Vous souvenez-vous du moment où vous avez choisi communication ? On vous avait vendu du rêve : créativité, réseaux, événements, marques prestigieuses… Et puis un jour, la réalité vous rattrape. Plus d’un an après le diplôme, la boîte mail reste désespérément vide. C’est ce que vivent, en ce moment même, des milliers de jeunes diplômés.
Un secteur qui n’absorbe plus ses propres enfants
Le constat est brutal : il y a trop de diplômés pour trop peu de postes. Les écoles, publiques comme privées, continuent de sortir des promotions entières chaque année alors que le marché, lui, stagne voire rétrécit sur certains segments. Résultat ? Une concurrence féroce dès la première candidature.
Ce n’est pas nouveau, me direz-vous. Sauf que l’écart entre les promesses et la réalité n’a jamais été aussi violent. On passe d’un discours « vous serez très demandés » à une situation où obtenir un simple entretien relève du miracle.
Des parcours exemplaires qui ne servent plus à rien
Prenez Chloé. Master 2 dans une grande école privée, stages sérieux, expériences à l’étranger, réseau bien construit. Sur le papier, le profil parfait. Pourtant, après des centaines de candidatures, elle n’a décroché que des missions freelance de quelques semaines ou des CDD de remplacement. Un jour, elle craque et publie sa colère en ligne. Des milliers de likes et des centaines de commentaires identiques. Elle n’est pas seule, loin de là.
« On nous avait juré qu’avec un bac+5 on négocierait notre salaire. Aujourd’hui on supplierait presque pour un entretien. »
Virginie, diplômée d’université publique, a élargi ses recherches à tous les secteurs possibles. Culture, événementiel, institutions, entreprises privées… Rien. Plus d’un an après, elle enchaîne les petits boulots en attendant « quelque chose de stable ». Le moral est au plus bas.
Le piège financier des écoles privées
C’est peut-être l’aspect le plus révoltant. Certaines écoles coûtent entre 8 000 et 12 000 euros l’année. Les familles s’endettent, les étudiants contractent des prêts sur dix ans. Tout ça pour se retrouver, cinq ans plus tard, à rembourser 400 euros par mois en faisant caissière ou conseillère de vente.
Et quand on ose parler de ces chiffres, on entend souvent : « Il ne fallait pas choisir une école chère. » Comme si le problème venait des étudiants et non d’un système qui vend du rêve en sachant très bien que le marché est saturé depuis longtemps.
- Prêt étudiant de 20 000 à 40 000 € en moyenne pour les écoles privées
- Remboursement dès la sortie, même sans emploi stable
- Taux d’insertion à 6 mois parfois gonflés par des CDD courts ou des missions freelances
- Promesses de salaires à 35-40 k€ brut qui restent lettre morte
La reconversion, nouveau passage obligé
Face au mur, beaucoup lâchent l’affaire. Et ils ont raison. Rester un an et demi à envoyer des candidatures sans réponse, c’est destructeur pour la santé mentale.
On voit ainsi d’anciens étudiants en communication se former au développement web, devenir conseiller clientèle, agent immobilier, ou même manip radio. Tout plutôt que de continuer à espérer un miracle qui ne viendra pas.
« J’ai un master communication et je gagne ma vie en vendant des forfaits mobile. Au début j’avais honte. Aujourd’hui je me dis que j’ai au moins un salaire fixe. »
— Une ancienne étudiante, aujourd’hui en CDI dans la téléphonie
Le plus paradoxal ? Ces mêmes personnes trouvent très vite du travail dès qu’elles sortent du champ « communication ». Preuve que le problème n’est pas leur compétence, mais bien l’état du marché.
Pourquoi autant de diplômés pour si peu de postes ?
Plusieurs raisons s’accumulent.
D’abord, l’explosion du nombre de formations depuis quinze ans. Là où une licence suffisait autrefois, il faut désormais un master, parfois dans une école cotée, pour espérer être lu. Les écoles ont senti le filon et multiplié les promotions.
Ensuite, la transformation du métier. Beaucoup de tâches autrefois confiées à des juniors sont aujourd’hui automatisées ou confiées à des profils plus seniors qui acceptent des salaires plus bas qu’avant. L’arrivée massive de l’intelligence artificielle n’arrange rien : rédaction, community management, création graphique… des pans entiers du métier sont menacés.
Enfin, la concentration des postes. À Paris et dans les grandes villes, oui, il y a des offres. Mais la concurrence y est impitoyable. En région, c’est le désert. Résultat : des centaines de candidats pour un poste de chargé de communication dans une collectivité locale.
Et les écoles dans tout ça ?
Elles continuent de remplir leurs amphithéâtres. Certaines affichent des taux d’insertion flatteurs… en comptant les CDD de trois mois et les missions d’intérim. D’autres sont plus honnêtes et préviennent dès la première année, mais c’est rare.
Le problème est structurel. Tant que les écoles vivront des frais de scolarité, elles auront intérêt à recruter largement. Peu importe si le marché n’absorbe pas.
Certains directeurs le reconnaissent en privé : « On forme trop. » Mais dans le même temps, ils augmentent les effectifs pour équilibrer leurs comptes. C’est un cercle vicieux.
Que faire quand on est encore étudiant ?
Si vous êtes en train de lire ces lignes et que vous êtes en licence ou en master communication, ne paniquez pas. Mais ouvrez les yeux.
- Multipliez les expériences concrètes dès la première année (même bénévoles)
- Spécialisez-vous sur des compétences rares (data, SEO technique, motion design poussé)
- Envisagez très tôt l’alternance longue (2 ans) : c’est le meilleur sésame
- Gardez un plan B réaliste (développement, commerce, fonction publique)
- Ne vous endettez pas à hauteur de 40 000 € pour une école si le retour sur investissement n’est pas garanti
Et surtout, parlez-en autour de vous. Le tabou commence à tomber. De plus en plus d’étudiants choisissent de bifurquer avant la fin du cursus plutôt que de s’entêter.
La reconversion n’est pas un échec
C’est peut-être le message le plus important. Changer de voie après un bac+5 n’est pas une honte. C’est une preuve d’intelligence et de lucidité.
Celles et ceux qui se forment aujourd’hui au code, à la data, à la santé ou aux métiers manuels en pénurie ne regrettent presque jamais leur choix. Ils gagnent souvent mieux leur vie, avec moins de stress et plus de stabilité.
Le diplôme, c’était un moyen. Pas une fin en soi.
« J’ai pleuré en refermant la porte de mon master communication. Six mois plus tard, je validais ma formation développeuse et je décrochais un CDI à 38 k€. Je n’ai jamais été aussi sereine. »
Au final, le secteur communication n’est pas mort. Il s’est simplement transformé et réduit. Il reste des postes, mais ils sont rares, exigeants et souvent réservés à ceux qui cumulent expérience, réseau et compétences pointues.
Pour tous les autres, la vie continue ailleurs. Et franchement ? Elle est souvent plus douce hors des illusions qu’on nous avait vendues.
Si vous êtes concerné, sachez que vous n’êtes ni seul, ni incompétent. Le marché est ce qu’il est. Prenez les décisions qui vous protègent. Votre valeur ne se résume pas à un poste en agence ou en entreprise. Elle se construit, jour après jour, là où vous choisissez d’aller.
