Vous êtes déjà passé mille fois à la Gare du Nord sans vraiment lever les yeux vers ces câbles tendus au-dessus des trains ? Moi oui. Et puis un jour, un fait divers vous rappelle brutalement que ces lignes anodines transportent 25 000 volts, assez pour transformer une mauvaise décision en catastrophe.
Jeudi après-midi, vers 16 h 35, un homme a tenté le tout pour le tout : escalader les grilles, grimper sur le toit d’un train à quai, direction la zone Eurostar. Quelques secondes plus tard, l’arc électrique l’a littéralement foudroyé. Bilan : brûlures gravissimes, pronostic vital engagé, évacuation d’urgence vers l’hôpital Saint-Louis.
Ce n’est malheureusement pas une première.
Un geste désespéré aux conséquences immédiates
Reprenons depuis le début. L’homme, né en Arménie, se trouve sur le quai de la voie 6. Pour une raison que l’enquête précisera – rejoindre Londres sans billet, fuir un contrôle, ou simplement raccourci hasardeux – il franchit les barrières de sécurité et monte sur le toit de la rame.
À peine pose-t-il la main ou le pied trop près de la caténaire que l’électricité fait un bond. On parle d’un arc électrique capable de franchir plusieurs dizaines de centimètres. Le corps humain devient instantanément conducteur. Choc, brûlures internes et externes, arrêt cardiaque possible. Les témoins décrivent une détonation sourde, une lumière aveuglante, puis le corps qui s’effondre.
Les pompiers interviennent en moins de dix minutes, le temps que la ligne soit mise hors tension. La gare continue de vivre, les trains circulent sur les autres voies. Seule la voie 6 reste neutralisée le temps de l’intervention. Choquant, presque banal pour certains habitués du lieu.
Pourquoi la caténaire est-elle si dangereuse ?
Petit rappel qui ne fait jamais de mal : les trains électriques français (TGV, TER, Transilien, Eurostar) sont alimentés en 25 000 volts en courant alternatif via la caténaire. C’est dix fois plus que les 2 500 volts des tramways ou certaines lignes de métro.
Et contrairement à une idée reçue, il n’est pas nécessaire de toucher directement le câble pour être électrocuté. L’arc peut « sauter » dès que vous vous trouvez à moins de 50 cm environ. Ajoutez à cela que le toit des trains est souvent humide (pluie, condensation), et la conductivité explose.
- Distance mortelle : environ 40-50 cm
- Tension : 25 000 volts (50 Hz)
- Intensité possible : plusieurs milliers d’ampères en court-circuit
- Conséquences : brûlures de 3e et 4e degré, amputation fréquente, arrêt cardio-respiratoire
J’ai discuté un jour avec un agent de maintenance qui m’a confié, un peu amer : « Les gens croient que c’est comme une prise murale. Non, c’est une arme. » Le mot est fort, mais il résume bien la réalité.
Un précédent tragique en 2024
On aurait pu croire que l’accident mortel de février 2024 aurait marqué les esprits. Un jeune migrant avait lui aussi grimpé sur un Eurostar, voie 14 cette fois. Résultat : électrocution fatale sur le coup. L’histoire avait fait le tour des médias pendant 48 heures, puis on était passé à autre chose.
Un an et demi plus tard, rebelote. Même gare, même type de tentative, même issue dramatique (pour l’instant, on espère que la victime s’en sortira). Ça pose question : les messages de prévention sont-ils assez visibles ? Les grilles assez dissuasives ? La surveillance assez présente ?
« On a beau mettre des panneaux, des annonces sonores, des barrières… certains passent outre. Par désespoir, par inconscience, ou les deux. »
– Un agent de la gare croisé il y a quelques mois
La Gare du Nord, un lieu sous tension permanente
Il faut dire que la Gare du Nord concentre tous les ingrédients d’un endroit à risques. Deux millions de voyageurs par jour en période normale, une zone Eurostar ultra-sécurisée, des contrôles douaniers, des sans-papiers qui tentent parfois le tout pour le tout pour passer en Angleterre, des pickpockets, des trafics en tout genre… L’ambiance est souvent électrique, au sens propre comme au figuré.
Et puis il y a ces quais en hauteur pour l’Eurostar, ces passerelles, ces escalators bondés. Quand on court après un train, on ne pense pas forcément que le toit au-dessus de nos têtes est une ligne à haute tension.
Franchement, je me demande parfois comment il n’y a pas plus d’accidents de ce type. Ou peut-être qu’il y en a plus qu’on ne le croit, mais qu’ils restent discrets tant que la victime survit.
Que risque-t-on vraiment à grimper sur un train ?
Au-delà du danger immédiat, il y a les conséquences judiciaires. Escalader un train, c’est une intrusion dans une zone interdite. En cas de survie, la personne s’expose à des poursuites pour mise en danger de la vie d’autrui (oui, car couper la tension sur une voie perturbe tout le trafic) et dégradation de bien public.
Mais soyons honnêtes : quand quelqu’un tente ça, il est rarement en état de réfléchir aux amendes.
Les brûlures électriques, un enfer silencieux
Ce qui frappe dans ces accidents, c’est la violence des blessures. L’électricité haute tension ne se contente pas de brûler la peau : elle carbonise les tissus en profondeur, provoque des lésions internes, détruit les muscles, les nerfs, parfois les os.
Les médecins parlent de brûlures de 4e degré. Les amputations sont fréquentes (pieds, mains, avant-bras). Et même quand on sauve la vie, les séquelles sont lourdes : greffes de peau à répétition, douleurs chroniques, incapacité définitive.
L’hôpital Saint-Louis, spécialisé dans les grands brûlés, n’a pas été choisi au hasard. C’est là que finissent la plupart des victimes de ce genre d’accident à Paris.
Et nous, voyageurs, que peut-on faire ?
Pas grand-chose, à part rester vigilant et signaler immédiatement toute personne qui s’approche trop près des voies ou tente d’escalader. Les agents de sécurité et la police ferroviaire sont débordés, surtout aux heures de pointe.
Une chose est sûre : la prochaine fois que je passerai sous ces caténaires, j’y penserai deux fois. Et vous ?
Ce drame nous rappelle une vérité brutale : dans une grande gare, la frontière entre la routine quotidienne et la tragédie ne tient parfois qu’à un geste. Restez prudents, respectez les barrières, et si vous voyez quelqu’un prendre des risques insensés, alertez. Ça peut sauver une vie.
Prenez soin de vous là dehors.
