Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe vraiment derrière les murs quand un gamin de 14 ou 15 ans franchit pour la première fois la porte d’une prison ? Moi oui, et franchement, ça me glace le sang.
On nous parle souvent de « fermeté », de « répondre à la délinquance », mais rarement de ce qui arrive ensuite à ces adolescents une fois la peine prononcée. Un rapport tout juste publié vient pourtant nous rappeler une vérité brutale : enfermer des mineurs dans des conditions indignes ne les rend ni meilleurs, ni plus responsables. Au contraire.
Un système qui oublie que l’enfant n’est pas un adulte
Le principe est pourtant gravé dans le marbre depuis 1945 : un mineur n’a pas la même responsabilité pénale qu’un adulte. Son cerveau est encore en construction, ses actes sont souvent le reflet d’un environnement chaotique, d’un manque d’encadrement, parfois de maltraitance pure et simple. L’idée, c’était de punir oui, mais surtout d’éduquer, de protéger, de remettre sur le droit chemin.
Or aujourd’hui, ce principe vacille dangereusement. Et le constat est sans appel.
Des conditions de détention tout simplement indignes
Imaginez : des cellules surpeuplées, des sanitaires dégradés, parfois pas d’eau chaude. Des jeunes qui passent le plus clair de leur temps enfermés sans véritable activité. Quand on parle d’école, on est loin des 30 heures hebdomadaires : certains n’ont que quelques heures par semaine, quand ils en ont.
Et pourtant, ces adolescents sont censés se reconstruire. Comment voulez-vous qu’un gamin qui n’a jamais eu de cadre stable trouve soudain la motivation de s’en sortir dans ces conditions ? C’est comme demander à quelqu’un de apprendre à nager en le jetant dans une piscine vide.
« La privation de liberté, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, ne permet pas de garantir leur réinsertion dans la société. »
– Extrait du rapport officiel
Un manque criant de moyens éducatifs
Le problème ne date pas d’hier, mais il atteint aujourd’hui des proportions alarmantes. Les services de la protection judiciaire de la jeunesse sont débordés, les éducateurs épuisés, les places en foyers éducatifs saturées. Résultat : on enferme parce qu’on n’a plus d’autre solution.
Et une fois en prison ? Le suivi éducatif est souvent réduit à la portion congrue. Pas assez d’éducateurs, pas assez de psychologues, pas assez d’ateliers. Certains jeunes passent des mois sans voir un professeur digne de ce nom.
- Nombre d’heures de cours souvent inférieur à 10 par semaine
- Absence de suivi psychologique régulier
- Peu ou pas d’activités sportives ou culturelles structurées
- Manque cruel d’information sur leurs droits
Autant dire que la prison devient une simple parenthèse punitive, sans aucun effet pédagogique. Pire : elle renforce parfois le sentiment d’abandon et de révolte.
Des adolescents particulièrement vulnérables
Ce qu’on oublie trop souvent, c’est que ces jeunes ne sont pas des « petits caïds » endurcis. Beaucoup cumulent des fragilités lourdes : troubles psychiatriques non diagnostiqués, parcours scolaires chaotiques, familles défaillantes, parfois victimes eux-mêmes de violences.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de la moitié des mineurs placés sous main de justice ont connu la protection de l’enfance. Autrement dit, l’État les a déjà « vus » avant, et n’a pas su les protéger assez tôt.
Alors quand on les enferme sans prendre en compte cette vulnérabilité extrême, on commet une double peine.
Une justice sous pression politique
Ces dernières années, on a vu resurgir un discours sécuritaire très dur sur la délinquance des mineurs. Des propositions de loi pour baisser l’âge de la majorité pénale, pour généraliser la comparution immédiate dès 15 ans, pour sanctionner plus lourdement les parents… Certaines ont été retoquées, mais le message est passé : on veut du ferme, du visible, du rapide.
Mais est-ce vraiment efficace ? Les experts sont unanimes : non. La peur ne fait pas un citoyen responsable. Au contraire, elle radicalise parfois.
« Répondre à la délinquance des mineurs par la peur ou l’instrumentalisation, c’est prendre le risque de reproduire l’exclusion et la défiance. »
Et les solutions, alors ?
Le rapport ne se contente pas de dénoncer. Il propose des pistes concrètes, et franchement, certaines paraissent tellement évidentes qu’on se demande pourquoi elles ne sont pas déjà appliquées.
- Inscrire noir sur blanc dans la loi l’irresponsabilité pénale avant 13 ans (actuellement c’est une simple jurisprudence)
- Créer enfin un vrai Code de l’enfance qui regrouperait toutes les règles protectrices
- Renforcer massivement les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse
- Garantir un vrai parcours éducatif en détention, avec un minimum d’heures de cours obligatoires
- Développer les alternatives à l’incarcération (foyers renforcés, mesures éducatives sous écrou suspendu, etc.)
- Mettre le paquet sur la prévention : lutte contre le décrochage scolaire, soutien à la parentalité, éducation civique dès le plus jeune âge
Parce qu’au fond, la question est simple : veut-on moins de délinquance demain, ou juste l’impression d’avoir été ferme aujourd’hui ?
Ce que j’en pense, personnellement
J’ai couvert pas mal d’affaires judiciaires au fil des années, et une chose me frappe toujours : les gamins qu’on retrouve à 14 ans en comparution immédiate, on les avait souvent croisés à 10 ans dans les services sociaux. On savait. On n’a rien fait, ou pas assez.
Alors oui, il y a des actes graves, parfois insupportables. Oui, les victimes méritent justice et protection. Mais croire qu’on va régler le problème en remplissant toujours plus les prisons pour mineurs, c’est se voiler la face.
Un gosse qu’on sauve à 13 ans, c’est dix victimes qu’on évite à 20 ans. C’est aussi simple que ça.
Ce rapport n’est pas juste un énième cri d’alarme. C’est peut-être la dernière sonnette avant que le système ne s’effondre complètement. Espérons qu’on saura enfin l’écouter.
(Article basé sur le rapport annuel des droits de l’enfant publié ce 19 novembre 2025 – plus de 1600 jeunes interrogés, 80 structures consultées)
