Vous êtes-vous déjà retrouvé coincé entre deux réunions, le ventre qui gargouille, avec seulement quarante-cinq minutes pour manger un sandwich décent ? Moi oui, trop souvent. Et si, d’un simple clic, une petite navette toute propre venait vous chercher devant votre bureau pour vous déposer devant le resto le plus proche, sans chauffeur, sans attendre, et surtout sans débourser un centime ? Ça ressemble à de la science-fiction… sauf que ça roule déjà, là, tout près de Paris.
Quand la navette autonome sort enfin du laboratoire
Depuis quelques jours, dans l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, une drôle de bestiole électrique baptisée SQY Flex sillonne les rues comme si de rien n’était. Pas de volant qui tourne tout seul pour faire peur aux passants, non : carrément pas de volant du tout. Ni de conducteur. Juste six places confortables, des grandes vitres et une petite voix douce qui vous souhaite la bienvenue quand vous montez.
Franchement, la première fois que j’ai vu les photos, j’ai cru à un poisson d’avril un peu tardif. Puis j’ai compris : on vient de francher un cap énorme. Pour la première fois en Île-de-France, un véhicule complètement autonome circule en milieu urbain dense, sur voirie ouverte, sans aucune infrastructure dédiée. Pas de rails, pas de couloir protégé, pas de bande magnétique. Juste les routes qu’on emprunte tous les jours, avec leurs feux rouges, leurs ronds-points infernaux et leurs piétons qui traversent n’importe où.
Comment ça marche concrètement ?
C’est d’une simplicité presque déconcertante. Vous téléchargez l’application (elle ressemble furieusement à celle des VTC qu’on connaît tous), vous choisissez votre arrêt parmi la vingtaine proposée autour de la gare et de Guyancourt, vous réservez, et hop. La navette recalcule son itinéraire en temps réel pour venir vous chercher, puis vous dépose là où vous voulez dans la zone.
Et le meilleur ? C’est gratuit. Complètement. Pas de ticket, pas d’abonnement, rien. L’agglomération finance l’expérimentation parce qu’elle veut voir comment les gens adoptent (ou pas) ce nouveau mode de déplacement.
« On utilise le réseau routier existant, aucun aménagement sur la voirie n’a été réalisé pour nous. On a 50 feux tricolores dans la zone, une très grande quantité de ronds-points, et de toutes tailles. »
Un des ingénieurs à l’origine du projet
Cette phrase donne le vertige quand on y pense. Cinquante feux. Des ronds-points à deux, trois, parfois quatre voies. Des zones 30, des zones 50. Et la navette gère tout ça seule. C’est probablement l’une des zones les plus complexes jamais testées pour un véhicule autonome en Europe.
Pourquoi maintenant, et pourquoi ici ?
Saint-Quentin-en-Yvelines, ce n’est pas n’importe quel terrain de jeu. C’est un bassin d’emploi énorme : 50 000 voyageurs par jour à la gare, des milliers de salariés dans les technopôles, des étudiants partout. Mais entre les parkings saturés, les bus bondés aux heures de pointe et les trottinettes qui slaloment dangereusement, la pause déjeuner peut vite tourner au parcours du combattant.
L’idée est donc maligne : proposer un service hyper flexible précisément quand les gens en ont le plus besoin, c’est-à-dire entre 11h30 et 14h30. Vous bossez à la Défense ou à Vélizy mais vous avez rendez-vous chez le médecin à Montigny ? SQY Flex vous y emmène. Vous voulez juste aller chercher une salade composée sans perdre vingt minutes en voiture ? Même chose.
- 20 km de boucle autour de la gare
- Plus de 20 arrêts virtuels (pas besoin de panneau physique)
- Vitesse maximale : 50 km/h (mais souvent 25-30 en ville)
- Capacité : 6 passagers assis + places debout possibles
- 100 % électrique, zéro émission
La technologie derrière le miracle
Derrière ce petit bijou, il y a des années de travail acharné. Les capteurs LIDAR balayent l’environnement 360°, les caméras lisent les panneaux et détectent les piétons, l’intelligence artificielle prend des décisions en quelques millisecondes. Et surtout, il y a cette fameuse persévérance dont parlent les créateurs : des milliers d’heures de tests, des scénarios improbables (un ballon qui traverse la route, un cycliste à contresens, un livreur qui ouvre sa portière sans regarder…).
Ce qui impressionne, c’est que tout cela fonctionne sans opérateur à distance en permanence. Bien sûr, il y a une supervision, mais la navette est conçue pour être autonome dans 99,9 % des cas. Le 0,1 % restant ? Elle s’arrête calmement et appelle à l’aide. Sécurité avant tout.
Et les gens, ils en pensent quoi ?
Les premiers retours sont plutôt enthousiastes. Les étudiants adorent : c’est gratuit, c’est fun, et ça leur évite de marcher quinze minutes sous la pluie. Les salariés, eux, gagnent un temps fou. Certains racontent déjà qu’ils choisissent leur lieu de déjeuner en fonction des arrêts desservis plutôt que l’inverse. C’est tout l’objet : changer les comportements.
« Au début j’avais un peu peur, je vous avoue. Mais en fait c’est hyper doux, ça freine bien avant les passages piétons, c’est presque plus sécurisant qu’un chauffeur humain pressé. »
Une utilisatrice régulière croisée à la gare
Il y a bien quelques sceptiques, évidemment. Ceux qui trouvent ça « bizarre » de monter dans une boîte qui roule toute seule. Mais globalement, la curiosité l’emporte. Et puis soyons honnêtes : quand c’est gratuit, on teste.
Vers une généralisation ?
La grande question maintenant, c’est : est-ce que ça va rester une expérience sympa ou devenir un vrai morceau du puzzle de la mobilité demain ? Parce que si ça marche ici, dans un environnement aussi compliqué, alors ça peut marcher partout.
Imaginez dans cinq ans : des flottes entières de petites navettes qui tournent en continu dans les zones d’activité, qui desservent les gares, les campus, les hôpitaux. Fini les bus vides qui tournent à heure fixe. Bonjour le transport vraiment à la demande, optimisé en temps réel, qui réduit les embouteillages et la pollution.
Évidemment, il reste des obstacles. La réglementation, d’abord : pour l’instant c’est une expérimentation encadrée. La confiance du public, ensuite. Et puis la question économique : quand ce ne sera plus gratuit, est-ce que les gens seront prêts à payer ? Probablement oui, si le service reste pratique et abordable.
Ce que ça dit de notre avenir
Ce qui se passe en ce moment dans les Yvelines, ce n’est pas juste un gadget technologique. C’est un bout de futur qui prend forme sous nos yeux. Un futur où la voiture individuelle n’a peut-être plus autant sa place en ville. Où on partage plus, où on pollue moins, où on perd moins de temps.
Et quelque part, c’est rassurant de voir que ça commence par des choses toutes bêtes : aller chercher une baguette ou rejoindre ses collègues au restaurant d’en face. Parce que la grande révolution, souvent, elle démarre par des petits trajets du quotidien.
Alors la prochaine fois que vous pestez dans les bouchons de l’A12 ou que vous tournez vingt minutes pour trouver une place, pensez à cette petite navette qui roule tranquillement à Montigny. Elle n’a pas de chauffeur, mais elle a peut-être déjà un peu changé le monde.
Et vous, vous seriez prêt à monter dedans ? Moi, je crois que je vais aller tester ça très vite…
