Quand la pluie s’abat sur le terrain et que les regards des supporters pèsent plus lourd que les bourrasques, comment un entraîneur peut-il garder le cap ? À Rennes, Habib Beye vit des semaines où chaque décision est scrutée, chaque match disséqué. La pression, il la qualifie lui-même d’exagérée, mais elle est bien réelle. Ce dimanche, au Havre, à 17h15, l’ancien défenseur devenu technicien jouera gros : un faux pas pourrait fragiliser sa position, tandis qu’une victoire raviverait l’espoir d’un projet enfin sur les rails.
Un Début Prometteur, Mais Des Doutes Persistants
À première vue, le bilan de Rennes en ce début de saison 2025 n’a rien de catastrophique. Avec neuf points en six journées, le club breton affiche même son meilleur départ en Ligue 1 depuis 2020. Mais dans une ville où le football est une religion, les attentes sont bien plus élevées. Les investissements massifs réalisés cet été – des recrues comme Samba, Fofana, Rongier ou encore Embolo – promettaient une équipe flamboyante, capable de rivaliser avec les cadors. Pourtant, les résultats face aux équipes dites “plus faibles” laissent perplexe. Lorient, Angers, Nantes, Lens : aucun de ces adversaires n’a plié face aux Rouge et Noir.
Et pourtant, il y a eu des éclairs. La victoire contre l’OM (1-0) en août, en infériorité numérique, ou celle face à Lyon (3-1) en septembre montrent que cette équipe a du potentiel. Mais ces coups d’éclat sont trop rares pour dissiper les doutes. Pourquoi l’équipe semble-t-elle parfois si désorganisée ? Est-ce un problème de tactique, d’adhésion des joueurs, ou tout simplement de temps ?
Le football, c’est avant tout une question de confiance et de cohésion. Sans cela, même les meilleurs joueurs ne brillent pas.
– Un ancien entraîneur de Ligue 1
Une Équipe En Quête D’Identité
Si les chiffres bruts ne mentent pas, ils ne racontent pas toute l’histoire. Le match nul (0-0) contre Lens, malgré une supériorité numérique, a jeté une lumière crue sur les lacunes actuelles de Rennes. Ce jour-là, l’équipe a semblé manquer de créativité, d’audace, et peut-être même de conviction. Les supporters, eux, n’ont pas hésité à pointer du doigt une identité de jeu encore floue. Où est passée l’équipe joueuse, déroutante, promise par Beye lorsqu’il a pris les rênes ?
Ce qui m’a frappé, en observant ce match, c’est le contraste entre l’énergie déployée et le manque de fluidité dans les enchaînements. Les joueurs semblaient courir beaucoup, mais sans toujours savoir pourquoi. La réunion organisée par les joueurs eux-mêmes cette semaine, sans leur coach, en dit long : il y a une prise de conscience, mais aussi une tension. Est-ce un signe de fracture ou, au contraire, le début d’une mobilisation collective ?
Beye, Un Leader Sous Pression
Habib Beye, lui, ne se démonte pas. Lors de sa dernière conférence de presse, il a martelé qu’il gardait les idées claires. « On est 8e, à trois points du podium, on n’a perdu qu’un match sur six », a-t-il rappelé, comme pour remettre les choses en perspective. Et il n’a pas tort : dans un championnat aussi compétitif que la Ligue 1, ce bilan est loin d’être désastreux. Mais dans une ville comme Rennes, où l’exigence est une seconde nature, les supporters veulent plus que des statistiques. Ils veulent du spectacle, des émotions, une équipe qui les fasse vibrer.
Beye, en bon communicant, sait que son discours doit rester positif. Il insiste sur le soutien de ses dirigeants, un point crucial dans un contexte où les rumeurs vont bon train. « Oui, je suis soutenu, ça, ce n’est pas un débat », a-t-il assuré. Mais derrière cette assurance, on devine une certaine fragilité. Les relations avec son président, Arnaud Pouille, n’ont pas toujours été fluides. L’arrivée de nouveaux membres dans le staff, comme le directeur de la performance Laurent Bessière, semble avoir créé quelques remous. Beye a-t-il vraiment toute la latitude pour imposer sa vision ?
- Soutien des dirigeants : Beye affirme être en phase avec la direction, mais les tensions passées laissent planer un doute.
- Mercato ambitieux : Les recrues estivales devaient porter l’équipe vers le haut, mais leur intégration reste inégale.
- Adhésion des joueurs : La réunion entre joueurs, sans le coach, interroge sur la confiance dans le projet tactique.
Le Match Au Havre : Un Tournant Décisif
Ce dimanche, au Havre, Rennes jouera plus qu’un simple match de championnat. Pour Beye, c’est une occasion de prouver que son équipe peut rebondir, qu’elle peut montrer du caractère. Le retour de Valentin Rongier, absent lors du match contre Lens, pourrait être un atout majeur. Milieu de terrain expérimenté, il est l’un des rares joueurs capables d’apporter cette stabilité qui manque cruellement à l’équipe. Mais un seul homme, aussi talentueux soit-il, peut-il changer la donne ?
Le Havre, qui lutte pour son maintien, ne sera pas un adversaire facile. Les Normands joueront avec l’énergie du désespoir, et Rennes devra montrer une solidité mentale à toute épreuve. Une victoire convaincante pourrait apaiser les critiques et redonner confiance à un groupe en quête de repères. À l’inverse, un nouveau résultat décevant risquerait de plonger Beye dans une zone de turbulences.
Un match peut tout changer dans une saison. C’est dans ces moments qu’on voit si une équipe a du caractère.
– Un observateur du football français
Un Projet À Long Terme Ou Une Crise Imminente ?
Quand Habib Beye a été nommé en janvier, sa mission était claire : assurer le maintien. Objectif atteint, avec une certaine maîtrise. Depuis, le club lui a offert une prolongation jusqu’en 2027 en cas de qualification européenne, signe d’une confiance – au moins officielle – de la part des dirigeants. Mais le football est un monde impitoyable, et les résultats d’aujourd’hui pèsent plus lourd que les promesses de demain.
Ce qui intrigue, c’est la capacité de Beye à fédérer son vestiaire. Les joueurs, en se réunissant sans lui, ont envoyé un signal ambigu. D’un côté, cela peut être vu comme une prise d’initiative, une volonté de se serrer les coudes. De l’autre, cela pourrait trahir un manque d’adhésion à sa méthode. Pour avoir couvert de nombreux clubs, j’ai vu des équipes se relever grâce à ce genre de réunions… mais j’en ai aussi vu s’enfoncer dans la crise.
| Aspect | Points forts | Points faibles |
| Résultats | 9 points en 6 matchs, meilleur départ depuis 2020 | Absence de victoires contre équipes “plus faibles” |
| Style de jeu | Moments de créativité (victoires contre OM et Lyon) | Manque de fluidité et d’identité claire |
| Leadership | Discours positif et soutien affiché des dirigeants | Tensions internes et réunion des joueurs sans le coach |
L’Exigence Rennaise : Une Force Ou Une Malédiction ?
Rennes, c’est une ville où le football ne pardonne pas. Les supporters, passionnés, attendent de leur équipe qu’elle rivalise avec les meilleurs, même sans le budget d’un PSG ou d’un Monaco. Cette exigence, Beye la juge démesurée, mais elle fait partie de l’ADN du club. Comment transformer cette pression en moteur plutôt qu’en frein ? C’est peut-être là que réside le plus grand défi de l’entraîneur.
Les exemples ne manquent pas dans l’histoire récente. Des entraîneurs prometteurs ont parfois plié sous le poids des attentes. D’autres, à l’image de certains techniciens passés par le club, ont su canaliser cette énergie pour en faire une force. Beye, avec son charisme et son passé de joueur, a les atouts pour y parvenir. Mais il faudra plus qu’un discours bien rodé : il faudra des résultats.
Et Si Le Meilleur Était À Venir ?
Je ne peux m’empêcher de penser que cette équipe a encore une carte à jouer. Les recrues de l’été, si elles trouvent leurs marques, peuvent transformer ce Rennes en une machine redoutable. Samba, avec sa vitesse, Fofana, avec sa puissance, et Rongier, avec son intelligence de jeu, forment un socle solide. Mais pour que la mayonnaise prenne, il faudra du temps – et un peu de patience de la part des supporters.
Le match au Havre sera un test, mais pas une fin en soi. Si Beye parvient à insuffler une dynamique positive, il pourrait non seulement sauver sa saison, mais aussi poser les bases d’un projet durable. À l’inverse, un échec pourrait alimenter les critiques et fragiliser sa position. Une chose est sûre : dans le football, rien n’est jamais écrit d’avance.
- Retrouver une identité : Définir un style de jeu clair et cohérent.
- Fédérer le vestiaire : Transformer la réunion des joueurs en élan collectif.
- Gagner au Havre : Un résultat positif pour apaiser les tensions.
Alors, Habib Beye saura-t-il relever le défi ? Ce dimanche, sous les projecteurs du Havre, les réponses commenceront à se dessiner. Une chose est certaine : dans le chaudron du football breton, chaque match est une bataille, et chaque victoire, un pas vers la rédemption.
