Imaginez-vous à la place d’un gamin qui débarque à l’école avec un prénom pareil. Dès la cour de récré, ça fuse : « Eh Zizou ! T’as fait une tête comme à la finale 98 ou quoi ? » Rigolades, moqueries, et parfois un peu plus méchant qu’il ne le faudrait. Et pourtant, vingt-cinq ans plus tard, ce même prénom est devenu un passeport en or pour traverser la frontière et se faire adopter par tout un pays.
C’est l’histoire dingue de Zizou Bergs, 43e mondial, leader de la Belgique qui défie la France ce mardi en quart de finale de la Coupe Davis. Un gars du Limbourg qui n’a pas une goutte de sang français… mais qui porte le surnom du plus grand mythe sportif hexagonal. Et franchement, quand on écoute le bonhomme raconter comment tout a commencé, on se dit que parfois la vie écrit les scénarios les plus improbables.
L’origine d’un prénom qui ne devait jamais exister
Retour en 1999, quelque part près de Lommel. Madame Bergs attend une petite fille. Tout est prêt : les vêtements roses, le prénom tout choisi. Et puis arrive un garçon. Surprise totale. Le papa, footballeur amateur du dimanche, débarque avec une idée complètement folle.
« Mon père jouait au foot dans une équipe de potes, et là-bas tout le monde avait un surnom. Lui, c’était Zizou. Quand je suis né garçon au lieu de fille, il a dit : banco, on l’appelle Zizou ! »
Zizou Bergs, avec son grand sourire habituel
Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Parce que le papa Bergs n’était pas juste un fan lambda de la Coupe du Monde 1998. Non, il avait vu le Zidane, celui qui faisait rêver toute une génération, et il s’est dit que ce surnom portait chance. Point final. Pas de deuxième prénom plus classique en secours, pas de « au cas où ». Juste Zizou, en toutes lettres sur le passeport belge.
Le gamin a grandi avec. Les copains se moquaient parfois, c’est vrai. À l’adolescence, c’est rarement un cadeau d’avoir un prénom qui sort du lot. Mais le tennis, lui, a tout changé.
Quand la France adopte le « faux » Zizou
Premier tournoi en France, premier choc. À peine il pose un pied sur le sol français que les gens sourient. « Zizou ? Sérieux ? » Et là, magie : les bénévoles deviennent plus sympas, les spectateurs l’encouragent même quand il joue contre un Français. À Marseille, c’est l’apothéose.
Il raconte encore les yeux pétillants son match contre un Tricolore dans la cité phocéenne. Le public, censé être acquis à la cause locale, se met à scander « Zi-zou ! Zi-zou ! » à chaque point gagné. 50-50 dans les tribunes. Incroyable.
« À Marseille, la ville de Zidane, c’était complètement dingue. J’avais l’impression de jouer à domicile alors que j’étais l’étranger ! »
Depuis, il le sait : s’il perce vraiment, s’il enchaîne les gros résultats, il a une carte unique dans la manche. Aucun autre Belge n’aura jamais cet avantage-là. Kim Clijsters ? Justine Henin ? Légendes absolues, mais personne ne crie leur prénom dans les rues de Paris comme on crie encore celui de Zidane.
Un style de jeu qui colle parfaitement au personnage
Et puis il y a la manière. Parce que Zizou Bergs n’est pas juste un nom rigolo, c’est un attaquant pur jus. Service-volée, amorties, montées au filet dès qu’il sent le moindre flottement. Un tennis spectaculaire, parfois volcanique, qui fait lever les foules.
Quart de finale à Shanghai cette année, premier top 50 battu, première sensation. Le public adore. Les commentateurs commencent à parler du « Zizou belge ». Et lui assume totalement.
- Il adore prendre des risques que d’autres refusent
- Il parle avec les mains comme un Méditerranéen
- Il sourit tout le temps, même après une double faute
- Il signe les autographes en écrivant « Zizou » en grand
Bref, il joue le jeu à fond. Et ça marche.
Coupe Davis : le moment où tout peut basculer
Ce mardi à Bologne, c’est peut-être le grand soir. Face à une équipe de France décimée (pas de Monfils, pas d’Humbert, Rinderknech en leader), la Belgique a une vraie carte à jouer. Et Zizou sera le n°1, celui qui ouvre le bal.
Objectivement, sur le papier, il a ses chances. Son jeu d’attaque peut déstabiliser n’importe qui sur surface rapide indoor. Et puis il y a ce truc impalpable : l’envie de montrer qu’un Belge peut faire vibrer la France autrement qu’en servant des frites.
Il l’a dit lui-même, mi-sérieux mi-rigolard : « Si je performe vraiment, je peux devenir le Belge le plus connu en France. » Stromae ? Eddy Merckx ? Peut-être bien que oui, un jour, un tennisman blond du Limbourg les dépassera dans le cœur des Français. Ça paraît fou dit comme ça. Et pourtant…
Et si Zidane l’apprenait un jour ?
La question qui tue, celle qu’il redoute et espère à la fois : est-ce que le vrai Zizou, le Zidane, sait qu’un joueur de tennis belge porte son surnom ? Il en rit encore :
« Si un jour j’apprends que Zidane connaît mon existence, je pense que je vais tomber de ma chaise. Vraiment. »
Imaginez la scène. Un message Instagram, une story, une invitation à Roland-Garros. Le rêve absolu. Parce qu’au fond, Zizou Bergs est devenu, malgré lui, un peu l’héritier symbolique d’une partie du mythe Zidane. Pas sur un terrain de foot, mais sur un court de tennis. Et quelque part, c’est magnifique.
Alors oui, ce mardi, il y aura du suspense sportif. Mais il y aura aussi cette histoire incroyable qui flotte au-dessus du court. Celle d’un gamin qu’on voulait appeler autrement, qui a grandi avec les moqueries, et qui aujourd’hui fait sourire toute une nation rien qu’en se présentant.
Allez Zizou. Fais-nous rêver. Et qui sait, peut-être qu’un jour, dans une interview, on entendra le vrai Zidane lâcher : « Ah oui, le petit Belge… Il assure ! »
Ce jour-là, la boucle sera bouclée.
En attendant, on croisera les doigts pour que ce quart de finale soit aussi beau que l’histoire qui l’accompagne. Parce que le sport, parfois, c’est bien plus que des échanges de balle. C’est une rencontre entre deux pays, deux générations, et un prénom qui n’aurait jamais dû exister… mais qui aujourd’hui fait vibrer des milliers de gens.
Et ça, franchement, c’est la plus belle des victoires.
