Vous est-il déjà arrivé de vous sentir jugé en quelques secondes, simplement parce que votre handicap ne se voit pas ? Moi, ça me met hors de moi. Et quand j’ai vu cette vidéo tourner partout sur les réseaux, j’ai eu envie de prendre la plume – ou plutôt le clavier – pour en parler longuement. Parce que derrière les millions de vues, il y a une réalité quotidienne que beaucoup ignorent encore en 2025.
Quand un simple panier de courses tourne au cauchemar
Imaginez la scène. Vous sortez d’une longue journée de travail, vous avez juste besoin d’acheter de quoi dîner avant de reprendre le train. À vos côtés, votre meilleur allié, celui qui vous empêche parfois de basculer dans la crise : votre chien d’assistance. Il porte son gilet, ses papiers sont en règle, tout est clair. Et pourtant… « Madame, les chiens c’est interdit. » Point final.
C’est exactement ce qui est arrivé début novembre à Louanic, une femme autiste qui vit avec Napo, son labrador de sept ans. Direction un grand supermarché de la banlieue parisienne. Elle sait déjà, rien qu’au ton des agents, que ça va mal se passer. Elle sort son téléphone. Elle filme. Et là, c’est le festival des phrases qu’on ne devrait plus entendre en 2025.
« Si vous n’êtes pas aveugle, vous n’avez pas le droit d’entrer avec un chien. »
– Un agent de sécurité, ce jour-là
Cette phrase, elle résume tout le problème. On associe encore, trop souvent, chien d’assistance = personne non-voyante. Point. Circulez.
Un chien d’assistance, c’est bien plus qu’un animal de compagnie
Napo n’est pas là pour faire joli. Il a suivi deux ans de formation intensive. Il détecte les montées de stress avant même que sa maîtresse s’en rende compte. Quand une crise arrive – et oui, chez certaines personnes autistes, cela peut aller jusqu’à l’auto-agression – il se place physiquement entre elle et les autres, la guide vers la sortie, l’aide à retrouver son calme.
Concrètement ? Il peut :
- Repérer une surcharge sensorielle dans un lieu bondé
- Interrompre des comportements répétitifs dangereux
- Créer une « bulle » de protection dans les foules
- Guider vers un endroit calme ou la voiture
- Apporter un sentiment de sécurité permanent
Pour Louanic, Napo c’est son oxygène. Le séparer d’elle dans un magasin, c’est un peu comme retirer la canne d’une personne qui boite ou les lunettes d’une personne myope. C’est absurde. Et surtout, c’est illégal.
Ce que dit vraiment la loi (et pourquoi tout le monde devrait le savoir)
En France, depuis 2005 et la loi sur le handicap, l’accès aux lieux ouverts au public est garanti pour tous les chiens guides et chiens d’assistance, quelle que soit la nature du handicap. Le gilet, la carte officielle délivrée par une association agréée, suffisent. Pas besoin d’être aveugle. Pas besoin de justifier davantage.
Et pourtant, quinze ans après, on en est encore là. Refus dans les restaurants, les magasins, les transports… Les témoignages pullulent. Ce qui est fou, c’est que les agents de sécurité, censés faire appliquer les règles, sont parfois les premiers à les ignorer.
« Une fois par mois, je vis ce genre de situation. »
– Louanic
Une fois par mois. Laissez ça vous rentrer dans la tête. Ce n’est pas un incident isolé. C’est une routine.
La vidéo qui a tout changé
Louanic filme parce qu’elle sait. Elle a déjà vécu ça. Elle sait que sans preuve, on la traitera de menteuse ou d’exagératrice. La vidéo est posée, calme, presque clinique. On entend les agents répéter en boucle « les chiens, c’est non ». On voit le gilet de Napo, parfaitement lisible. On voit Louanic expliquer, encore et encore.
En quelques jours, des millions de vues. Des milliers de commentaires solidaires. Et là, miracle : la direction du magasin réagit. Mail d’excuses officiel. Formation de toute l’équipe. Rappel à la loi. Un rendez-vous téléphonique prévu.
Est-ce que c’est suffisant ? Non. Mais c’est déjà énorme. Parce que sans cette vidéo, rien n’aurait bougé.
Le handicap invisible, ce grand incompris
Le vrai sujet, derrière cette histoire, c’est le handicap invisible. L’autisme, les troubles anxieux sévères, le TDAH, les troubles psy stabilisés… Des millions de personnes en France vivent avec ça. Elles ont l’air « normales ». Elles travaillent, font leurs courses, prennent le train. Mais elles ont besoin d’aménagements que personne ne voit.
Et quand on leur refuse ces aménagements sous prétexte que « ça ne se voit pas », c’est une double peine. On nie leur handicap. Et on les met en danger.
J’ai discuté avec plusieurs personnes concernées ces derniers jours. Une phrase revient tout le temps : « On passe notre vie à se justifier. » Justifier qu’on n’est pas « fou ». Justifier qu’on a besoin d’aide. Justifier qu’on a le droit d’exister dans l’espace public comme tout le monde.
Et après ? Vers une vraie sensibilisation ?
La bonne nouvelle, c’est que ça bouge. Lentement, mais ça bouge. Les vidéos comme celle de Louanic font office de électrochoc. Les entreprises commencent à former leurs équipes – quand elles sont prises la main dans le sac. Des associations proposent des sessions de sensibilisation gratuites.
Mais franchement, on ne devrait pas avoir besoin d’une vidéo virale à chaque fois pour que les choses avancent.
Ce qu’il faudrait ? Des campagnes nationales. Des affiches dans tous les commerces. Une ligne sur les cartes de fidélité : « Ici, les chiens d’assistance sont les bienvenus, quel que soit le handicap. » Une formation obligatoire pour tout agent de sécurité. Des sanctions quand la loi n’est pas respectée.
Ce que vous pouvez faire, vous, dès aujourd’hui
Parce que oui, on peut tous agir.
- Si vous voyez une personne avec un chien d’assistance se faire refuser l’accès, intervenez poliment. Une phrase suffit parfois : « Savez-vous que c’est autorisé par la loi ? »
- Partagez les témoignages (avec l’accord des concernés).
- Soutenez les associations qui forment les chiens et accompagnent les familles.
- Et surtout, parlez-en autour de vous. Le handicap invisible, ça existe. Et ça mérite le même respect que le handicap visible.
Louanic, elle, continue de poster ses vidéos. Pas pour la gloire. Juste pour que, un jour, elle puisse faire ses courses tranquille. Comme tout le monde.
Et moi, je croise les doigts pour que cet article, parmi des milliers d’autres, participe à faire bouger les lignes. Parce que Napo et tous les autres chiens comme lui ne devraient jamais être un sujet de débat à l’entrée d’un magasin.
Ils devraient juste être accueillis. Comme n’importe quel client.
(Article écrit avec beaucoup d’émotion et l’envie farouche que ce genre d’histoire appartienne bientôt au passé.)
