Imaginez la scène : vous êtes des milliers, venus du monde entier, enfermés sous d’immenses tentes climatisées au cœur de l’Amazonie, et tout à coup l’odeur âcre de la fumée envahit les couloirs. Mercredi après-midi, en pleine négociation à marche forcée, la COP30 a littéralement pris feu. Et pas seulement au sens figuré.
Je ne vais pas vous refaire le déroulé minute par minute, vous avez déjà vu les images. Ce qui m’a frappé, c’est à quel point cet incident arrive au pire moment possible. Vraiment le pire.
Quand tout bascule en quelques minutes
Vers 14 heures locales, une fumée épaisse commence à sortir du secteur des pavillons nationaux. En quelques instants, les flammes lèchent le toit en toile tendue. Pas d’alarme incendie qui hurle, juste des agents de sécurité qui crient « évacuation ! » dans toutes les langues. Le chaos, mais organisé à la brésilienne : pompiers sur place en six minutes, treize personnes légèrement intoxiquées, personne gravement blessé. Ouf.
Mais le symbole est terrible. On parle de l’avenir de la planète sous des tentes temporaires qui partent en fumée. Franchement, on aurait pu rêver mieux comme métaphore.
« Les difficultés opérationnelles juste avant le démarrage laissaient penser que ce genre de choses pouvait arriver… »
– Une source proche de l’organisation, sous couvert d’anonymat
Et pourtant, personne n’a voulu écouter les signaux d’alerte. Dès le premier jour, le patron de l’ONU Climat avait envoyé une lettre assez sèche aux organisateurs brésiliens : problèmes de climatisation, fuites d’eau dès qu’il pleut (c’est-à-dire tous les jours), câbles électriques qui font des étincelles… On savait. On a fait avec. Et boum.
Troisième incident majeur en dix jours
Ce n’est pas le premier couac, loin de là. Rappelez-vous :
- Incursion massive de manifestants indigènes dans la zone bleue
- Blocage des entrées pendant plusieurs heures
- Et maintenant un incendie qui ferme tout le site jusqu’à jeudi soir au plus tôt
On commence à se demander si quelqu’un n’a pas jeté un sort sur cette COP.
Les négociations déjà au bord de l’implosion
Avant même l’incendie, la présidence brésilienne était en retard. Très en retard. Le texte censé servir de base à l’accord final devait sortir mercredi. Il n’est toujours pas là. Et maintenant, plus personne ne sait quand les délégués pourront reprendre physiquement les discussions.
Pour vous donner une idée de la tension : certains négociateurs passent leurs nuits dans les salles, dorment deux heures, boivent dix cafés et repartent. Là, tout le monde est renvoyé à l’hôtel. L’élan est cassé.
« C’est le moment crucial où l’on doit prendre des décisions. Là, ça va tout retarder… »
– Un délégué indonésien, dépité
La sortie des fossiles au cœur du bras de fer
Le sujet qui cristallise toutes les tensions ? La fameuse « feuille de route » pour sortir du pétrole, du gaz et du charbon. Le président brésilien en a fait son cheval de bataille personnel. Il l’a répété partout, y compris lors de sa visite surprise mercredi matin.
Mais dans les salles fermées, c’est une tout autre musique. Plusieurs gros pays producteurs ou consommateurs d’énergies fossiles ont mis leur veto :
- Opposition ferme de la Chine
- Refus catégorique de l’Inde
- Arabie saoudite et Russie en mode « hors de question »
- Nigéria qui suit le mouvement
Résultat ? Le sujet était déjà quasi mort avant l’incendie. Avec le chaos actuel, certains parient qu’on va tout simplement l’enterrer pour sauver un accord minimal.
L’argent, toujours l’argent
L’autre gros dossier qui patine : la finance climat. Les pays en développement réclament des centaines de milliards par an pour s’adapter et verdir leurs économies. Les pays riches traînent des pieds, comme d’habitude. Là aussi, on était en train d’essayer de débloquer quelque chose. Tout est gelé.
J’ai croisé un négociateur africain dans le hall de l’hôtel qui m’a lâché, les yeux rougis par la fatigue : « On nous demande d’être ambitieux sur les émissions, mais quand il s’agit de payer… silence radio. » Difficile de lui donner tort.
Et maintenant, on fait quoi ?
La grande question que tout le monde se pose ce jeudi matin : est-ce que cette COP30 va accoucher d’un accord digne de ce nom, ou va-t-on repartir avec un texte au rabais, comme trop souvent ?
Le site rouvrira au mieux ce soir. Peut-être demain. Les délégués essaient de travailler en visio ou dans des salles d’hôtel. Mais soyons honnêtes : rien ne remplace les discussions de couloir, les apartés dans un café, les compromis arrachés à 4 heures du matin.
Certains commencent à parler d’une prolongation du sommet. D’autres, plus pessimistes, pensent qu’on va tout bâcler pour pouvoir dire « mission accomplie » vendredi soir et rentrer à la maison.
Un symbole qui dépasse l’incendie
Ce qui me reste en tête, au-delà des flammes et de la fumée, c’est cette image : des milliers de personnes venues parler du feu qui consume la planète… et c’est leur propre conférence qui prend feu.
Il y a quelque chose de tragiquement ironique là-dedans. Comme si la nature, ou le destin, ou je ne sais quoi, voulait nous rappeler que le temps presse. Vraiment.
Alors oui, on va probablement réussir à éteindre cet incendie-là en quelques minutes. Mais celui qui ravage la forêt juste à côté, et qui réchauffe la planète entière ? Lui, on n’arrive toujours pas à l’éteindre.
Et quelque part, cette COP30 en feu, c’est peut-être le miroir le plus brutal qu’on pouvait nous tendre.
Je resterai sur place jusqu’à la fin. Dès que j’aurai du nouveau sur la reprise des négociations ou sur l’état des textes, je vous tiens au courant. En attendant, croisons les doigts pour que cette conférence ne parte pas totalement en fumée… au sens propre comme au figuré.
