Il y a des affaires qui vous prennent aux tripes. Pas seulement parce qu’elles sont graves, mais parce qu’elles touchent à ce qu’on croyait intouchable. Quand un prêtre, censé protéger les plus fragiles, se retrouve accusé d’avoir profité d’eux sexuellement, on sent la nausée monter. Et pourtant, c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec cette histoire venue du Maroc.
Je ne vais pas vous faire languir : un homme d’Église français de 60 ans fait l’objet d’une double procédure, au Maroc et en France, pour des faits d’agressions sexuelles sur des migrants dont il avait la charge… dont un mineur de plus de 15 ans. Et sa défense ? « Tout était consenti ». Difficile à avaler quand on connaît la situation de ces jeunes, souvent sans papiers, sans ressources, et totalement dépendants de l’aide qu’on veut bien leur apporter.
Une affaire qui éclate au grand jour
C’est début novembre que l’histoire commence vraiment à faire du bruit. Des révélations venues du terrain marocain parlent d’un véritable système mis en place pendant des années. Le prêtre, envoyé là-bas par son diocèse en 2016, était chargé d’accompagner des migrants subsahariens. Logement, nourriture, démarches administratives… il avait les clés de leur survie au quotidien.
Et c’est précisément cette position de pouvoir qui pose problème. Parce que quand vous êtes la seule bouée de sauvetage d’une personne en situation de grande vulnérabilité, est-ce qu’un « oui » peut vraiment être considéré comme libre ? La question n’est pas nouvelle, elle hante toutes les affaires d’abus d’autorité. Mais elle prend ici une dimension particulièrement cruelle.
Les faits reprochés : entre 2020 et 2024
D’après les éléments qui filtrent, les actes se seraient déroulés sur plusieurs années, principalement à Rabat et Casablanca. Des relations sexuelles avec plusieurs jeunes adultes et au moins un adolescent de plus de 15 ans. Rien ne dit pour l’instant qu’il y aurait des victimes plus jeunes, mais l’enquête est encore en cours.
Ce qui choque particulièrement, c’est le profil des victimes présumées : des migrants en transit, souvent en attente d’un hypothétique passage vers l’Europe, coincés dans une précarité extrême. Certains dorment dans la rue, d’autres survivent grâce aux associations caritatives. Et parmi celles-ci, l’action menée par ce prêtre était connue et reconnue.
« Des abus sur des personnes fragiles » – c’est ainsi que l’archevêque local qualifiait déjà les soupçons dès l’été 2024.
Cette phrase, lâchée il y a quelques mois, prend aujourd’hui tout son poids. Car oui, on parle bien d’abus. Même si l’intéressé continue de nier farouchement la violence de ses actes.
La défense du prêtre : « librement consentis »
Quand on lui met les faits sous le nez, lors de son audition en France cet été, il ne nie pas les relations. Au contraire. Il les assume. Mais il ajoute cette phrase qui glace le sang : tout aurait été consenti. Entre adultes, ou presque. Comme si le contexte n’avait aucune importance.
Franchement, ça fait bondir. Parce que le consentement, ce n’est pas juste dire oui. C’est dire oui sans pression, sans peur de perdre un toit, un repas, une aide administrative. Quand vous êtes migrant en situation irrégulière au Maroc, que vous dépendez entièrement d’une personne pour votre survie, votre « oui » vaut-il vraiment quelque chose ?
J’ai vu trop d’affaires similaires pour ne pas être sceptique. Les mécanismes sont toujours les mêmes : la victime est isolée, dépendante, parfois reconnaissante au début. Et puis vient le moment où les limites sont franchies. Lentement. Insidieusement. Jusqu’à ce que la frontière entre aide et prédation devienne floue… pour tout le monde sauf pour la victime.
Une double enquête en cours
En France, l’affaire est traitée au parquet de Saint-Étienne. Une enquête préliminaire pour « agressions sexuelles sur mineur de plus de 15 ans et sur majeurs par personne ayant autorité ». Le caractère religieux et la position d’accompagnement sont clairement pris en compte comme circonstance aggravante.
Au Maroc, une plainte a été déposée à Casablanca. Et c’est peut-être là que les choses vont devenir vraiment compliquées. Car obtenir des témoignages dans ce contexte est un défi immense. Beaucoup de migrants ont peur des autorités. D’autres ont déjà quitté le pays. Certains refusent simplement de revivre le traumatisme.
- Demande d’entraide pénale internationale en cours
- Témoignages difficiles à recueillir
- Peur des représailles toujours présente
- Victimes dispersées ou disparues
Et puis il y a l’enquête interne à l’Église. Parce que oui, avant même la justice civile, il y a eu une procédure canonique. Lancée dès les premiers soupçons, elle a été transmise aux autorités françaises. Preuve que, cette fois, on n’a pas attendu dix ans pour réagir. C’est déjà ça.
Les mesures prises par l’Église
Dès son retour en France à l’été 2024, le prêtre a été écarté de tout ministère. Il vit aujourd’hui dans une communauté religieuse, sous surveillance discrète mais réelle. Interdiction totale d’exercer, de célébrer, de se présenter comme prêtre en activité. C’est le minimum.
Mais on sait tous que ces mesures, aussi rapides soient-elles, arrivent toujours après. Après les faits. Après les vies abîmées. La vraie question, c’est : comment a-t-on pu laisser un homme signalé continuer si longtemps ? Car oui, des alertes avaient été données. Dès juillet 2024, l’archevêque local parlait déjà de « comportement inapproprié ».
Alors pourquoi n’a-t-on pas agi plus tôt ? Pourquoi avoir attendu que l’affaire éclate publiquement ? Ce sont des questions qui reviennent sans cesse dans ce genre de dossiers. Et les réponses sont rarement satisfaisantes.
Le contexte marocain : un terrain propice aux abus ?
Le Maroc, c’est des milliers de migrants subsahariens bloqués là, souvent pendant des années. Ils rêvent d’Europe, mais les frontières sont fermées. Ils vivent dans la peur, la précarité, l’incertitude. Et dans ce chaos, les associations caritatives, dont certaines liées à l’Église catholique, jouent un rôle crucial.
Mais cette position d’aide peut aussi créer des déséquilibres de pouvoir énormes. Le bénévole, le religieux, l’humanitaire devient parfois une figure quasi divine pour ces jeunes complètement démunis. Et certains, très rares heureusement, en profitent.
On a vu le même schéma ailleurs. En Centrafrique, dans certains camps de réfugiés, dans des orphelinats… Partout où il y a de la détresse extrême et une figure d’autorité présentée comme salvatrice, le risque existe. Et quand la figure en question porte une soutane, le choc est encore plus violent.
Et maintenant ?
L’enquête suit son cours. Lentement, comme toujours dans ce genre d’affaires internationales. Il faudra du temps pour recueillir les témoignages, confronter les versions, établir les responsabilités précises. Mais une chose est sûre : cette histoire ne disparaîtra pas sous le tapis.
Parce qu’au-delà du cas individuel, c’est tout un système de protection des plus vulnérables qui est interrogé. Comment mieux encadrer ceux qui viennent en aide ? Comment détecter plus tôt les dérives ? Comment redonner la parole à ceux qu’on a fait taire ?
Je ne sais pas vous, mais moi, chaque fois qu’une nouvelle affaire éclate dans l’Église, j’ai ce mélange de colère et de tristesse. Colère contre ceux qui abusent de leur position. Tristesse pour les victimes, mais aussi pour tous ces prêtres, religieuses, bénévoles qui font un travail formidable dans l’ombre et qui se retrouvent éclaboussés par les fautes de quelques-uns.
Cette affaire marocaine n’est malheureusement qu’un épisode de plus dans une longue série. Mais peut-être, qui sait, sera-t-elle celle qui fera enfin bouger les lignes de manière définitive. On peut toujours l’espérer.
En attendant, les migrants continuent d’arriver au Maroc. Les associations continuent d’aider. Et quelque part, dans l’ombre d’une église ou d’un centre d’accueil, d’autres histoires se jouent peut-être encore. Espérons qu’on les arrêtera avant qu’elles ne fassent d’autres victimes.
