Imaginez un peu la scène. Vous avez quinze ans, vous grimpez dans un noyer centenaire après les cours, vous remplissez des cagettes entières et vous essayez de vendre vos noix au porte-à-porte pour vous payer un nouveau jeu vidéo. Et puis, un jour, l’idée fuse : « Et si on transformait tout ça en huile ? » Ce qui aurait pu rester un petit business d’ado est en train de devenir, en Normandie, la toute première huilerie artisanale du Pays d’Auge. Et le moteur de ce projet fou ? Paul, lycéen en première, qui porte le truc avec une maturité qui laisse tout le monde sur place.
Quand l’argent de poche devient une véritable aventure entrepreneuriale
Tout a commencé très simplement. Un grand noyer dans le jardin familial, à Cambremer, donnait chaque année entre 70 et 100 kilos de noix. Paul s’est dit que c’était dommage de laisser perdre une telle récolte. À douze ans, il ramasse, il écale, il vend en vrac sur les marchés ou aux voisins. Quelques euros qui tombent, sympa. Sauf que vendre des noix fraîches, c’est long, c’est physique, et ça ne rapporte pas des fortunes.
Un jour, avec son père Antoine – déjà producteur de cidre et de jus de pomme –, ils se posent la question qui change tout : pourquoi ne pas aller plus loin ? L’huile de noix, c’est noble, c’est rare, c’est cher au litre… et surtout, personne n’en fait dans le Pays d’Auge. L’idée est là. Reste à la concrétiser.
Premiers essais maison : déjà du sérieux
Direction la Corrèze pour rencontrer un producteur expérimenté qui accepte de leur ouvrir ses portes. Ils arrivent avec leurs sacs de noix, repartent avec les premières bouteilles d’huile. Paul gère la mise en bouteille, l’étiquetage, la vente. 80 bouteilles la première année, 150 la suivante, 200 l’an dernier. On est encore dans le garage familial, mais le bouche-à-oreille fonctionne déjà.
« C’était dur de vendre beaucoup de noix fraîches en vrac. Alors on a eu l’idée de faire de l’huile, un produit noble. »
Paul, 15 ans, avec le sourire d’un gamin qui sait qu’il tient quelque chose
Ce qui me touche particulièrement dans cette histoire, c’est la transmission évidente. Antoine, le papa, a déjà son entreprise de cidre. Il connaît les circuits courts, les AMAP, les épiceries fines. Mais il laisse clairement la main à son fils. Paul n’est pas juste « le gosse qui aide ». C’est lui qui décide, qui calcule, qui rêve en grand.
Passer au niveau pro : la presse et le crowdfunding
Cette année, ils franchissent le cap. Une cagnotte participative est lancée pour acheter une vraie presse professionnelle. Finies les petites productions bricolées : on parle maintenant de plusieurs tonnes de noix à transformer. Ils signent un partenariat avec une agricultrice du coin qui possède un grand verger. Résultat : 1,6 tonne récoltée rien que sur ses arbres.
- Objectif 2026 : ouvrir grand les portes aux particuliers qui ont des noyers dans leur jardin
- Proposition : vous apportez vos noix, on vous rend de l’huile ou d’autres produits de la ferme
- Zéro perte, 100 % local, tout le monde y gagne
Franchement, j’adore l’idée. Combien de noix pourrissent chaque année sous les arbres parce que les gens n’ont ni le temps ni l’envie de les ramasser ? Là, Paul et son père proposent une solution maline, écologique et solidaire.
Le process de A à Z : c’est tout un art
Produire une huile de noix vierge de qualité, ce n’est pas juste écraser des cerneaux et filtrer. Il y a tout un savoir-faire :
- Récolte à maturité parfaite
- Séchage contrôlé (l’étape la plus délicate)
- Cassage mécanique (ils viennent d’acheter une casseuse)
- Tri des cerneaux (tests en cours dans un ESAT pour impliquer des travailleurs handicapés – joli clin d’œil social)
- Pressage à froid
- Décantation naturelle, sans filtration chimique
Résultat ? 1 kilo de noix = environ 20 cl d’une huile dorée, intense, avec ce goût légèrement toasté qui explose en bouche. Prix de vente prévu : 12 à 13 € les 25 cl. On est dans les tarifs du marché pour une huile artisanale 100 % pure, mais avec l’histoire en plus.
« Ce n’est pas une huile de cuisson, attention. C’est pour l’assaisonnement, une vinaigrette, un filet sur une salade de chèvre chaud… Il en faut très peu, elle a tellement de goût. »
Antoine, qui connaît sa partition sur le bout des doigts
Et ses copains dans tout ça ?
Quand je lis que « ses amis sont assez étonnés », je souris. Forcément. À quinze ans, la plupart des lycéens pensent bulletins, premiers amours, permis scooter. Paul, lui, parle rendement de presse, partenariat avec des restaurateurs caennais et stratégie de distribution. Il y a de quoi rester bouche bée au lycée Sainte-Marie.
Moi je trouve ça génial. On entend souvent que « les jeunes ne veulent plus travailler la terre ». Là, on a la preuve vivante du contraire. Et pas n’importe comment : en innovant, en valorisant un produit oublié, en créant de la richesse locale.
Pourquoi cette histoire résonne autant aujourd’hui
On est en pleine vague de réappropriation alimentaire. Les consommateurs veulent du vrai, du local, du traçable. L’huile de noix du Pays d’Auge coche toutes les cases :
- Zéro kilomètre (les noix viennent à moins de 20 km)
- Pas d’intermédiaire
- Production ultra-limitée
- Histoire humaine forte
Ajoutez à ça un ado de quinze ans aux manettes et vous avez le cocktail parfait pour séduire les épiceries fines, les chefs, les cavistes, les offices de tourisme. Je parie que dans deux ans, on retrouvera cette bouteille sur les tables des meilleurs restaurants normands. Et peut-être même ailleurs.
Ce que ça dit de notre époque
Paul n’est pas un cas isolé. Partout en France, des jeunes reprennent des fermes, lancent des micro-brasseries, des savonneries, des conserveries. Ce qui change ? Ils arrivent avec les outils d’aujourd’hui : réseaux sociaux, crowdfunding, storytelling. Ils savent raconter leur histoire. Et nous, on adore écouter.
Dans le Pays d’Auge, terre de cidre, de camembert et de calva, voilà qu’une nouvelle pépite pointe le bout de son bec verseur. Une huile qui sent bon la noix grillée et l’ambition adolescente.
Franchement, si ça ce n’est pas une belle nouvelle en ces temps parfois moroses, je ne sais pas ce qu’il vous faut. Suivons de près cette aventure. Quelque chose me dit qu’on n’a pas fini d’entendre parler de Paul et de son huile qui a déjà tout d’une grande.
Et vous, vous avez déjà goûté une vraie huile de noix artisanale ? Dites-moi tout en commentaire, je suis curieux de savoir si ça vous tente d’aller déposer vos noix chez eux l’année prochaine…
