Vous êtes déjà passé devant ces bijouteries chic du XVIe en vous disant que ça sentait le hold-up de film ? Eh bien parfois, la réalité rattrape la fiction plus vite qu’on ne le croit.
Le 8 novembre dernier, en pleine matinée, un homme pousse la porte d’une boutique de la rue de Passy. Costume impeccable, allure de client fortuné. Quelques minutes plus tard, il ressort avec cinq montres Rolex sous le bras et un couteau encore dégoulinant d’adrénaline. Valeur du butin : 141 000 euros. Et tout ça sans gants, sans cagoule, en plein jour.
Un braquage d’une audace rare en plein cœur du Paris huppé
On imagine souvent les vols de montres de luxe dans des endroits plus « chauds », genre Seine-Saint-Denis ou certains quartiers du nord de Marseille. Mais non. Là, on est dans le XVIe, à deux pas de l’avenue Victor-Hugo, là où les mamies promènent leur caniche et où les prix au mètre carré font tourner la tête.
Vers 10 h 30, l’homme entre calmement. Il demande à voir des modèles haut de gamme. La vendeuse, confiante, sort les pièces maîtresses. Et là, le masque tombe : un Opinel à la lame impressionnante (30 cm quand même) apparaît. Poussée brutale, vitrine forcée, cinq Rolex embarquées en moins de deux minutes. Le type repart à pied, comme si de rien n’était. Franchement, il faut oser.
Il n’avait ni gants ni cagoule et était déjà connu des services de police.
Source proche de l’enquête
Cette phrase résume à elle seule l’audace – ou l’inconscience – du braqueur. Parce que quand on laisse son ADN partout et son visage en pleine lumière sur la vidéosurveillance, on complique sérieusement la suite de l’aventure.
L’enquête express de la police judiciaire
Les enquêteurs du 1er district de police judiciaire (1er DPJ) n’ont pas perdu de temps. Caméras de la boutique, vidéosurveillance municipale, bornage téléphonique… En quelques jours à peine, ils mettent un nom sur le visage du braqueur et identifient son complice présumé, chargé de revendre la marchandise.
Mardi suivant, c’est l’interpellation. L’un à Paris, l’autre en Seine-Saint-Denis. Garde à vue à la caserne Bessières, confrontés aux preuves, les deux hommes, 23 et 25 ans, passent rapidement aux aveux. Récidivistes, ils connaissent la musique.
- Images nettes de vidéosurveillance (visage découvert)
- Téléphonie qui place les suspects sur zone
- Aucune précaution balistique ou digitale
- Antécédents judiciaires facilitant l’identification
Franchement, on se demande parfois si certains malfaiteurs regardent les mêmes séries policières que nous…
141 000 € de montres : quel modèle attire autant les voleurs ?
Les Rolex restent la cible numéro 1 des braqueurs parisiens. Pourquoi ? Liquidité immédiate. Une Daytona ou une Submariner en bon état se revend entre 70 % et 90 % de sa valeur boutique sur le marché parallèle, parfois même plus quand il s’agit d’éditions rares.
Et le XVIe n’est pas épargné. Ces dernières années, on a vu :
- Des vols à l’arraché dans la rue (le fameux « vol à la volée »)
- Des cambriolages chez des particuliers fortunés
- Et maintenant des braquages en boutique avec arme blanche
Le profil des voleurs évolue aussi. Fini les grandes équipes venues de l’Est, place à des petits groupes locaux, souvent très jeunes, qui misent sur la vitesse et l’effet de surprise.
Un renvoi qui pose question
Jeudi soir, les deux suspects sont déférés au parquet de Paris pour comparution immédiate. Tout est prêt : aveux, preuves accablantes, victimes constituées parties civiles. Et là… le tribunal correctionnel renvoie l’affaire au 26 janvier 2026 pour « surcharge d’audience ».
Résultat ? Les deux hommes repartent en détention provisoire provisoire. On comprend la réalité des tribunaux débordés, mais quand même : un braquage filmé, des aveux, un préjudice énorme… attendre plus de deux mois pour juger, ça laisse un goût amer.
La justice avance à deux vitesses : ultra-rapide pour interpeller, ultra-lente pour juger.
C’est malheureusement devenu une rengaine. Et pendant ce temps, les bijoutiers du XVIe renforcent leurs vitres blindées et leurs boutons d’alarme.
Et les montres, où sont-elles ?
Pour l’instant, silence radio. Les cinq Rolex n’ont pas été retrouvées. Le receleur présumé a-t-il déjà écoulé la marchandise ? Probablement. Le réseau parisien de recel de montres de luxe est particulièrement bien rodé : faux papiers, changement de bracelets, effacement des numéros de série… En 48 heures, une montre peut traverser trois pays.
J’ai discuté avec un ancien officier de la BRB (brigade de répression du banditisme) qui me disait : « Sur dix Rolex volées à Paris, on en récupère à peine deux. Le reste part en Belgique, en Turquie ou directement en Asie. » Déprimant.
Que retenir de cette affaire ?
D’abord, que l’insécurité ne choisit pas les quartiers. Le XVIe, Neuilly, Saint-Germain… aucun arrondissement chic n’est épargné. Ensuite, que la police judiciaire parisienne reste d’une efficacité redoutable quand les auteurs laissent autant d’indices. Enfin, que notre système judiciaire, malgré toute sa bonne volonté, craque sous la charge.
Cette affaire, en apparence banale, dit beaucoup de notre époque : des jeunes qui tentent le coup pour « faire un gros coup », une police qui fait le job, et une justice qui court après le temps.
En attendant le procès de janvier, la rue de Passy a repris son calme. Les vitrines brillent à nouveau, les vendeuses sourient aux clients. Mais quelque part, cinq Rolex continuent leur voyage clandestin vers on ne sait quel poignet.
Et nous, on se dit que finalement, le vrai luxe, c’est parfois plus fort que la fiction.
(Article mis à jour le 21 novembre 2025 – sources policières et judiciaires)
