Quand on pense à un siècle d’histoire, on imagine souvent des archives poussiéreuses ou des récits figés dans les livres. Mais parfois, l’histoire prend vie à travers une voix, un regard, un homme. À Vitry-sur-Seine, un nonagénaire continue de porter haut les idéaux d’un mouvement qui a façonné le Val-de-Marne : le communisme. À 90 ans, cet ancien enseignant reste un témoin vivant d’une époque où les luttes ouvrières et les idéaux socialistes ont redessiné le paysage politique local. Son parcours, c’est celui d’une région marquée par un siècle d’engagement, de combats, et d’espoirs. Alors, qu’est-ce qui pousse un homme à rester fidèle à ces idées, même après tant d’années ?
Un Siècle de Communisme dans le Val-de-Marne
Depuis 1925, le Val-de-Marne est un bastion du communisme en France. Ce n’est pas juste une question de politique, mais d’identité. Les mairies, les usines, les écoles : tout ici porte la trace d’un mouvement qui a voulu transformer la société. À l’occasion du centenaire de cet héritage, il est temps de plonger dans cette histoire, non pas à travers des chiffres froids, mais via des récits humains. Celui d’un militant de Vitry, par exemple, qui, à 90 ans, incarne cette mémoire vive.
Jacques, le Gardien des Idéaux
Rencontrer Jacques, c’est comme ouvrir un livre d’histoire qui parle encore. À 90 ans, cet ancien professeur du lycée Chérioux à Vitry-sur-Seine n’a rien perdu de sa verve. La lutte des classes, il ne l’a pas seulement étudiée, il l’a vécue. « Dans ma famille, on voyait les différences tous les jours : ceux qui avaient tout, et nous, qui devions nous battre pour un bout de pain », confie-t-il avec un sourire teinté de nostalgie. Son engagement communiste a commencé jeune, dans une époque où les cellules de travail du Parti communiste structuraient la vie des ouvriers.
« La lutte, ce n’est pas juste un slogan. C’est ce qui nous a donné des droits, des écoles, des hôpitaux. »
– Un militant de longue date
Jacques n’est pas du genre à s’endormir sur ses lauriers. Même à son âge, il suit l’actualité, participe aux débats, et garde un œil sur les tentatives du Parti pour relancer ces fameuses cellules. Pourquoi cet acharnement ? « Parce que les injustices n’ont pas disparu », lâche-t-il, presque comme une évidence.
1925 : Les Origines d’un Bastion
Remontons le temps. En mai 1925, une coalition ouvrière, mêlant communistes et socialistes, prend les rênes de Vitry-sur-Seine. Ce n’est pas un simple changement de maire. C’est une révolution locale. À l’époque, le Val-de-Marne est une terre industrielle, où les usines tournent à plein régime et où les ouvriers rêvent d’un monde plus juste. Le communisme, alors en pleine ascension, promet exactement cela. Les élus s’attaquent aux conditions de travail, à l’accès à l’éducation, à la santé. Des idéaux qui, pour Jacques, restent d’actualité.
- Éducation pour tous : Création d’écoles et de centres de formation.
- Santé accessible : Mise en place de dispensaires pour les plus démunis.
- Logement social : Construction de bâtiments pour les travailleurs.
Ces avancées, souvent portées par des élus communistes, ont marqué des générations. Mais ce qui frappe, c’est leur résonance aujourd’hui. Quand on voit les défis actuels – crise du logement, inégalités croissantes – on se demande : et si ces vieux idéaux avaient encore quelque chose à nous apprendre ?
La Désindustrialisation : Un Tournant Majeur
Le Val-de-Marne n’a pas échappé aux bouleversements du XXe siècle. Avec la désindustrialisation, les usines qui faisaient battre le cœur de la région ont fermé les unes après les autres. Pour Jacques, ces années ont été un crève-cœur. « Les usines, c’était là qu’on se réunissait, qu’on discutait, qu’on construisait l’avenir », raconte-t-il. La lutte emblématique de l’usine SKF, par exemple, reste gravée dans les mémoires comme un symbole de résistance ouvrière.
| Événement | Impact | Années |
| Fermeture des usines | Chômage, perte d’identité ouvrière | 1980-1990 |
| Lutte SKF | Mobilisation ouvrière massive | 1970-1980 |
| Réorganisation politique | Nouveau rôle des mairies communistes | 1990-2000 |
Cette désindustrialisation a forcé le communisme local à se réinventer. Les mairies, autrefois centrées sur les ouvriers, ont dû s’adapter à une société plus diverse, avec de nouveaux enjeux comme l’écologie ou l’intégration. Jacques, lui, y voit une continuité : « Les combats changent, mais l’idée reste la même : donner une voix à ceux qui n’en ont pas. »
Un Héritage Architectural et Culturel
Si le communisme a marqué les esprits, il a aussi transformé le paysage. Dans le Val-de-Marne, les bâtiments publics, les écoles, les centres culturels portent souvent la signature d’une architecture audacieuse, pensée pour le collectif. Ces constructions, parfois critiquées pour leur austérité, sont pour moi un rappel de ce que le communisme municipal a voulu offrir : des lieux pour tous, où l’on apprend, où l’on se rencontre, où l’on vit.
« Ces bâtiments, ce ne sont pas juste des murs. Ce sont des symboles d’un projet pour le peuple. »
– Un historien local
Prenez les écoles, par exemple. Dans les années 50 et 60, les mairies communistes ont multiplié les établissements scolaires, souvent modernes pour l’époque, avec de grandes fenêtres et des espaces ouverts. Aujourd’hui encore, ces lieux résistent au temps, comme un écho des idéaux d’égalité.
La Fête de l’Humanité : Un Symbole Toujours Vivant
Chaque année, la Fête de l’Humanité attire des milliers de personnes, et Jacques ne manque jamais l’occasion d’y faire un tour. « C’est là qu’on sent l’esprit du Parti, même aujourd’hui », dit-il avec une pointe de fierté. Cet événement, bien plus qu’une simple fête, est un lieu de débats, de musique, de rencontres. C’est aussi un rappel que le communisme, dans le Val-de-Marne, n’est pas qu’une affaire de politique, mais une culture, une façon de vivre ensemble.
- Un espace de débat : Discussions sur les grands enjeux sociaux.
- Une vitrine culturelle : Concerts, expositions, théâtre.
- Un lieu de mémoire : Hommage aux luttes passées et présentes.
Mais la Fête, c’est aussi un miroir des défis actuels. Avec la montée des populismes et la fragmentation de la gauche, le communisme doit se réinventer. Jacques, lui, reste optimiste : « Tant qu’il y aura des injustices, il y aura des gens pour se battre. »
Et Aujourd’hui, Quel Avenir ?
Le communisme dans le Val-de-Marne est-il un vestige du passé ou un projet d’avenir ? C’est la question qui plane. Les mairies communistes, bien que moins nombreuses, continuent d’exister, portées par des élus qui revendiquent cet héritage. Mais les défis sont immenses : montée des inégalités, crise climatique, défiance envers la politique. Pour Jacques, la réponse est claire : « Il faut revenir aux bases, écouter les gens, redonner du sens à la solidarité. »
Ce qui m’a frappé, en discutant avec lui, c’est cette capacité à lier le passé et le présent. À 90 ans, il ne parle pas seulement d’histoire, mais d’avenir. Peut-être est-ce là la force du communisme dans cette région : une idée qui, malgré les tempêtes, refuse de s’éteindre.
« Le communisme, c’est avant tout une question de justice. Et ça, ça ne vieillit pas. »
En repensant à Jacques, je me dis qu’il incarne quelque chose de rare : une fidélité à des idées, mais aussi une capacité à les faire vivre dans un monde qui change. Le Val-de-Marne, avec ses mairies, ses luttes, ses bâtiments, reste un laboratoire de ces idéaux. Et si l’avenir du communisme passait par des figures comme lui, capables de transmettre, d’inspirer, de continuer ?
Ce siècle d’histoire, ce n’est pas juste une page à tourner. C’est une leçon, un défi, une invitation à réfléchir. Et vous, que pensez-vous de cet héritage ?
