Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se cachait sous certains coins tranquilles de Paris ? Moi oui, souvent. Et figurez-vous que dans le 15e arrondissement, entre deux rues discrètes, dort depuis plus de cinquante ans un géant de pierre et d’eau qui va bientôt se réveiller… en jardin.
Un réservoir abandonné, deux immenses bassins à ciel ouvert datant de l’époque où Haussmann redessinait la capitale, va devenir un refuge de nature au cœur de la ville. Cent arbres, de la pelouse, des essences choisies pour résister au climat de demain… Le projet est aussi poétique qu’écologique.
Un réservoir qui change de destin
Construit entre 1886 et 1888, ce réservoir n’a jamais contenu d’eau potable. Son rôle ? Alimenter les fontaines, nettoyer les rues, arroser les parcs. Une infrastructure technique, presque invisible pour les Parisiens. Puis, en 1970, plus rien. Les bassins se vident, les portes se ferment, et l’endroit tombe dans l’oubli.
Pendant des décennies, on a bien essayé de lui trouver une seconde vie. Des promoteurs ont rêvé d’y construire des logements – tollé général. D’autres ont imaginé une ferme urbaine dernier cri, avec poissons et salades en circuit fermé. Là encore, les riverains ont dit non, recours après recours, jusqu’à l’abandon définitif du projet en 2023.
Et puis, presque par surprise, l’idée la plus simple a fini par s’imposer : et si on laissait la nature reprendre ses droits ? Pas de béton, pas de serre high-tech. Juste de la terre, des arbres, et un peu de magie verte.
Pourquoi maintenant ?
Il y a urgence, soyons honnêtes. Paris s’est fixé des objectifs ambitieux : 30 hectares d’espaces verts supplémentaires d’ici 2026. Certains arrondissements sont déjà bien lotis, d’autres moins. Le 15e, avec ses immeubles haussmanniens et ses rues parfois minérales, avait besoin d’un poumon.
L’occasion était trop belle. Deux bassins vides, 2 000 m² de surface, une structure parfaitement conservée… Il suffisait de renforcer l’étanchéité naturelle, de remplir de terre, et de planter. Budget estimé ? 1,5 million d’euros. Les travaux démarrent en janvier, livraison prévue au printemps prochain.
On veut en faire un réservoir de biodiversité, pas seulement un joli jardin.
— Un responsable des espaces verts de la Ville
Quels arbres va-t-on y planter ?
Pas question de choisir n’importe quoi. Les paysagistes ont opté pour un mélange malin :
- Des essences locales qui font déjà leurs preuves en Île-de-France : frêne à fleurs, érable champêtre, charme houblon…
- Des variétés capables de supporter des étés plus chauds et plus secs dans les décennies à venir.
- Des arbustes et des plantes basses pour créer plusieurs strates végétales – c’est là que la faune s’installe vraiment.
L’idée n’est pas seulement esthétique. En plantant des espèces indigènes, on attire oiseaux, insectes pollinisateurs, petits mammifères. Un écosystème complet dans un espace clos, presque une expérience scientifique grandeur nature.
D’ailleurs, l’accès sera limité. Pas de promenade libre tous les jours comme au parc Monceau. Ici, on privilégie la tranquillité de la faune. Des visites guidées seront organisées, un peu comme dans certains jardins confidentiels du 13e arrondissement. Il faudra réserver sa place, et venir avec un guide qui expliquera ce qui se passe quand la nature reprend ses droits sans trop d’humains autour.
Un lieu à part dans Paris
Ce qui me touche particulièrement, c’est cette idée de jardin presque secret. Paris regorge de cours cachées, d’impasses verdoyantes, mais un réservoir transformé en forêt miniature, c’est autre chose. On descend quelques marches, on passe une grille, et soudain plus de bruit de circulation. Juste le vent dans les feuilles et le chant des oiseaux.
C’est aussi une belle réponse à ceux qui disent que tout est bétonné, que plus rien n’est possible. Non. Parfois, il suffit de regarder sous nos pieds, ou dans les recoins oubliés, pour inventer la ville de demain.
Et puis il y a ce côté patrimonial. On ne détruit pas les voûtes du XIXe, on ne touche pas à la structure. On l’embellit, on la rend vivante. C’est une forme de respect pour ceux qui ont construit Paris il y a 150 ans.
Et après ?
Ce réservoir de Grenelle n’est pas un projet isolé. Il s’inscrit dans une vague plus large : toitures végétalisées, forêts urbaines miniatures, rues rendues aux piétons, cimetières comptabilisés comme espaces verts (oui, vous avez bien lu). Tout cela participe du même objectif : rendre Paris plus respirable.
Est-ce que ce sera parfait ? Probablement pas. L’accès limité risque de frustrer certains. Le budget fera grincer des dents ailleurs. Mais franchement, quand je pense à ces arbres qui vont pousser là où il n’y avait que du vide depuis des décennies… j’ai envie de dire bravo.
Alors oui, le printemps prochain, quand les premières feuilles pointeront dans ce réservoir reconverti, j’irai faire la queue pour une visite guidée. Et quelque chose me dit que je ne serai pas le seul.
En attendant, si vous passez rue Yvart ou rue de l’Abbé Groult, levez un peu les yeux. Quelque part sous le bitume, une centaine d’arbres se préparent déjà à changer la couleur du 15e.
Paris n’a pas fini de nous surprendre.
