Vous êtes-vous déjà demandé ce que ça fait de vivre deux vies en une ? Travailler toute la journée, rentrer, et continuer à s’occuper d’un parent malade, d’un enfant handicapé ou d’un conjoint dépendant ? En France, c’est le quotidien de millions de personnes. Et pourtant, on en parle encore trop peu.
J’ai croisé récemment l’histoire d’une structure qui a décidé de ne plus seulement parler du problème, mais de le prendre à bras-le-corps. Et pas avec des mots : avec des actes concrets. Elle vient de boucler une levée de fonds d’un million d’euros. Objectif ? Offrir enfin du vrai répit à ceux qu’on appelle les aidants familiaux. Et croyez-moi, le timing ne pouvait pas tomber mieux.
Un million d’euros pour changer la vie des aidants
Imaginez : vous habitez en région, votre mère a Alzheimer, vous n’avez pas pris une semaine de vacances depuis cinq ans. Pas parce que vous n’en avez pas envie. Mais parce que laisser la personne dont vous vous occupez vous ronge de culpabilité. Et puis il y a les démarches, l’argent, l’organisation… Un vrai casse-tête.
C’est exactement là qu’intervient cette entreprise solidaire. Depuis dix ans, elle organise des séjours de répit tout compris, sans reste à charge pour l’aidant. Le principe est simple et pourtant génial : on s’occupe de tout. L’hébergement dans une belle demeure historique, les activités, les repas, le transport de la personne aidée si besoin, et surtout l’accompagnement psychologique. Le tout à moins de 150 km du domicile pour que la séparation soit douce.
Et là, paf, un million d’euros frais dans les caisses. De quoi passer la vitesse supérieure.
D’où vient l’argent et pourquoi maintenant ?
Les nouveaux actionnaires ne sont pas n’importe qui. On retrouve une grande banque publique dédiée aux territoires et deux fonds spécialisés dans l’investissement à impact social. Des acteurs qui croient dur comme fer que prévenir le burn-out des aidants, c’est aussi faire des économies énormes pour la société.
« Un euro investi dans un séjour de répit, c’est trois à quatre euros économisés pour la collectivité. »
– Le président de la structure
Le chiffre donne le vertige quand on sait que les aidants font économiser environ 200 milliards d’euros par an à la France. Oui, vous avez bien lu. Deux cents milliards. Sans eux, il faudrait tout institutionaliser. Hôpitaux, EHPAD, services à domicile… La facture exploserait.
Des séjours pensés comme une parenthèse enchantée
Ce qui m’a particulièrement touché, c’est le soin apporté à l’expérience. On n’est pas dans le centre aéré low-cost. Les séjours se passent dans des châteaux, des manoirs, des demeures de caractère. Petits groupes de huit à dix personnes maximum. Des animateurs, des psychologues, des sophrologues, des artistes… Tout est fait pour recréer du lien et redonner de l’énergie.
- Arrivée le dimanche soir, départ le vendredi
- Ateliers bien-être, balades, repas partagés
- Temps libre pour dormir, lire, pleurer si besoin
- Groupe WhatsApp créé à la fin : 70 % des participants restent en contact des mois après
C’est bête à dire, mais beaucoup reviennent transformés. Ils se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls. Que demander de l’aide, ce n’est pas trahir.
Objectif 2030 : devenir incontournable partout en France
Avec ce million, l’ambition est claire : passer de 200 séjours par an aujourd’hui à 700 en 2030. Traduction : accueillir 4 000 personnes par an au lieu de quelques centaines. Pour y arriver, il va falloir embaucher. Une dizaine de salariés dès 2026, surtout des profils commerciaux capables d’aller convaincre les départements, les caisses de retraite, les mutuelles.
Parce que oui, même dans le secteur solidaire, il faut savoir vendre. Le président le dit lui-même avec un sourire un peu gêné : « On travaille dans l’humain, mais il faut des gens qui savent convaincre. »
Aujourd’hui, la structure est présente dans une cinquantaine de départements. Demain, elle veut être partout. Du Finistère aux Alpes-Maritimes. Et pourquoi pas, un jour, proposer des séjours thématiques : aidants de jeunes handicapés, aidants de malades d’Alzheimer, aidants en burnout total…
Et si la science venait confirmer l’intuition ?
Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ne se reposent pas seulement sur le ressenti. Une étude scientifique est en cours avec une université champenoise. Deux groupes de participants vont être suivis plusieurs mois après leur séjour. L’un répondra régulièrement à des questionnaires, l’autre seulement à la fin.
Les chercheuses ont prévenu : elles seront impitoyables. Peut-être que l’impact sera moins fort qu’espéré. Ou peut-être que les résultats vont faire l’effet d’une bombe et convaincre les derniers sceptiques. Dans les deux cas, ça fera avancer la cause.
Pourquoi cette levée de fonds est une bonne nouvelle pour tout le monde
Franchement, je trouve ça réconfortant. Dans un monde où on lève des millions pour des applis de livraison de sushis, voir un million investi dans du lien humain et du répit pour les plus épuisés, ça fait du bien.
Et puis soyons honnêtes : on sera tous concerné un jour ou l’autre. Soit en tant qu’aidant, soit en tant que personne aidée. Le vieillissement de la population n’est pas une vue de l’esprit. D’ici 2030, un Français sur quatre sera aidant. Autant anticiper, non ?
Cette initiative montre qu’on peut allier entrepreneuriat social, rigueur financière et vraie utilité. Ce n’est pas de la charité. C’est de l’investissement intelligent. Du gagnant-gagnant : l’aidant respire, la personne dépendante est mieux entourée, et la société fait des économies.
Si vous connaissez un aidant autour de vous – et statistiquement, c’est presque sûr – parlez-lui de ces séjours. Parfois, il suffit d’une semaine pour tout changer.
Et qui sait, peut-être qu’un jour, on regardera cette levée de fonds comme le moment où la France a enfin commencé à prendre soin de ceux qui prennent soin des autres.
Parce qu’au fond, prendre soin des aidants, c’est prendre soin de nous tous.
