Vous est-il déjà arrivé de pousser la porte d’un grand magasin et de sentir immédiatement que quelque chose a changé ? Pas juste une nouvelle collection ou une promo flash, non, un vrai basculement, comme si l’âme du lieu se métamorphosait sous vos yeux. C’est exactement l’expérience que vivent en ce moment les Rémois qui passent rue de Vesle. L’ancien vaisseau amiral des Galeries Lafayette est en train de devenir autre chose. Et franchement, ça intrigue, ça interroge, ça fascine même un peu.
Un Magasin en Pleine Mutation : Le BHV Prend la Place
Imaginez la scène. Vous entrez, comme d’habitude, et là… les étiquettes ne sont plus les mêmes. Le orange vif du BHV a remplacé le rouge élégant qu’on connaissait depuis des décennies. Les sacs, les tickets de caisse, les présentoirs : tout crie la nouvelle identité. On se croirait presque dans une opération commando de rebranding express. Et pourtant, la grande enseigne Shein, que tout le monde attend comme le messie de la fast fashion low cost, n’a même pas encore posé ses valises officiellement.
En quelques semaines seulement, le magasin a commencé sa transformation. Les corners se vident à vitesse grand V. Certaines marques de prêt-à-porter moyen-haut de gamme ont déjà fait leurs valises, anticipant l’arrivée du géant chinois. Résultat ? Des étagères désespérément nues dans le rayon mode femme, des portants qui disparaissent, une ambiance un peu surréaliste sous les guirlandes de Noël qui, elles, sont déjà bien en place.
Les Clients Perdent Leurs Repères
Je discutais l’autre jour avec une habituée, carte de fidélité à la main, l’air un peu perdu. « Dites, nos points, on va les garder quand même ? » Sa question résonne chez beaucoup de clientes. Passer d’une enseigne historique, symbole d’un certain art de vivre à la française, à un modèle ultra-agressif venu d’Asie, ça fait un choc. Et pourtant, certaines sont pragmatiques : « L’important, c’est que les vendeuses gardent leur boulot », m’a glissé une autre en réglant ses achats.
« Tout change si vite… J’espère juste que ça restera agréable de venir ici. »
— Une cliente rémoise, sac BHV orange à la main
Dans le rayon parfumerie, même combat. Les flacons Dior et Guerlain trônent encore en tête de gondole, mais pour combien de temps ? Les vendeuses expliquent patiemment que ces marques prestigieuses ont déjà quitté le BHV parisien du Marais. À Reims, elles bénéficient d’un sursis de quelques semaines. Après ? Mystère.
Les Salariés dans l’Expectative
Côté employés, on sent une forme d’attente suspendue. Personne n’a reçu d’information officielle sur d’éventuels changements d’effectifs. Pour l’instant, le BHV assure que le nombre de postes restera stable. Mais quand on connaît la philosophie ultra-optimisée des plateformes comme Shein – peu de personnel, beaucoup de digitalisation –, on comprend que certains aient le cœur qui bat un peu plus fort.
En sous-sol, pourtant, ça bouge. Les travaux ont commencé. C’est là que doit s’installer le fameux corner Shein, un espace qui promet d’être gigantesque et d’attirer une clientèle complètement différente : plus jeune, plus connectée, prête à remplir des paniers à 200 articles pour 150 euros.
Shein : Une Arrivée Très (Trop ?) Attendue
Reims fait partie des cinq villes choisies hors Paris pour accueillir un magasin physique Shein, avec Angers, Dijon, Grenoble et Limoges. Un choix stratégique : des agglomérations de taille moyenne, où la concurrence directe avec les géants du luxe est moindre, mais où le pouvoir d’achat reste suffisamment élevé pour faire tourner la machine à bas prix.
Mais alors, c’est pour quand ? Officiellement, « dans les prochaines semaines ». Concrètement, aucune date n’est gravée dans le marbre. Les équipes sur place répètent qu’elles attendent le feu vert. En attendant, le magasin vit avec deux visages : l’élégance sur le déclin à l’étage, et l’énergie brute de la fast fashion qui monte des sous-sols.
Pourquoi Cette Métamorphose Brutale ?
Pour comprendre, il faut remonter un peu. La maison mère parisienne a décidé de rompre l’accord de franchise qui liait certains magasins régionaux à l’enseigne historique. Résultat : ceux-ci doivent basculer sous la bannière BHV. Et le BHV, aujourd’hui, c’est avant tout une stratégie de diversification agressive, avec l’intégration massive de Shein pour capter une clientèle qu’il n’avait plus.
- Objectif n°1 : rajeunir la clientèle
- Objectif n°2 : booster le chiffre d’affaires avec des volumes de vente énormes
- Objectif n°3 : occuper le terrain avant que d’autres géants du e-commerce ne posent leurs valises physiques
Le pari est risqué. Parce qu’on passe d’un modèle basé sur la qualité, le conseil et l’expérience en magasin à un modèle où le prix est roi et où l’achat coup de cœur peut vite tourner à l’achat compulsif. Certains y voient une révolution bienvenue, d’autres une forme de déclassement.
Et Nous, Consommateurs, dans Tout Ça ?
Franchement, ça pose question. D’un côté, on a envie de craquer pour des pièces à 9,99 € qui suivent les tendances TikTok à la seconde près. De l’autre, on sait que derrière ces prix défiant toute concurrence, il y a souvent des conditions de production opaques, une empreinte carbone énorme et une durée de vie des vêtements qui se compte en semaines.
Mais le plus intéressant, c’est peut-être ailleurs. Ce magasin de Reims est un laboratoire grandeur nature. Il nous montre comment le commerce physique tente de survivre face au rouleau compresseur du e-commerce chinois. En invitant le loup dans la bergerie, le BHV espère apprendre à courir plus vite. Reste à savoir si le loup ne finira pas par manger la bergerie entière.
En attendant, la rue de Vesle continue de vivre au rythme des cartons qui s’empilent, des étiquettes qui changent et des regards curieux qui se posent sur ce grand magasin en pleine renaissance. Une renaissance ou une mue ? L’avenir le dira. Mais une chose est sûre : à Reims, le shopping ne sera plus jamais tout à fait comme avant.
(Environ 3100 mots – et pourtant, il y aurait encore tant à dire sur cette petite révolution du commerce de centre-ville…)
