Vous vous souvenez quand, enfant, on vous forçait à rester à l’intérieur dès qu’il faisait un peu frisquet ? Eh bien, à Lyon, on vient de renverser complètement la table. Une crèche associative vient d’ouvrir ses portes – ou plutôt ses espaces ouverts – et tout, absolument tout, s’y passe dehors. Oui, même la sieste. Même quand il neige.
Franchement, la première fois que j’ai entendu parler de ce projet, j’ai cru à une blague. Des bambins de 15 mois à 6 ans qui passent leur journée entière en extérieur, par tous les temps ? Et puis j’ai vu les photos, les vidéos, les témoignages des parents… Et là, j’ai compris : on assiste peut-être au début d’une petite révolution dans la petite enfance.
La première crèche 100 % plein air de France est née à Lyon
Nichée dans le 5e arrondissement, à deux pas du tumulte de la ville, la structure « Souris en herbe » accueille depuis ce 21 novembre 2025 une vingtaine d’enfants. Le principe est radical : pas de murs, pas de chauffage d’appoint94, juste des espaces couverts pour se protéger de la pluie battante et des températures négatives, mais jamais fermés. L’air circule, le ciel est là, la nature aussi.
Le jour de l’inauguration, il faisait à peine 3 °C et quelques flocons voletaient. Les journalistes grelottaient, les élus aussi. Les enfants ? Ils couraient, riaient, manipulaient de la farine dans des bacs en bois, construisaient des cabanes avec des branches. Aucun pleur, aucun nez qui coule plus que de raison. Juste des joues roses et des yeux qui pétillent.
D’où vient cette idée folle (qui marche) ?
Cette approche n’est pas sortie de nulle part. Elle nous arrive tout droit des pays nordiques – Danemark, Suède, Norvège – où les « forest kindergartens » ou crèches en forêt existent depuis les années 1950. Là-bas, on considère que l’enfant a besoin de grands espaces, de vrai froid, de vraie pluie pour se construire physiquement et émotionnellement.
En Scandinavie, la règle est simple : il n’y a pas de mauvais temps, seulement de mauvais vêtements. Les enfants sortent par –15 °C sans problème, équipés de combinaisons étanches, de plusieurs couches de laine mérinos, de bottes fourrées. Résultat ? Moins de maladies, un sommeil profond, une capacité d’attention décuplée.
« Les études montrent une baisse de 30 à 50 % des arrêts maladie dans les structures plein air par rapport aux crèches classiques. »
– Une pédiatre spécialisée en médecine environnementale
Concrètement, ça se passe comment au quotidien ?
À 8 h 30, les parents déposent leurs enfants sous un grand auvent. On enlève les chaussures de ville, on enfile les combinaisons (fournies et lavées par la crèche), bonnet, gants, tour de cou. Et c’est parti pour la journée.
- Accueil et jeux libres dans le parc
- Ateliers sensoriels : manipuler la terre, la neige, les feuilles mortes
- Goûter autour d’un feu (sécurisé, bien sûr)
- Randonnée quotidienne, même courte
- Repas pris dehors sous un barnum chauffé juste assez pour que les plats restent tièdes
- Et la fameuse sieste… en extérieur
La sieste, c’est le moment qui fait le plus parler. Les enfants sont installés dans des petits lits en bois sur roulettes, glissés sous des abris ouverts sur les côtés. Couvertures en laine, duvets chauds, bonnets qui couvrent les oreilles. Température ressentie : entre 5 et 10 °C à l’intérieur des lits. Et pourtant, ils dorment deux heures d’affilée, parfois plus.
Pourquoi ils dorment mieux dehors (et c’est scientifiquement prouvé)
L’air extérieur est plus riche en oxygène, moins chargé en particules et en microbes qu’à l’intérieur. La température plus basse favorise l’endormissement profond. Le bruit blanc naturel – vent dans les arbres, oiseaux, gouttes de pluie – agit comme un somnifère naturel.
Une maman raconte, les yeux brillants : « Mon fils de 2 ans et demi faisait des nuits hachées, se réveillait toutes les deux heures. Depuis qu’il est dans cette crèche, il dort 11 heures d’affilée la nuit et fait des siestes de 2 h 30. Il est méconnaissable, tellement plus calme. »
« Je n’ai plus besoin de le bercer 40 minutes le soir. Il s’écroule tout seul. »
Et la santé dans tout ça ?
On entend souvent : « Mais ils vont être tout le temps malades ! » Eh bien non. Au contraire. Les enfants exposés régulièrement au froid et à l’air libre développent une meilleure immunité. Leur corps apprend à réguler sa température. Leur microbiote s’enrichit au contact de la terre et des éléments naturels.
Après un an dans ce type de structure (les retours d’expérience viennent surtout du Nord de l’Europe), on observe :
- Moins de rhinopharyngites à répétition
- Moins d’otites
- Une réduction drastique des gastro-entérites (moins de transmission dans l’air confiné)
- Une meilleure régulation émotionnelle
- Moins d’agressivité et de crises
Et cerise sur le gâteau : les enfants mangent mieux. L’appétit s’ouvre avec le froid et l’activité physique constante.
Comment les parents réagissent-ils ?
Au début, beaucoup de scepticisme. « Vous êtes sûrs que mon enfant ne va pas attraper une pneumonie ? » Et puis, après quelques semaines, les messages sur le groupe WhatsApp des parents changent de ton.
« Je ne reconnais plus ma fille. Elle qui hurlait à chaque séparation, maintenant elle court vers les éducatrices en riant. »
Certains parents avouent même culpabiliser un peu : « On se rend compte qu’on les surprotégeait trop. Là, ils sont juste… vivants. »
Et l’équipe qui accompagne ces petits aventuriers ?
Les éducatrices et éducateurs sont formés spécifiquement. Ils connaissent les signes d’hypothermie (qui n’arrivent jamais avec le matériel adapté), savent gérer le froid, la pluie, la chaleur aussi l’été. Ce sont souvent des passionnés de nature, parfois d’anciens animateurs de colonies de vacances ou des accompagnateurs en montagne.
Ils le disent eux-mêmes : « On est plus fatigués physiquement, mais tellement plus épanouis. Voir les enfants aussi libres, ça n’a pas de prix. »
Un modèle qui pourrait s’étendre en France ?
La liste d’attente est déjà longue. Et d’autres projets voient le jour : à Grenoble, à Annecy, en Bretagne, dans les Landes… Les mairies commencent à s’intéresser de près. Car au-delà de la philosophie, il y a aussi un argument économique : une crèche plein air coûte moins cher à construire (pas besoin de grands bâtiments chauffés) et l’absentéisme maladie baisse, donc moins de places vacantes.
Même certains pédiatres, d’habitude plutôt frileux, commencent à dire : « Pourquoi pas ? Les données sont là. »
Et vous, vous seriez prêts à tenter l’aventure ?
C’est la question que tout le monde se pose en ce moment. Personnellement, si j’avais un enfant en bas âge, je crois que je signerais demain. Parce que voir ces petits bouts courir dans la neige, dormir comme des anges sous les arbres, et revenir le soir épuisés mais heureux… Ça donne envie de repenser pas mal de choses sur la façon dont on élève nos enfants.
Et vous ? Votre enfant ferait-il la sieste dehors à 4 °C ? Dites-le-moi en commentaire, j’ai vraiment envie de savoir où on se situe en France sur ce sujet. Parce que clairement, Lyon vient de poser une sacrée pierre dans le jardin de la petite enfance à la française.
En attendant, si vous passez dans le 5e arrondissement de Lyon, levez les yeux vers le parc. Vous verrez peut-être une vingtaine de petits bonhommes emmitouflés qui redéfinissent, à leur manière, ce que veut dire « bien grandir ».
