Vous êtes-vous déjà demandé ce que cela fait de travailler tous les jours en sachant qu’un simple geste de routine peut vous coûter la vie ?
Ce mercredi matin, à la maison d’arrêt de Nice, un surveillant pénitentiaire a vécu ce cauchemar bien réel. Lors d’un changement de cellule pourtant banal, un détenu l’a pris violemment à partie. Coups, brutalité, et surtout une alarme portative qui n’a pas fonctionné. Résultat : l’agent a été transporté aux urgences et le personnel est sous le choc.
Cette agression n’est pas un cas isolé. Elle est le symptôme criant d’un système pénitentiaire à bout de souffle. Et pourtant, elle fait à peine la une. Comme si la violence en prison était devenue… normale.
Une agression d’une rare violence en plein jour
Il est un peu plus de 9 heures ce 19 novembre 2025. Un surveillant accompagne un détenu pour un changement de cellule, une procédure réalisée des dizaines de fois par jour dans n’importe quel établissement français.
Soudain, sans signe avant-coureur apparent, le détenu se retourne et frappe. Les coups pleuvent. L’agent tente d’actionner son alarme portative, ce petit boîtier censé déclencher l’alerte immédiate auprès de ses collègues. Rien. L’appareil reste muet.
Isolé pendant de longues secondes, le surveillant subit une violence extrême, selon les termes mêmes des syndicats. Ce n’est qu’à l’arrivée d’autres agents que l’agression cesse enfin.
« Notre collègue n’a pas pu donner immédiatement l’alerte. Profitant de ce moment, le détenu a continué à le frapper avec une extrême violence »
Syndicat majoritaire des personnels pénitentiaires
L’agent a été pris en charge par ses propres collègues et conduit aux urgences. À l’heure où j’écris ces lignes, son état exact n’a pas été communiqué, mais le traumatisme est évident, tant physique que psychologique.
Une alarme qui ne sonne pas : le détail qui glace le sang
Parmi tous les éléments glaçants de cette affaire, celui de l’alarme défectueuse revient sans cesse. Ces dispositifs, censés être le dernier rempart entre la vie et la mort pour les agents, sont supposés être testés régulièrement.
Alors comment expliquer qu’en 2025, un outil aussi vital puisse tomber en panne au pire moment ? Manque de maintenance ? Budgets rabotés ? Matériel vétuste ? Les questions fusent et, pour l’instant, les réponses manquent cruellement.
J’ai moi-même discuté avec d’anciens surveillants. Tous disent la même chose : « On nous demande de travailler avec du matériel des années 2000, parfois même avant. » Quand la sécurité repose sur un boîtier qui peut lâcher à tout moment, on marche sur la corde raide tous les jours.
Le personnel en colère : débrayage immédiat
Dès l’annonce de l’agression, la réaction a été immédiate. Les agents du service d’après-midi ont débrayé pour dénoncer cette nouvelle violence et exiger des réponses concrètes.
- Remplacement urgent de l’ensemble des alarmes portatives défaillantes
- Renforcement des effectifs pour éviter les situations d’isolement
- Révision des procédures de changement de cellule pour les détenus à risque
- Prise en charge psychologique systématique après agression
Des revendications de bon sens, portées depuis des années, mais qui peinent à avancer. Comme si la sécurité des agents pénitentiaires était secondaire.
Enquête ouverte : le détenu bientôt en garde à vue
Le parquet de Nice a rapidement réagi en ouvrant une enquête de flagrance pour violences aggravées sur personne dépositaire de l’autorité publique. Le détenu mis en cause doit être placé en garde à vue dans l’après-midi.
Cette procédure, classique, permettra sans doute d’établir les circonstances exactes et les éventuels antécédents psychiatriques ou de violence du détenu. Mais au-delà du cas individuel, c’est tout le système qui est pointé du doigt.
Un contexte national explosif
Nice n’est malheureusement pas un cas isolé. En 2024 déjà, plus de 5 500 agressions sur personnels pénitentiaires ont été recensées en France, un chiffre en constante augmentation depuis cinq ans.
Surpopulation, manque criant de personnel, vétusté des établissements, radicalisation, trafic de drogue à l’intérieur des murs… Les ingrédients d’une bombe à retardement sont réunis depuis longtemps.
Et quand on sait que certains établissements tournent avec 150 à 180 % de taux d’occupation, on comprend mieux pourquoi un simple changement de cellule peut dégénérer en quelques secondes.
Derrière les barreaux, deux mondes qui s’affrontent
Il y a ceux qui disent : « Les surveillants n’ont qu’à pas faire ce métier s’ils ont peur. » Je trouve cette phrase d’une violence inouïe.
Car ces femmes et ces hommes ne sont pas des héros de cinéma. Ce sont des pères, des mères, des gens lambdas qui ont choisi un métier au service de la société. Ils risquent leur peau pour que le reste d’entre nous puisse dormir tranquille.
Et de l’autre côté, il y a les détenus. Certains sont dangereux, oui. Mais beaucoup sont là pour des délits mineurs et subissent eux aussi la surpopulation et le manque d’activités. La prison, censée protéger et réinsérer, devient parfois une cocotte-minute.
« On gère des êtres humains dans des conditions indignes, aussi bien pour eux que pour nous. À force, ça explose. »
Un surveillant expérimenté, sous couvert d’anonymat
Et maintenant ?
L’agression de Nice doit être le énième signal d’alarme – cette fois, on espère qu’il fonctionnera.
Il est temps d’arrêter les effets d’annonce et de passer à des mesures concrètes :
- Plan massif de recrutement et de formation
- Rénovation ou construction de nouveaux établissements
- Équipement moderne et fiable pour tous les agents
- Prise en charge réelle des troubles psychiatriques en prison
- Alternative à l’incarcération pour les petits délits
Sans cela, d’autres surveillants seront blessés. Peut-être pire. Et on continuera à s’étonner que « ça arrive encore ».
Parce qu’en réalité, ce n’est pas « encore ». C’est toujours.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Les agents pénitentiaires méritent-ils enfin qu’on parle d’eux autrement que lorsqu’ils sont à l’hôpital ?
Ce drame niçois nous rappelle cruellement que derrière les murs, la violence n’est pas une fatalité. C’est un choix politique. Espérons que cette fois, on choisira la sécurité. Celle de tous.
