Imaginez une petite ville nichée au pied des Alpes, où l’odeur sucrée des sirops flotte dans l’air depuis des générations. À Crolles, en Isère, cette image n’est pas un rêve, mais une réalité menacée. L’usine Teisseire, un symbole local vieux de trois siècles, est sur le point de fermer ses portes. Cette annonce a secoué la communauté, et les salariés, bien décidés à ne pas se laisser faire, ont pris les devants. Pourquoi une marque aussi emblématique abandonne-t-elle son berceau historique ? Et surtout, que peuvent faire les employés pour sauver leur usine ?
Un Coup Dur pour l’Isère
Depuis 1720, Teisseire est bien plus qu’une marque de sirops. C’est un patrimoine culinaire, une fierté pour les habitants de la région grenobloise. L’usine de Crolles, avec ses trois tours ornées d’une bouteille géante, est un repère visuel autant qu’économique. Mais en avril 2026, tout cela pourrait disparaître. La direction a annoncé la fermeture définitive du site, invoquant des raisons économiques. Cette décision met en péril 205 emplois sur les 350 que compte l’usine, laissant des familles entières dans l’incertitude.
C’est comme si on arrachait une partie de notre identité. Teisseire, c’est l’Isère, c’est notre histoire.
– Un habitant de Crolles
Pour beaucoup, cette fermeture n’est pas seulement une question d’emplois. C’est une atteinte à l’âme d’une région où la marque est ancrée depuis des décennies. Les habitants parlent avec nostalgie des sirops à la menthe ou à la fraise qui ont bercé leur enfance. Mais derrière les souvenirs, c’est une réalité brutale qui se dessine : la production sera sous-traitée à une usine au Havre, loin des montagnes iséroises.
Pourquoi Fermer une Usine Rentable ?
La question brûle les lèvres de tous les salariés en grève : pourquoi fermer une usine qui semblait prospère ? Selon la direction, l’inflation des matières premières, les taxes sur le sucre et une perte de parts de marché sont en cause. Moderniser l’usine nécessiterait un investissement de 30 millions d’euros, un montant jugé trop élevé. À la place, la production sera confiée à une autre entreprise, au Havre, tandis que les emplois administratifs et de recherche resteront dans la région.
Mais les employés ne l’entendent pas de cette oreille. Ils pointent du doigt une gestion douteuse. Fin 2024, l’entreprise affichait une trésorerie de 119 millions d’euros. Quelques mois plus tard, on leur annonce un déficit de 24 millions. Où est passé l’argent ? Pour les grévistes, la réponse est claire : le rachat par un géant britannique en 2010 a changé la donne. Depuis, la production a été progressivement réduite, augmentant les coûts unitaires et rendant l’usine moins compétitive.
On nous a laissés tomber. Ils ont vidé les caisses et maintenant, ils nous mettent à la porte.
– Un salarié en grève
J’ai moi-même du mal à comprendre comment une entreprise aussi emblématique peut être sacrifiée si vite. Est-ce vraiment une question d’économie, ou y a-t-il autre chose derrière ? Les salariés soupçonnent une stratégie délibérée pour affaiblir l’usine avant de la fermer. Cette hypothèse n’est pas nouvelle dans le monde industriel, où les rachats par des groupes étrangers mènent parfois à des délocalisations déguisées.
La Grève : Une Lutte pour la Dignité
Devant l’usine, l’ambiance est électrique. Depuis l’annonce de la fermeture, 80 salariés se relaient jour et nuit, bravant le froid et les vents de la tempête qui a récemment balayé la région. Un brasero réchauffe leurs mains, mais c’est leur détermination qui alimente le feu de la résistance. Les banderoles clament leur refus de voir leur usine disparaître, et les slogans résonnent dans les rues de Crolles.
- Solidarité ouvrière : Les grévistes se soutiennent mutuellement, organisant des tours de garde pour maintenir le piquet.
- Soutien local : Les habitants passent régulièrement apporter des vivres ou des mots d’encouragement.
- Cagnotte solidaire : Une collecte en ligne a été lancée pour financer leur mouvement.
Pour ces employés, Teisseire n’est pas juste un employeur. C’est une seconde famille. Beaucoup ont passé des décennies dans l’usine, sacrifiant week-ends et santé pour produire des sirops de qualité. Certains parlent même du « sirop dans le sang », une expression qui traduit leur attachement viscéral à leur métier. La fermeture, c’est un peu comme perdre une partie de soi.
Un Patrimoine en Péril
Ce qui rend cette fermeture encore plus douloureuse, c’est l’impact sur l’identité locale. Les sirops Teisseire ne sont pas un produit comme les autres. L’eau de montagne utilisée à Crolles, d’une pureté exceptionnelle, donne aux sirops un goût unique. Au Havre, l’eau chlorée risque de modifier cette saveur si particulière. Pour les habitants, c’est une perte culturelle autant qu’économique.
| Aspect | Crolles | Le Havre |
| Eau utilisée | Eau de montagne pure | Eau chlorée |
| Impact économique | 205 emplois menacés | Production sous-traitée |
| Héritage culturel | 300 ans d’histoire | Aucun lien historique |
Les salariés ne se battent pas seulement pour leurs emplois, mais pour préserver un savoir-faire unique. Ils espèrent convaincre la direction de revenir sur sa décision, ou du moins d’investir dans une modernisation du site. Mais le temps presse : les négociations débutent ce lundi et devraient durer trois mois.
Un Rachat aux Conséquences Dévastatrices
Derrière cette fermeture, un nom revient souvent dans les discussions : le groupe britannique qui a racheté Teisseire en 2010. Selon les salariés, ce rachat a marqué le début d’un lent déclin. La production a été progressivement externalisée, réduisant l’activité à Crolles. Puis, début 2025, un géant mondial de la brasserie a acquis le groupe, accentuant la pression sur l’usine iséroise.
Ils ont pris notre trésor, vidé nos caisses, et maintenant ils nous abandonnent.
– Un employé de longue date
Cette situation rappelle d’autres fermetures d’usines en France, où des rachats étrangers ont conduit à des délocalisations. Ce qui me frappe, c’est la rapidité avec laquelle une entreprise rentable peut être mise à genoux. N’y a-t-il pas un moyen de concilier rentabilité et préservation des emplois locaux ?
Quel Avenir pour Teisseire ?
Les grévistes gardent espoir. Ils croient encore qu’une solution peut être trouvée pour maintenir la production à Crolles. Parmi les idées évoquées : un rachat par une entreprise locale, un investissement public-privé, ou une reconversion partielle du site. Mais la route est longue, et la direction semble déterminée à aller au bout de son plan.
- Négociations à venir : Les discussions avec la direction débutent ce lundi, avec des enjeux cruciaux pour les 205 salariés concernés.
- Mobilisation citoyenne : La cagnotte en ligne et le soutien des habitants pourraient peser dans la balance.
- Pressions politiques : Les élus locaux pourraient intervenir pour défendre ce fleuron régional.
En attendant, les salariés continuent leur combat. Chaque jour, ils se réunissent devant l’usine, discutent, chantent, et refusent de baisser les bras. Leur détermination est contagieuse, et on ne peut s’empêcher d’espérer qu’ils obtiendront gain de cause. Après tout, Teisseire, c’est plus qu’une marque : c’est un symbole de résilience.
Et Si l’Histoire Continuait ?
Si je devais parier, je dirais que cette affaire est loin d’être terminée. Les habitants de Crolles, les salariés, et même les consommateurs attachés à la marque ne vont pas laisser Teisseire disparaître sans se battre. Cette usine, c’est un peu comme une vieille maison de famille : elle a des fissures, mais elle tient encore debout. Avec un peu de volonté, elle pourrait encore briller pendant des décennies.
Ce qui se passe à Crolles n’est pas un cas isolé. Partout en France, des usines ferment, des emplois disparaissent, et des communautés luttent pour préserver leur identité. Peut-être que l’histoire de Teisseire inspirera d’autres combats, ou peut-être qu’elle rappellera aux décideurs qu’une entreprise, ce n’est pas seulement des chiffres, mais des gens, des familles, des rêves.
Nous ne sommes pas juste des employés. Nous sommes les gardiens d’un héritage.
– Un gréviste anonyme
Alors, que va-t-il se passer dans les prochains mois ? Les négociations donneront-elles raison aux salariés, ou l’usine de Crolles deviendra-t-elle un souvenir ? Une chose est sûre : l’Isère n’a pas dit son dernier mot.
