Imaginez-vous un soir d’automne sur la place de la Bastille. Les lumières des brasseries dansent sur les pavés, les klaxons résonnent encore et, soudain, une voix puissante harangue la foule : « Vous croyez vraiment que ceux qui dirigent Paris depuis vingt-cinq ans vont tout changer d’un coup de baguette magique ? » La personne qui pose la question, c’est Rachida Dati. Et celui qu’elle vise directement, même s’il n’est pas là, c’est Emmanuel Grégoire. À cinq mois du scrutin de mars 2026, la campagne des municipales parisiennes est bel et bien lancée. Et elle cogne déjà très fort.
Franchement, on n’attendait pas forcément ce niveau d’intensité aussi tôt. D’habitude, les grandes manœuvres commencent vraiment après les fêtes. Mais là, non. Le duel entre la candidate de la droite et le premier adjoint sortant ressemble déjà à un combat de boxe où les deux adversaires se tournent autour en envoyant des jabs dès le premier round.
Un choix de terrain qui ne doit rien au hasard
Quand Rachida Dati organise une réunion publique, elle ne choisit pas n’importe quel arrondissement. Bastille, c’est le fief d’Emmanuel Grégoire. Le message est limpide : je viens chez toi, je te regarde dans les yeux, et je te fais porter le bilan de la majorité sortante. C’est malin, c’est agressif, et surtout, c’est efficace.
Car le pari du socialiste est précisément de prendre ses distances avec Anne Hidalgo tout en restant son premier lieutenant. Un exercice d’équilibriste délicat. D’un côté il faut défendre un bilan – propreté, circulation, sécurité – qui fait grincer beaucoup de dents. De l’autre, il faut promettre la rupture. On a vu plus simple comme positionnement.
« Les Parisiens en ont assez des promesses non tenues. Vingt-cinq ans, ça suffit. »
– Une phrase entendue lors de la réunion de Rachida Dati à Bastille
Les berges de Seine, nouveau ring de campagne
Le timing est presque comique. Samedi, Emmanuel Grégoire dévoile son grand plan pour les berges et la circulation des bus. Le lendemain, presque à la même heure, Rachida Dati présente… exactement le même thème. Coïncidence ? Évidemment non. C’est une réponse du berger à la bergère – jeu de mots volontaire.
Le sujet des berges est explosif à Paris. Ce qui était censé être un cadeau aux piétons et aux vélos est devenu, pour beaucoup, un cauchemar automobile. Les embouteillages monstres, les livraisons compliquées, les artisans qui pestent… Tout le monde a son anecdote. Grégoire veut corriger le tir sans renier totalement le projet. Dati, elle, promet purement et simplement de rouvrir largement à la circulation.
- Retour des voitures sur certaines portions basses
- Réaménagement des voies sur berges hautes
- Priorité absolue aux bus et aux véhicules d’urgence
- Concertation « réelle » avec les riverains
Autant dire que le sujet est du pain béni pour la droite parisienne, qui a toujours dénoncé la « guerre à la voiture » menée selon elle par la majorité sortante.
Grégoire dans le piège du bilan
Le plus dur pour Emmanuel Grégoire, c’est qu’il a été aux premières loges pendant tout le mandat. Impossible de jouer les innocents. Quand on lui reproche la propreté, il était là. Quand on parle des rats, des pistes cyclables mal pensées ou des travaux interminables, il était là aussi. Et il a souvent défendu bec et ongles les choix de la maire.
Du coup, sa stratégie consiste à dire : « Oui, il y a eu des erreurs, mais regardez tout ce qu’on a réussi. Et surtout, regardez ce que je propose pour la suite. » C’est courageux. Reste à savoir si les Parisiens sont prêts à lui accorder le bénéfice du doute.
« Je ne suis pas candidat pour gérer la continuité, mais pour ouvrir une nouvelle page. »
– Emmanuel Grégoire, en substance, depuis plusieurs semaines
Dati, la favorite qui n’a pas le droit à l’erreur
De son côté, Rachida Dati caracole en tête des sondages. Parfois largement. C’est à la fois un atout et une pression énorme. Quand on est favori, chaque sortie est scrutée, chaque proposition disséquée. Et la candidate LR le sait.
Son discours est rodé : sécurité, propreté, baisse des taxes locales, retour de la voiture là où c’est utile, soutien aux commerçants. Un programme qui parle directement à une partie des Parisiens qui se sentent abandonnés par la municipalité actuelle. Et surtout, elle répète inlassablement qu’elle est la seule à pouvoir battre la gauche au second tour.
Parce que c’est là que tout va se jouer. Les sondages donnent souvent un second tour Dati-Grégoire. Les écologistes, la gauche radicale et les éventuels candidats macronistes risquent de se partager les miettes au premier tour. Le duel à venir est donc binaire : droite contre socialiste héritier du bilan Hidalgo.
Les autres candidats dans l’ombre… pour l’instant
On parle beaucoup moins, pour l’instant, des autres prétendants. Les écologistes cherchent encore leur championne ou champion. Chez LFI, on hésite. Côté Renaissance, le silence est assourdissant – ce qui en dit long sur la popularité du pouvoir actuel dans la capitale.
En réalité, tout le monde attend de voir si l’un d’eux parviendra à créer la surprise et à s’inviter dans le duel. Pour l’instant, la scène est occupée à 90 % par Dati et Grégoire. Et ça leur convient très bien à tous les deux.
Un calendrier qui va s’accélérer
Novembre 2025, c’est encore tôt. Mais les fêtes de fin d’année vont passer vite. Janvier sera le mois des vœux, février celui des dernières tractations pour les investitures et les alliances. Mars, ce sera le premier tour.
D’ici là, attendez-vous à une multiplication des sorties de terrain, des petites phrases, des contre-propositions. Les Parisiens vont être servis. Et tant mieux : une campagne vivante, c’est déjà la garantie qu’on ne leur servira pas un programme photocopié sans débat.
Personnellement, je trouve ça plutôt sain. Paris mérite mieux que des campagnes molles où tout le monde se met d’accord pour ne rien changer. Là, au moins, on a deux visions qui s’opposent frontalement. L’une veut corriger le tir sans tout renier, l’autre promet la rupture totale. Les Parisiens auront le choix. Un vrai.
Et vous, vous en pensez quoi ?
Allez, dites-le franchement dans les commentaires : vous donneriez plutôt votre voix à celle qui veut tout changer ou à celui qui promet d’améliorer sans tout casser ? Ou alors vous attendez encore un troisième larron qui secouerait vraiment le cocotier ?
Une chose est sûre : les prochains mois vont être passionnants. Paris ne s’est jamais aussi bien porté quand la politique y reprend des couleurs. Et là, on est servis.
(Article mis à jour le 18 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
