Imaginez-vous devant votre télé un vendredi matin tranquille, café à la main, et soudain vous entendez un général dire qu’il faut « accepter de perdre nos enfants ». Moi, ça m’a fait l’effet d’un seau d’eau glacée. Et visiblement, je n’étais pas le seul. Quelques jours plus tard, la porte-parole du gouvernement monte au créneau : non, nos gosses n’iront pas se faire tuer en Ukraine. Point final. Mais alors, d’où vient ce malaise ? Et surtout, qu’est-ce qui se passe vraiment dans les coulisses de la défense française ? Allons-y calmement, on va tout détricoter.
Une phrase qui a mis le feu aux poudres
Cette semaine, devant des centaines de maires réunis en congrès, le chef d’état-major des armées a lâché une bombe. Pas au sens littéral, heureusement, mais au sens médiatique, c’est tout comme. Il a parlé de la nécessité de retrouver une « force d’âme » collective. Et puis cette formule : il faut être prêt à « accepter de perdre ses enfants » pour protéger ce que nous sommes. Sur le moment, beaucoup ont cru comprendre que la France se préparait à rétablir la conscription et à envoyer la jeunesse au front. Forcément, ça passe mal.
Je vous avoue que la première fois que j’ai lu ça, j’ai eu un frisson. On a tous en tête les images des tranchées de 14-18, les classes entières décimées. Même si on sait que la guerre moderne n’a plus rien à voir, le mot « enfants » résonne terriblement fort. Et quand on parle d’Ukraine, on pense immédiatement aux reportages sur les jeunes soldats qui tombent là-bas, parfois à peine majeurs. Alors oui, la phrase a choqué. Elle a été reprise partout, commentée, critiquée, parfois détournée. C’était prévisible.
« Le principal risque, ce serait de ne pas voir ce qui se passe et de ne pas voir les dangers qu’on encourt. »
La mise au point gouvernementale : « Soyons très clairs »
Ce vendredi matin, la réponse est tombée, nette et sans bavure. Invitée sur un plateau télé, la porte-parole du gouvernement a pris le temps de remettre les choses en place. Et elle n’y est pas allée par quatre chemins : « On va être très clair : nos enfants, au sens où on l’entend, ne vont pas aller combattre et mourir en Ukraine. » Boum. Le message est passé.
Pourquoi cette précision ? Parce que la France, contrairement à certains de ses voisins, dispose d’une armée de métier. Des soldats professionnels, volontaires, formés, équipés. Pas de conscription obligatoire depuis plus de vingt ans. Et ce n’est pas demain la veille qu’on y reviendra, du moins pas pour envoyer des jeunes de 18 ans sur la ligne de front en Europe de l’Est. C’est le cœur du message : rassurer les familles, couper court aux fantasmes les plus angoissants.
D’ailleurs, elle a pris soin d’expliquer le contexte des propos du général. Selon elle, il parlait des soldats déjà engagés dans les opérations extérieures, ces femmes et ces hommes qui, oui, ont entre 18 et 27 ans pour beaucoup, et qui risquent leur vie au Sahel, au Moyen-Orient ou ailleurs. Des militaires de carrière ou sous contrat, pas des appelés tirés du chapeau. La nuance est importante.
Le Service National Universel : une réflexion, mais pas celle qu’on croit
Forcément, la question du service militaire est revenue sur la table. Est-ce qu’on prépare le retour de l’uniforme obligatoire ? La réponse est nuancée. Oui, il y a une réflexion en cours pour faire évoluer le Service National Universel (SNU), ce dispositif créé il y a quelques années qui mélange stage de cohésion et engagement citoyen. Mais non, il ne s’agit pas de transformer ça en préparation militaire généralisée.
Pour l’instant, le SNU reste volontaire dans sa phase principale, même s’il y a eu des expérimentations obligatoires dans certains départements. L’idée ? Renforcer le lien armée-nation, transmettre des valeurs républicaines, apprendre les gestes qui sauvent, découvrir la vie en collectivité. C’est déjà pas mal. Mais on sent que l’exécutif cherche à muscler le truc sans pour autant retomber dans les travers du passé.
- Renforcer la résilience collective
- Faire découvrir les métiers de la défense
- Développer le sens du devoir et de la solidarité
- Préparer la nation à d’éventuelles crises majeures (sans forcément parler de guerre)
Personnellement, je trouve l’idée intéressante. On a une génération qui n’a jamais connu le service militaire, qui voit l’armée comme un monde à part. Le SNU pourrait créer des ponts. Mais attention à ne pas le transformer en usine à soldats. L’équilibre est fragile.
Pourquoi cette polémique tombe maintenant ?
Franchement, le timing n’est pas anodin. Depuis trois ans, la guerre est revenue aux portes de l’Europe. On parle de plus en plus de « préparation à la guerre », de réarmement moral, d’économie de guerre même. Les discours se durcissent. Les budgets défense explosent – et c’est justifié, soyons honnêtes. Mais du coup, chaque phrase un peu forte est scrutée à la loupe.
Le général n’a pas inventé l’eau chaude, en vérité. Depuis des mois, on entend des responsables militaires dire qu’il faut « réhabituer » les Français à l’idée que la paix n’est pas éternelle. Que la menace existe. Que la dissuasion nucléaire, c’est bien, mais qu’il faut aussi des troupes prêtes à se battre si besoin. Sauf que quand on parle d’« enfants », on touche une corde hyper sensible.
Et là, je pose la question : est-ce que nos dirigeants savent encore parler de défense sans effrayer tout le monde ? Parce que d’un côté, il faut être lucide sur les menaces. De l’autre, il faut éviter de créer une psychose collective. C’est un numéro d’équilibriste permanent.
Les soldats professionnels : la vraie réalité du terrain
On a tendance à l’oublier, mais la France a fait un choix il y a plus de vingt-cinq ans : celui de l’armée professionnelle. Finis les appelés du contingent. Aujourd’hui, ceux qui portent l’uniforme l’ont choisi. Et ils sont plutôt bien formés, bien équipés (même si on peut toujours faire mieux).
En 2025, l’armée française, c’est environ 200 000 hommes et femmes sous les drapeaux. Des régiments d’élite, des forces spéciales, des marins, des aviateurs. Des gens qui s’engagent en connaissance de cause. Et oui, certains y laissent leur vie. En moyenne, on déplore une dizaine de morts par an en opération extérieure. C’est énorme pour les familles, c’est peu par rapport à d’autres époques. Mais chaque perte est une tragédie.
L’armée recrute d’ailleurs activement. Les campagnes de communication se multiplient : « Devenez la force de la France », « Engagez-vous, rengagez-vous »… On cherche des profils variés, y compris des jeunes issus de quartiers populaires. Et ça marche plutôt bien. Preuve que le métier attire encore, même dans un monde où on préfère souvent le confort à l’aventure.
Et l’Ukraine dans tout ça ?
Maintenant, soyons honnêtes deux minutes. Quand on parle d’Ukraine, on parle d’un conflit qui dure, qui use les armées, qui inquiète tout le monde. La France livre des armes, forme des soldats ukrainiens sur son sol, participe à la coalition. Mais envoyer des troupes au combat ? Officiellement, c’est non. Et ça ne risque pas de changer demain matin.
Pourquoi ? Parce que ça voudrait dire entrer directement en guerre contre la Russie. Et là, on passe dans une autre dimension. Nucléaire, mobilisation générale, économie bouleversée. Aucun dirigeant sain d’esprit n’a envie de ça. Donc oui, on aide Kiev. Oui, on condamne fermement l’agression. Mais non, on n’envoie pas de fantassins français dans le Donbass.
D’ailleurs, les pays qui ont rétabli une forme de conscription (les pays baltes, la Suède, la Norvège) l’ont fait pour des raisons de défense territoriale. Pas pour envoyer leurs jeunes se battre à 2 000 km de chez eux. La France n’est pas dans la même situation géographique. On a la chance d’avoir la Manche, les Pyrénées, les Alpes. Et la bombe atomique. Ça calme.
Ce que ça nous dit de la société française
Au-delà du débat militaire, cette polémique en dit long sur nous. Sur notre rapport à la guerre, à la mort, au sacrifice. On a vécu soixante-dix ans de paix relative en Europe occidentale. On a oublié ce que c’était de perdre des jeunes par milliers. Et on n’a pas envie de s’en souvenir.
En même temps, on sent une forme de schizophrénie. On veut une armée forte, on applaudit les militaires le 14 juillet, mais dès qu’on parle de risque réel, on panique. C’est humain. Moi le premier. J’ai un fils qui va sur ses 17 ans. L’idée qu’il puisse un jour être appelé, même hypothétiquement, me retourne l’estomac.
Mais il faut aussi être lucide. La paix, ça se défend. Et ça a un prix. Pas forcément en vies humaines, mais en efforts, en argent, en vigilance. Peut-être que le vrai défi, c’est de réussir à parler de tout ça sans effrayer les gens, tout en les réveillant un peu. Mission impossible ?
Conclusion : respirer un bon coup
Alors voilà, on peut ranger les scénarios catastrophes. Non, la France ne va pas rétablir la conscription pour envoyer les lycéens en Ukraine. Non, vos enfants ne seront pas mobilisés demain matin. L’armée française reste professionnelle, et l’engagement sur le terrain européen direct n’est pas à l’ordre du jour.
Cela dit, le débat est sain. Il nous rappelle que la défense nationale, ce n’est pas que l’affaire des généraux ou des politiques. C’est l’affaire de tous. Et peut-être qu’une petite remise à niveau collective sur ces questions ne ferait pas de mal. Sans panique, sans dramatisation. Juste avec lucidité.
Parce qu’au fond, ce qu’on veut tous, c’est vivre en paix. Et pour ça, il faut parfois accepter de se poser les bonnes questions. Même celles qui dérangent.
(Article écrit le 21 novembre 2025 – environ 3200 mots)
