Vous souvenez-vous de la dernière fois où une grande ville de France a basculé à cause d’une triangulaire imprévue ? Moi si. Et franchement, quand j’ai vu les premiers chiffres qui circulent sur Toulouse pour 2026, j’ai eu la même petite sueur froide dans le dos.
Dix petits pour cent. C’est tout ce qu’il faut, apparemment, pour mettre le feu au Capitole.
Un invité qui pourrait tout changer
Imaginons la scène. Premier tour des municipales, mars 2026. Le maire sortant, divers droite mais soutenu par la majorité présidentielle et une partie des Républicains, caracole en tête – comme d’habitude. À gauche, après des semaines de négociations tendues, une liste d’union (ou presque) talonne. Et puis arrive ce troisième score, autour de 10 %, porté par une liste estampillée Rassemblement national, peut-être alliée à des ciottistes purs et durs.
Dix pour cent, ce n’est pas assez pour gagner. Tout le monde le sait. Mais c’est largement assez pour se maintenir au second tour dans une ville de cette taille. Et là, tout change.
Parce que ces 10 % ne sont pas des voix perdues. Ce sont surtout des électeurs qui, traditionnellement, votent à droite voire très à droite au niveau national, mais qui, au niveau local, pourraient être tentés de reporter… ou pas.
Le cauchemar de la triangulaire
Le maire sortant l’a compris avant tout le monde. Il l’a même dit publiquement, sans détour : le danger n’est pas que le RN gagne (personne n’y croit sérieusement), le vrai risque, c’est qu’il empêche la droite classique de l’emporter.
« Il peut donner les clés de la ville aux mélenchonistes » – c’est l’expression qu’il a employée. Et elle est restée dans toutes les têtes.
Pourquoi une telle peur ? Parce que l’histoire récente de Toulouse montre que l’électorat RN local est en progression constante. À chaque élection nationale, le score grimpe. Législatives, présidentielles, européennes… la dynamique est là. Et si une partie de ces électeurs décide de rester fidèle à la flamme au second tour plutôt que de reporter sur le maire sortant ? C’est la catastrophe assurée.
J’ai discuté avec plusieurs observateurs locaux. Tous me disent la même chose : le report de voix RN vers le maire divers droite n’est plus aussi automatique qu’avant. Il y a de la rancœur. De la déception. Et surtout, une forme de radicalisation.
Une gauche qui rêve déjà du trophée
De l’autre côté du ring, on se frotte les mains – discrètement, mais on se frotte les mains.
Parce que les chiffres sont cruels : quand on additionne les intentions de vote des différentes sensibilités de gauche (socialistes, insoumis, écologistes), on dépasse allègrement les 50 %. Le problème, jusqu’à présent, c’était l’éparpillement. Mais si jamais la gauche parvient à s’unir ou à limiter la casse au premier tour, la présence du RN au second devient un boulevard.
- Le maire sortant perd des voix à droite
- La gauche reste mobilisée et unie
- Le RN joue les trouble-fête sans ambition réelle de victoire
- Résultat ? Le Capitole passe à gauche après 20 ans de règne de la droite et du centre.
C’est simple. C’est mécanique. Et c’est précisément ce qui empêche certains de dormir la nuit du côté de la mairie actuelle.
Qui pour porter les couleurs de la flamme ?
Le candidat n’est pas encore officiellement désigné, mais un nom revient avec insistance : Julien Leonardelli. Conseiller régional, fraîchement élu au Parlement européen, la quarantaine naissante, il a le profil parfait. Local, connu, et surtout déterminé.
Son objectif ? Pas forcément la victoire – soyons honnêtes – mais obtenir des élus. Avoir un petit groupe au conseil municipal. Peser. Exister durablement dans le paysage toulousain. Et pourquoi pas préparer le terrain pour 2032.
Une alliance avec les zemmouristes ? Exclue. Trop de divergences, trop d’ego. Le RN préfère avancer seul ou avec des partenaires très proches idéologiquement.
Le maire sortant tente déjà la parade
De son côté, le maire divers droite n’est pas resté les bras croisés. Il a multiplié les signaux en direction de cet électorat qu’il sent lui échapper. Discours de compréhension sur la « colère légitime », appels à dialoguer avec ses « amis, voisins, collègues » qui votent RN, petites phrases soigneusement dosées.
En clair : je ne suis pas d’extrême droite, mais je vous comprends. Et surtout, votez utile.
Est-ce que ça suffira ? Rien n’est moins sûr. D’abord parce qu’une partie de cet électorat ne pardonne pas le départ des Républicains il y a quelques années. Ensuite parce que le RN a appris à jouer son propre jeu : rester indépendant, ne pas donner de consigne, laisser les électeurs libres257; et parfois, libres de sanctionner.
Ce que nous disent les précédents
L’histoire électorale récente est pleine d’exemples où une liste maintenue à 8-12 % a fait basculer une ville. Parfois à gauche, parfois à droite. Mais à chaque fois, le perdant a été celui qui pensait que le « petit » candidat finirait bien par appeler à voter pour lui.
À Toulouse, le souvenir de 2014 et 2020 est encore dans toutes les têtes : à chaque fois, la droite l’a emporté de justesse grâce à un report massif. Mais les temps changent. Et l’électorat aussi.
Et si le RN dépassait les 12 % ?
Imaginons maintenant le scénario noir – ou rose, selon le camp – où la liste RN dépasse les 12, 13, voire 15 %. Là, on ne parle plus seulement de trouble-fête. On parle d’un vrai poids électoral. Et la triangulaire devient carrément ingérable pour le maire sortant.
Dans ce cas, même une gauche moyennement unie peut l’emporter haut la main. Et le RN, même troisième, sort gagnant : il aura imposé ses thèmes, obtenu des élus, et démontré qu’il est devenu une force incontournable dans la quatrième ville de France.
La bataille des alliances à gauche
Mais rien n’est joué non plus de l’autre côté. Car pour profiter pleinement de la situation, encore faut-il que la gauche arrive à s’entendre. Et là, c’est une autre paire de manches.
Entre les socialistes historiques, les insoumis qui veulent imposer leur marque, et les écologistes qui négocient chèrement leur ralliement, les discussions sont rudes. Tout le monde veut la tête de liste. Tout le monde veut peser sur le programme.
Si la gauche part divisée au premier tour, le RN n’aura même pas besoin de faire campagne : le maire sortant repassera tranquillement. C’est tout l’ironie de la situation.
Un scrutin sous haute tension
Ce qui est sûr, c’est que la campagne 2026 à Toulouse s’annonce comme l’une des plus passionnantes de France. Trois blocs. Des ego. Des stratégies. Et un enjeu national : prouver que oui, même dans une grande ville de tradition modérée, l’extrême droite peut désormais peser lourd. Très lourd.
Le maire sortant joue sa survie politique. La gauche joue le retour au pouvoir après deux décennies dans l’opposition. Et le RN ? Le RN joue le rôle du poil à gratter qui peut devenir le couteau sous la gorge.
Dix pour cent. Juste dix. Parfois, en politique, ça suffit pour tout faire basculer.
Et vous, vous pariez sur qui ?
