Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi certaines personnes tombent malades plus souvent que d’autres, alors qu’elles mangent à peu près la même chose et bougent autant ? Moi, oui. Franchement, depuis quelques années, j’ai l’impression qu’on entend parler du microbiote intestinal absolument partout. Et si, au fond, ce kilo de bactéries qu’on trimballe tous dans le ventre était bien plus qu’un simple locataire ?
Imaginez : 50 000 milliards de micro-organismes qui bossent 24 h/24 pour digérer, fabriquer des vitamines, calmer l’inflammation… ou au contraire, laisser la porte ouverte à des maladies qu’on croyait purement génétiques ou liées au mode de vie. Ça donne le vertige, non ?
French Gut : la plus grande chasse au trésor jamais lancée dans nos intestins
Un projet scientifique colossal vient de franchir une nouvelle étape et, cette fois, il s’attaque aussi aux enfants. Objectif : recruter 100 000 Français d’ici 2029 pour analyser en profondeur leur flore intestinale et tenter de répondre à LA question qui brûle toutes les lèvres : est-ce que nos petits soldats microscopiques décident en partie de notre santé future ?
Concrètement ? Vous recevez un kit à la maison, vous faites votre petite affaire dans un tube (oui, comme pour le dépistage du cancer du côlon, rien de bien sorcier), vous répondez à un questionnaire ultra-détaillé sur votre alimentation, votre sommeil, vos traitements, et hop, votre échantillon part rejoindre la plus grande biobanque de selles jamais constituée en France.
Ce qu’on sait déjà après 5 000 analyses poussées
Les premiers résultats tombés récemment sont assez troublants. Plus une personne cumule de maladies chroniques – hypertension, asthme, diabète, troubles digestifs récurrents – plus son microbiote apparaît appauvri en diversité. On parle d’une perte parfois spectaculaire du nombre d’espèces bactériennes différentes.
« On voit clairement que les personnes en bonne santé ont un écosystème intestinal bien plus riche et varié. Mais la grande question, c’est : est-ce la maladie qui abîme le microbiote… ou l’inverse ? »
– Un chercheur impliqué dans le projet
La fameuse histoire de la poule et de l’œuf, version 2.0. Et c’est précisément pour démêler tout ça que le projet continue à grande échelle.
Pourquoi les enfants entrent maintenant dans la danse
Jusqu’à présent, les volontaires étaient majoritairement des adultes – et même surtout des femmes (plus de 67 %). Résultat : on manquait cruellement de données sur les hommes jeunes, les seniors et… les enfants. Or, c’est probablement chez les plus jeunes que les réponses les plus intéressantes se cachent.
Le microbiote se construit essentiellement avant l’âge de 3 ans. Ensuite, il évolue, mais garde une sorte d’empreinte originelle. Si on arrive à cartographier ce qui se passe entre 3 et 17 ans, on pourra peut-être comprendre pourquoi certains développent plus tard des allergies, de l’obésité, des maladies inflammatoires de l’intestin ou même… certains cancers digestifs qui touchent de plus en plus les moins de 50 ans.
- Un enfant qui naît par césarienne n’a pas le même microbiote qu’un enfant né par voie basse
- L’allaitement maternel « ensemence » différemment de l’allaitement artificiel
- Les antibiotiques pris très tôt laissent des traces parfois pendant des années
- Le régime alimentaire (fibres, ultra-transformés…) modifie la donne en quelques semaines seulement
Tous ces facteurs, on les connaît un peu. Mais on n’a jamais eu la possibilité de les observer à aussi grande échelle, chez des milliers d’enfants en vraie vie.
Le cancer colorectal : un espoir concret
Parmi les pistes les plus prometteuses, il y a le dépistage du cancer colorectal. Chaque année en France, ce cancer tue encore plus de 17 000 personnes. Le test actuel (recherche de sang dans les selles) sauve des vies, mais génère aussi beaucoup de faux positifs et donc des coloscopies inutiles.
Or, plusieurs études montrent que certains profils de microbiote sont fortement associés à la présence de polypes précancéreux. À terme, on pourrait imaginer un test combiné : on regarde le sang occulte et la signature bactérienne. Moins de coloscopies angoissantes pour rien, plus de cancers détectés tôt. Ça, c’est du concret.
Comment participer (et pourquoi vous devriez peut-être le faire)
Franchement, quand j’ai découvert la démarche, j’ai trouvé ça à la fois bizarre et génial. Recevoir un kit pour envoyer ses selles à la science, avouez que ça ne court pas les rues. Mais en réalité, c’est hyper simple et totalement anonymisé.
Et surtout, c’est gratuit. Vous ne payez rien, pas même le retour du colis. En échange, vous contribuez à une recherche qui pourrait, dans dix ou vingt ans, changer la façon dont on prévient et traite un tas de maladies.
Pour les parents, c’est l’occasion aussi d’expliquer aux enfants comment fonctionne leur corps de l’intérieur. Certains chercheurs espèrent même que ce seront les petits qui motiveront les grands à franchir le pas. Malin.
Ce que ça dit de notre époque
Ce qui me frappe le plus dans cette histoire, c’est qu’on est en train de vivre un changement de paradigme. Pendant des décennies, la médecine s’est focalisée sur les organes, les gènes, les virus. Aujourd’hui, on réalise que nous sommes des écosystèmes ambulants. Et que soigner l’hôte sans soigner ses milliards de locataires, c’est un peu comme rénover une maison sans vérifier les fondations.
Le projet French Gut n’aura pas toutes les réponses tout de suite. Mais il pose les bases d’une médecine plus personnalisée, où votre prescription tiendra compte non seulement de votre tension ou de votre cholestérol… mais aussi de ce qui se passe dans votre ventre.
Alors, la prochaine fois que vous croiserez quelqu’un qui vous parle de son microbiote avec des étoiles dans les yeux, souriez. Il est peut-être simplement en avance sur son temps.
Et qui sait… peut-être qu’un jour, le plus beau cadeau qu’on fera à un nouveau-né, ce ne sera pas une peluche, mais un microbiote en pleine forme.
