Il y a des moments où le temps semble s’arrêter sur Hollywood Boulevard. Hier, sous un ciel californien d’une douceur presque irréelle, une foule s’est rassemblée devant le numéro 6450. Pas pour un blockbuster, pas pour un selfie avec une star en chair et en os… mais pour une étoile. Une étoile qui porte le nom de quelqu’un qui n’est plus là pour la voir briller. Chadwick Boseman vient d’entrer, à titre posthume, dans la légende du Walk of Fame.
Je ne sais pas vous, mais moi, ça me fait toujours quelque chose quand Hollywood décide d’honorer quelqu’un après son départ. C’est à la fois magnifique et un peu triste, comme si la ville des rêves rattrapait enfin ce qu’elle n’a pas su célébrer assez fort de son vivant.
Une cérémonie où l’émotion était reine
La cérémonie a eu lieu en fin de matinée, mais la lumière avait déjà cette teinte dorée qu’on ne trouve qu’à Los Angeles en hiver. Des centaines de personnes, des fans en t-shirts Black Panther, des familles, des curieux, et bien sûr les proches. Simone Ledward-Boseman, la veuve de l’acteur, était là, toute de noir vêtue, un sourire lumineux malgré les larmes qui perçaient par instants.
Elle a pris la parole la première. Et là, franchement, c’était difficile de ne pas avoir la gorge serrée.
« Aujourd’hui a été une belle journée. Tout le monde était tellement rempli d’amour et de joie. Et nous sommes tous tellement fiers de cette personne que nous avons connue. »
– Simone Ledward-Boseman
Cette phrase, elle résume tout. Parce que oui, il y avait de la tristesse, évidemment. Mais surtout une immense fierté. Celle d’avoir côtoyé un homme qui, même dans les moments les plus durs, n’a jamais cessé d’être… lui.
Ryan Coogler : « Il était incroyablement généreux »
Ryan Coogler, le réalisateur qui a littéralement changé la vie de Chadwick avec Black Panther, a pris le micro ensuite. Et là, il a lâché une phrase qui m’a marqué :
« Même quand il savait que ses jours étaient comptés, il continuait à donner à l’art. »
Donner à l’art. C’est exactement ça. On savait déjà que Chadwick tournait avec un cancer du côlon stade 3, puis 4, sans jamais rien dire. Mais entendre Coogler raconter qu’il faisait encore ses propres cascades, qu’il répétait les dialogues des autres acteurs hors caméra pour leur donner la réplique… ça prend une autre dimension.
L’aspect le plus dingue ? Personne sur les plateaux ne se doutait de rien. Il arrivait, souriant, professionnel, impeccable. Et il rentrait chez lui pour subir des chimios. Quatre ans. Quatre ans à se battre en silence tout en offrant au monde des performances historiques.
Viola Davis : « Il nous rappelait que nous sommes moins seuls »
Viola Davis, qui a partagé l’affiche avec lui dans Le Blues de Ma Rainey – son dernier film –, a parlé d’un travail « merveilleux ». Elle a dit quelque chose qui résonne particulièrement aujourd’hui :
Son art nous rappelait que nous sommes moins seuls.
Et c’est vrai. Quand on repense à Black Panther, ce n’était pas juste un film de super-héros. C’était une célébration. De la culture africaine, de la fierté noire, de la possibilité de voir un roi africain invincible sur le plus grand écran du monde. Pour des millions de gamins, Chadwick est devenu une figure paternelle, un modèle, quelqu’un qui leur disait : « Tu as le droit d’être un héros. »
Un parcours commencé bien avant Wakanda
On a parfois tendance à réduire Chadwick Boseman à T’Challa. C’est compréhensible, le rôle a été monumental. Mais il faut se rappeler d’où il venait.
- Des planches de théâtre à New York
- Des petits rôles dans des séries comme New York Police Blues ou New York 911
- Puis les biopics : James Brown dans Get on Up, Jackie Robinson dans 42, Thurgood Marshall dans Le Juge
À chaque fois, il choisissait des figures historiques noires, des hommes qui avaient changé l’Amérique. Comme s’il préparait, inconsciemment ou pas, le terrain pour devenir lui-même une icône.
Et puis il y a eu Captain America : Civil War en 2016. Sa première apparition en T’Challa. Trois minutes à l’écran, et déjà tout le monde savait. Ce mec allait marquer l’histoire.
L’impact culturel de Black Panther, cinq ans après
En 2018, Black Panther sortait et explosait tout. Plus d’1,3 milliard de dollars au box-office. Premier film de super-héros nommé aux Oscars dans la catégorie Meilleur Film. Des salles entières de gamins noirs qui pleuraient en voyant un héros qui leur ressemblait.
Je me souviens être allé voir le film à Atlanta, dans un cinéma rempli à 99 % de spectateurs noirs. Les gens applaudissaient, criaient « Wakanda Forever » à la fin. C’était plus qu’un film. C’était un événement culturel historique.
Et Chadwick, au milieu de tout ça, restait d’une humilité désarmante. Pas de scandales, pas de déclarations polémiques, juste du travail, du respect, et cette phrase qu’il répétait souvent : « Le but n’est pas d’être une star, c’est d’être significatif. »
Un combat mené dans l’ombre
Diagnostiqué en 2016, la même année où il endossait le costume de Black Panther pour la première fois. Quatre années de combat. Des opérations, des chimios, des rechutes. Et pendant ce temps-là :
- Il tourne Black Panther (2018)
- Il enchaîne avec Avengers : Infinity War et Endgame
- Il joue dans 21 Bridges (qu’il produit aussi)
- Il termine Le Blues de Ma Rainey
- Il rend visite à des enfants malades dans les hôpitaux, en leur cachant sa propre maladie
Quand la nouvelle de sa mort est tombée en août 2020, le choc a été mondial. Personne n’était prêt. Moi le premier. Je me souviens avoir fixé mon téléphone, incrédule. « Attends, quoi ? Chadwick ? Non… »
L’héritage, cinq ans après son départ
Aujourd’hui, cette étoile sur Hollywood Boulevard vient sceller quelque chose. Elle dit : tu as marqué ton époque. Tu as changé des vies. Tu as ouvert des portes qui ne se refermeront jamais.
Et le plus beau, c’est que son histoire continue d’inspirer. Des fondations portent son nom. Des bourses d’études pour les jeunes artistes noirs. Des gamins qui grandissent en se disant que oui, ils peuvent être roi, président, justicier masqué… ou simplement eux-mêmes, sans compromis.
Hier, en voyant cette étoile dévoilée, j’ai repensé à une phrase qu’il avait dite lors d’un discours à son université :
« Parfois, vous devez sentir la douleur pour trouver votre but. »
Chadwick Boseman a trouvé son but. Et même parti, il continue de nous guider.
Wakanda Forever. Pour de vrai, cette fois.
Et vous, quel souvenir gardez-vous de Chadwick Boseman ? Quel film, quelle scène, quelle phrase vous a marqué ? Dites-le-moi en commentaire, j’ai envie de lire vos histoires.
