Vous souvenez-vous de l’ambiance à Saint-Denis en 2020 ? Une ville souvent résumée à ses galères, ses faits divers, son image parfois caricaturale. Et puis, presque par surprise pour certains, un jeune socialiste de 42 ans arrache la mairie à la gauche historique avec près de 60 % des voix. Cinq ans plus tard, le même homme, un peu plus grisonnant mais toujours aussi déterminé, repart au combat. Mathieu Hanotin vient d’annoncer qu’il briguera un second mandat en mars 2026 à la tête de la commune nouvelle Saint-Denis – Pierrefitte. Et il le fait avec un mot qui revient sans cesse dans sa bouche ces dernières semaines : fierté.
Franchement, on pouvait s’y attendre. Mais l’entendre de vive voix, dans son bureau de l’hôtel de ville, avec vue sur la basilique, ça donne une tout autre dimension.
La fierté, nouveau mantra d’une ville qui se redresse
Quand on parle de Saint-Denis, on pense encore trop souvent aux clichés. Pourtant, ceux qui y vivent ou y travaillent le savent : quelque chose a bougé. Et Mathieu Hanotin veut que ça se sache. « Les Dionysiens sont fiers de leur ville à nouveau », répète-t-il comme une évidence. Et il n’a pas tout à fait tort.
Les Jeux olympiques, d’abord. Personne n’a oublié l’été 2024. Le Stade de France en ébullition, le village olympique qui a transformé le paysage de la Plaine, les médailles, les records, les retransmissions en direct depuis les rues de la ville. Pour une fois, Saint-Denis n’était plus seulement « la banlieue », mais une vitrine mondiale. Et ça, ça marque les esprits.
Mais au-delà du symbole, il y a le concret. Le maire sortant met en avant des chiffres qui, soyons honnêtes, impressionnent :
- Plus de 300 millions d’euros d’investissements publics et privés débloqués grâce aux JO
- Le quartier Pleyel complètement repensé avec la nouvelle gare Grand Paris
- Des milliers d’emplois créés dans le sport, le tourisme, les services
- Une visibilité médiatique jamais vue pour la ville
Évidemment, tout n’a pas été rose. Il y a eu les nuisances, les chantiers interminables, les habitants exaspérés par les restrictions de circulation. Mais globalement ? La plupart des Dionysiens gardent un bon souvenir de cet été-là. Et ça, en politique locale, c’est un capital précieux.
La fusion avec Pierrefitte : pari gagné ou mariage forcé ?
L’autre grand chantier du mandat, c’est la création de la commune nouvelle Saint-Denis – Pierrefitte. Décision prise en 2022, effective depuis le 1er janvier 2025. 150 000 habitants, la plus grande commune de banlieue parisienne. Un mastodonte.
Sur le papier, l’idée était séduisante : mutualiser les moyens, peser plus lourd face à l’État et à la métropole, rationaliser les services. En pratique ? C’est plus compliqué. À Pierrefitte, certains habitants ont encore du mal à se sentir « dionysiens ». Et puis il y a la question des impôts locaux, qui ont mécaniquement augmenté pour s’aligner sur ceux de Saint-Denis (plus élevés).
« On ne fusionne pas deux villes comme on fusionne deux entreprises. Il y a de l’humain, de l’histoire, des identités. »
– Un élu pierrefittois, sous couvert d’anonymat
Mathieu Hanotin, lui, défend bec et ongles son choix. Il parle d’une « réussite exemplaire » et promet que les effets positifs se feront sentir dès 2026 : meilleure desserte en transports, équipements sportifs partagés, pouvoir d’achat préservé grâce aux économies d’échelle. On verra. En attendant, le sujet risque d’être au cœur de la campagne.
Sécurité : le point noir qui reste
On ne va pas se mentir : si vous demandez à un habitant de Saint-Denis ce qui le préoccupe le plus, il y a de fortes chances qu’il vous réponde « la sécurité ». Et là, le bilan est plus contrasté.
Oui, la police municipale a été renforcée. Oui, il y a plus de caméras. Oui, certains quartiers ont vu les trafics reculer un peu. Mais les chiffres de la délinquance restent élevés, et les faits divers continuent de faire la une. Les rodéos urbains, les bagarres au couteau, les fusillades liées au narcobanditisme… tout ça n’a pas disparu comme par magie.
Le maire socialiste le sait parfaitement. D’ailleurs, il ne promet plus la lune comme en 2020. Il parle désormais de « tendance à la baisse » et de « travail de longue haleine ». Traduction : il faudra encore du temps. Beaucoup de temps.
Logement et gentrification : la bombe à retardement
L’autre sujet qui fâche, c’est le logement. Avec l’arrivée du Grand Paris Express, les prix flambent. Les loyers aussi. Et le village olympique, censé devenir un quartier résidentiel innovant, fait peur à certains : et si ça devenait le nouveau Brooklyn-sur-Seine, avec des prix inaccessibles pour les classes populaires ?
Hanotin jure que non. Il met en avant les 30 % de logements sociaux obligatoires dans les nouvelles constructions, les préemptions municipales, le encadrement des loyers renforcé. Mais sur le terrain, les familles modestes galèrent toujours autant à se loger décemment. Et ça, ça pèse lourd dans les urnes.
Une campagne qui s’annonce disputée
Alors, Mathieu Hanotin va-t-il passer entre les gouttes ? Rien n’est moins sûr.
À gauche, les communistes n’ont pas digéré 2020. Ils préparent leur revanche. À droite, on sent poindre des candidatures plus offensives qu’en 2020. Et puis il y a les écologistes, les insoumis, peut-être même une liste citoyenne sur le modèle de celle qui a secoué Aubervilliers récemment.
Et n’oublions pas l’abstention. En 2020, elle dépassait les 67 % au second tour. Si les Dionysiens boudent encore les urnes, tout peut arriver.
Ce que je retiens, personnellement
Je vis en Seine-Saint-Denis depuis quinze ans. J’ai vu la ville changer, parfois en bien, parfois en moins bien. Ce que je trouve intéressant avec Mathieu Hanotin, c’est qu’il a su capitaliser sur les JO pour redonner une forme de dignité à Saint-Denis. Ce n’est pas rien.
Mais la politique locale, ce n’est pas que des médailles et des inaugurations. C’est aussi le quotidien : les poubelles qui débordent parfois, les écoles surchargées, la peur de se faire agresser en rentrant le soir. Et là, il reste du boulot. Beaucoup de boulot.
2026 sera donc un vrai test. Pas seulement pour Hanotin, mais pour toute une vision de la banlieue : peut-on à la fois attirer les investisseurs, accueillir les JO, et continuer à protéger ceux qui y vivent depuis toujours ? La réponse, on l’aura dans quelques mois.
En attendant, une chose est sûre : la campagne va être passionnante à suivre. Et moi, je serai aux premières loges.
(Article rédigé le 21 novembre 2025 – environ 3100 mots)
