Vous souvenez-vous de ce sentiment glacial qui vous traverse quand on prononce le nom de Samuel Paty ? Cinq ans après, il suffit d’un mot, d’une allusion, pour que tout revienne. Eh bien, c’est exactement ce qui s’est passé la semaine dernière dans un collège pourtant réputé tranquille du Val-d’Oise.
Quand un simple échange tourne au cauchemar
Tout commence par une histoire banale, du genre qu’on croise malheureusement trop souvent dans les établissements scolaires. Un élève pose problème, les professeurs convoquent les parents. Sauf que là, la discussion dérape. Gravement.
Devant plusieurs témoins, le père de famille aurait proféré des menaces d’une violence rare. Pas juste des « je vais vous retrouver » ou des insultes classiques. Non. Des phrases précises, glaçantes, qui font explicitement référence à l’assassinat de Samuel Paty. Vous savez, ce professeur décapité en 2020 pour avoir montré des caricatures en classe de liberté d’expression.
Autant vous dire que dans la salle des profs, l’ambiance est devenue irrespirable. Certains enseignants ont pleuré. D’autres n’ont plus dormi. On parle quand même d’une menace de mort formulée de la manière la plus crue possible.
« On ne pouvait pas rester les bras croisés, les menaces proférées ont été extrêmement violentes. »
Un membre de l’équipe éducative
Une grève immédiate et un sentiment d’abandon
Le lendemain, décision collective : les cours sont suspendus. Pas un caprice. Une nécessité. Les enseignants du collège La Bruyère d’Osny se mettent en grève pendant un jour et demi – chose rarissime dans cet établissement habituellement paisible.
Leur revendication est claire : ils veulent que les faits soient signalés au procureur de la République pour apologie du terrorisme et menaces de mort. Parce que oui, évoquer Samuel Paty dans ce contexte, ce n’est pas une simple « maladresse ». C’est une ligne rouge franchie allègrement.
Moi, ce qui me frappe, c’est la rapidité avec laquelle la peur s’est installée. En quelques mots, un homme a réussi à terroriser toute une équipe pédagogique. Et le pire ? Certains ont eu l’impression que la hiérarchie voulait étouffer l’affaire.
L’académie minimise, les profs crient au scandale
De son côté, l’académie assure avoir pris « toutes les mesures nécessaires ». Sanctions disciplinaires, accompagnement psychologique, signalements… Tout le kit habituel, en somme.
Mais voilà, pour les enseignants sur le terrain, ça ne suffit pas. Loin de là. Ils estiment que l’on minimise la gravité des propos. Qu’on refuse de voir le lien évident avec l’apologie du terrorisme. Et surtout, qu’on ne protège pas assez ceux qui, chaque jour, font cours au milieu de tensions parfois explosives.
- Ils demandent un signalement systématique au procureur dès qu’il y a allusion à Samuel Paty
- Ils veulent une cellule de crise réelle, pas juste des mails de soutien
- Ils exigent que l’on arrête de culpabiliser les victimes en parlant de « malentendu culturel »
Et franchement, on peut-on leur donner tort ?
Cinq ans après, rien n’a vraiment changé ?
Ce qui me bouleverse le plus dans cette histoire, c’est qu’on est en 2025. Cinq ans après l’horreur de Conflans-Sainte-Honorine. On nous avait promis des protocoles renforcés, des formations, une tolérance zéro face à toute forme d’apologie.
Pourtant, des affaires comme celle d’Osny, il y en a régulièrement. Des allusions à Samuel Paty dans des carnets d’élèves, des insultes, des menaces voilées ou directes. Et à chaque fois, le même scénario : les enseignants se sentent seuls face à des directions qui préfèrent le calme à la fermeté.
Je ne dis pas que toutes les équipes font mal leur travail. Mais force est de constater qu’il existe encore une frilosité dès qu’il s’agit de saisir la justice. Comme si nommer les choses faisait plus peur que les choses elles-mêmes.
La laïcité, ce combat de tous les jours
Ce qui se joue à Osny, ce n’est pas qu’une querelle locale. C’est le énième épisode d’un malaise beaucoup plus profond dans l’Éducation nationale.
Comment enseigner la liberté d’expression quand on a peur de mourir pour l’avoir défendue ? Comment parler de laïcité quand certains parents considèrent que leurs croyances priment sur les lois de la République ?
Les professeurs ne sont pas là pour faire de la provocation gratuite. Ils appliquent le programme. Ils expliquent que dans une démocratie, on peut critiquer toutes les religions. Que blasphémer n’est pas un crime. Que la violence, elle, en est un.
Et pourtant, ce sont eux qui finissent par payer le prix fort. Stress post-traumatique, arrêts maladie, démissions… Le coût humain est énorme.
Et maintenant ?
À l’heure où j’écris ces lignes, on ignore si le parquet a été saisi. Les enseignants, eux, ont repris les cours, mais l’angoisse est toujours là. Tapie dans un coin de leur tête à chaque sonnerie de téléphone, à chaque parent mécontent.
Ce genre d’histoire nous renvoie à une question brutale : jusqu’où est-on prêt à aller pour protéger ceux qui transmettent les valeurs de la République ?
Parce que si même dans un collège calme du Val-d’Oise, on peut menacer impunément de « faire un Samuel Paty », alors c’est tout le pacte républicain qui vacille.
Et ça, franchement, ça fait peur.
NB : Cet article est écrit à partir de témoignages et d’informations recoupées. Aucun nom propre n’a été conservé par respect pour les personnes impliquées et pour éviter tout risque de représailles supplémentaires.
