus seulement une somme de talents individuels, mais un collectif porté par une vision claire. Bonadei a su créer une dynamique où chaque joueuse se sent valorisée, écoutée, mais aussi poussée à donner le meilleur. À l’approche du choc contre l’Allemagne, une question se pose : et si c’était l’année des Bleues ?
Pourquoi Bonadei Fait la Différence
Ce qui frappe chez Bonadei, c’est sa capacité à jongler entre rigueur et humanité. Dans un sport où la pression est constante, il a su instaurer un climat de confiance. Les joueuses, autrefois sous le feu des critiques, sont aujourd’hui perçues comme accessibles, humaines, prêtes à se battre pour leur public. Cette transformation ne doit rien au hasard. Elle est le fruit d’un travail de fond, d’une vision qui dépasse le simple cadre sportif.
Personnellement, je trouve son approche rafraîchissante. Dans un monde où le football est parfois synonyme de cynisme ou de résultats à tout prix, Bonadei rappelle qu’on peut gagner autrement. En misant sur l’empathie, la communication et une préparation tactique irréprochable, il trace une voie nouvelle pour le football féminin français. Et si les Bleues vont loin dans cet Euro, il y aura forcément un peu de Bonadei dans chaque but marqué.
Alors, à quelques heures du quart de finale, une chose est sûre : avec Bonadei, les Bleues ne sont plus seulement une équipe. Elles sont une histoire, un projet, une ambition. Et qui sait ? Peut-être qu’au bout du chemin, il y aura ce fameux « 6/6 ».
