Vous êtes seul dans une rame de RER, tard le soir, et soudain vous entendez des cris étouffés. Une jeune femme se débat. Un homme la plaque contre le siège. Que faites-vous ? La plupart d’entre nous, soyons honnêtes, détourneraient les yeux ou resteraient figés. Marguerite, elle, a sorti son téléphone et a filmé.
Ce simple geste, d’une audace folle, a peut-être sauvé une vie et a certainement changé la sienne. Ce mercredi 19 novembre 2025, elle reçoit des mains de la présidente de la région Île-de-France la médaille régionale, l’une des plus hautes distinctions civiles du territoire. Une reconnaissance officielle pour ce que beaucoup appellent déjà l’acte de bravoure de l’année dans les transports franciliens.
Un acte de courage qui a tout changé en quelques secondes
On est le 15 octobre dernier. Il est un peu plus de 22 heures. Le RER C file entre Villeneuve-le-Roi et Choisy-le-Roi. La rame est presque vide, comme souvent à cette heure-là. Une jeune Brésilienne de 26 ans rentre tranquillement lorsqu’un homme s’approche. Ce qui commence par des paroles déplacées dégénère très vite.
Il la frappe au visage, la mord à la bouche jusqu’au sang, tente de l’étrangler, la plaque au sol pour la violer. Les cris de la victime résonnent dans la voiture. Marguerite, directrice d’un établissement scolaire privé du Val-de-Marne, est assise quelques sièges plus loin. Elle n’hésite pas une seconde.
« J’ai entendu les cris, elle qui se débattait, lui qui la coinçait complètement. Il était couché sur elle. Je me suis levée, j’ai crié et j’ai filmé. Il a vu le téléphone, il a paniqué et il a filé à la station suivante. »
– Marguerite, quelques jours après les faits
Cette vidéo, tremblante mais implacable, dure à peine une minute. Elle montre l’agresseur de dos, puis de profil alors qu’il se relève et prend la fuite. C’est cette preuve irréfutable qui permettra son arrestation douze jours plus tard.
Comment la police a retrouvé l’agresseur en un temps record
L’histoire aurait pu s’arrêter là : une victime traumatisée, un prédateur dans la nature. Mais grâce au sang-froid de Marguerite, tout bascule. La jeune Brésilienne porte plainte le lendemain. Les enquêteurs récupèrent la vidéo et se lancent dans une traque éclair.
- Exploitation minutieuse des caméras de vidéoprotection des gares et de la rame
- Croisement avec les données de téléphonie mobile dans la zone
- Audition des rares témoins présents dans le train
- Reconnaissance faciale et signalement physique précis grâce à la vidéo
Le 27 octobre, l’homme est interpellé. Un Égyptien de 26 ans, inconnu des services de police français jusqu’alors. Mis en examen pour tentative de viol aggravé, coups et blessures, il est écroué. Sans la vidéo, il courrait encore.
Une médaille, mais aussi une prise de conscience collective
La remise de la médaille ce soir à Saint-Ouen n’est pas qu’une cérémonie. C’est un signal fort. Valérie Pécresse l’avait annoncé dès le lendemain des faits sur les réseaux : « Bravo et total respect à Marguerite pour sa bravoure ». Le ministre des Transports a même proposé sa candidature à l’Ordre national du Mérite.
Parce qu’au-delà de l’héroïne, c’est toute une société qui se regarde en face. J’ai souvent pris le RER C tard le soir. Comme beaucoup de femmes que je connais, on apprend à se faire discrète, à choisir la voiture la plus éclairée, à garder les écouteurs hors des oreilles. On se prépare, au fond, à ce que ça nous arrive un jour.
Et puis il y a celles et ceux qui refusent ce fatalisme. Marguerite en fait partie. Elle a 50 ans passés, elle aurait pu se dire que ce n’était pas son combat, que c’était trop dangereux. Elle a choisi l’exact opposé.
Les chiffres qui font mal : la réalité des violences dans les transports
Derrière l’histoire individuelle, il y a une tendance lourde. Les derniers chiffres officiels sont accablants :
- Plus de 3 370 victimes de violences sexuelles recensées dans les transports en commun en 2024
- +6 % par rapport à 2023
- +86 % depuis 2016
- 91 % des victimes sont des femmes
- 75 % ont moins de 30 ans
Des chiffres qui donnent le vertige. Et encore, combien d’agressions ne sont jamais déclarées ? La honte, la peur des représailles, le sentiment que « de toute façon ça ne servira à rien »… Beaucoup préfèrent se taire.
Marguerite, elle, a brisé ce silence. Sa vidéo a fait le tour des réseaux, des milliers de messages de soutien, des femmes qui racontaient « moi aussi j’ai vécu ça ». Un électrochoc.
Que faire quand on est témoin ? Les bons réflexes à adopter
On aimerait tous avoir son courage. Mais concrètement, comment réagir sans se mettre en danger ? Voici ce que préconisent les associations et les forces de l’ordre :
- Allez directement vers la victime pour créer une « barrière humaine »
- Criez fort pour alerter les autres voyageurs et faire fuir l’agresseur
- Filmez ou prenez des photos si la situation le permet (c’est une preuve précieuse)
- Appelez ou envoyez un SMS au 3117 (numéro d’urgence transports, 24h/24)
- Notez un maximum de détails : description physique, vêtements, sens de fuite
- Restez avec la victime jusqu’à l’arrivée des secours si elle le souhaite
Filmer, en particulier, est devenu un acte citoyen majeur. La preuve par l’image change tout pour les enquêtes. Et souvent, comme ce soir-là dans le RER C, ça suffit à faire fuir le prédateur.
Et demain ? Vers plus de sécurité dans les trains ?
Cette médaille est une belle reconnaissance, mais elle ne doit pas masquer l’urgence d’agir. Patrouilles plus fréquentes, voitures réservées aux femmes la nuit (comme cela existe déjà dans certains pays), formation renforcée des agents, déploiement massif de boutons d’alerte… Les pistes ne manquent pas.
En attendant, des héroïnes comme Marguerite nous rappellent une chose essentielle : la sécurité dans les transports, ce n’est pas seulement l’affaire de la police ou des politiques. C’est aussi la nôtre. Chacun de nous, à son niveau.
Ce soir, quand elle montera sur l’estrade pour recevoir sa médaille, j’espère qu’on pensera à la jeune Brésilienne qui a retrouvé un peu de justice grâce à elle. Et à toutes celles qui, demain, prendront le RER un peu moins seules.
Parce qu’au fond, Marguerite ne s’est pas contentée de filmer une agression. Elle a filmé l’espoir que ça peut changer.
Si vous avez été témoin ou victime d’une agression dans les transports, n’hésitez jamais à composer le 3117. Un geste, une vidéo, un appel : parfois, c’est tout ce qu’il faut pour que l’histoire prenne une autre tournure.
