Parfois, la réalité dépasse tout ce qu’on peut imaginer dans les pires séries policières. Un homme ordinaire, garagiste de son état, qui passe ses journées à réparer des voitures… et ses nuits à détruire des vies en toute impunité. Pendant plus de treize ans. Et le pire ? Il filmait tout.
Quand j’ai lu le verdict, j’ai eu besoin de poser mon café. Vingt ans de réclusion criminelle. C’est énorme, et en même temps, on se dit que c’est presque peu face à l’horreur décrite à l’audience. Alors je me suis plongé dans le dossier, et franchement, ça retourne l’estomac.
Un prédateur méthodique pendant plus d’une décennie
Entre 2009 et 2022, dans deux régions tranquilles de France, ce quadragénaire a multiplié les agressions sexuelles et les viols. Des femmes, souvent issues de milieux très fragiles, parfois des adolescentes, voire une enfant de six ans. Le profil type de celles et ceux qu’un prédateur repère immédiatement : vulnérabilité maximale, silence presque garanti.
Ce qui frappe d’entrée, c’est la froideur clinique de la méthode. L’homme ne laissait rien au hasard. Il installait des caméras partout : chambre, salle de bain, et même à l’arrière de sa fourgonnette aménagée. Des heures et des heures d’images insoutenables où on le voit déplacer le corps inerte de ses victimes comme on manipule des objets.
« Il les traitait comme des poupées de chiffon »
– Le directeur d’enquête, lors du procès
Comment tout a basculé
Tout part d’un signalement, comme souvent. En 2022, le père d’une fillette de six ans alerte les autorités : sa fille dit avoir subi des attouchements. Les gendarmes débarquent au domicile du suspect. Et là, c’est la sidération.
Dans l’ordinateur, sur des disques durs, dans des cartes mémoire oubliées au fond d’un tiroir… des milliers de vidéos. Des dates qui remontent à 2009. Des visages qu’on reconnaît petit à petit au fil de l’enquête. Des victimes qui, pour certaines, n’avaient même pas conscience d’avoir été filmées dans leur sommeil ou sous l’emprise de substances.
L’avocate générale a parlé d’un « mode opératoire signature ». L’expression est glaçante de précision. Il ajustait l’angle de la caméra en plein acte, comme un réalisateur perfectionniste. Pathétique et terrifiant à la fois.
Une personnalité décortiquée à l’audience
Les experts psychiatres n’ont pas mâché leurs mots : personnalité obsessionnelle, rapport au sexe exclusivement basé sur la domination et le contrôle, absence totale d’empathie, manipulation hors norme. Un cocktail explosif qui explique la durée ahurissante de son « règne ».
Pendant le procès, il est resté longtemps mutique, puis a reconnu certains faits au compte-gouttes. Jamais un regret sincère, juste une honte qu’il disait ressentir… mais qu’il refusait d’affronter en visionnant ses propres vidéos. Trop dur, paraît-il.
« La honte, c’est le début de quelque chose, c’est le début de la conscience et de la morale. »
– L’avocat de la défense (je vous laisse apprécier l’argument…)
Personnellement, j’ai trouvé ça un peu léger comme début de rédemption.
Les victimes prennent enfin la parole
Elles étaient dix à se constituer partie civile. Dix voix qui ont brisé treize ans de silence et de honte. Certaines ont décrit un dégoût physique permanent de leur propre corps. D’autres pleuraient encore en racontant comment leur adolescence leur avait été volée.
- « Les relations sexuelles me répugnent, mon corps me dégoûte »
- « Quand j’ai découvert ces images, ça a été le choc. Depuis, ça tourne en boucle, j’ai tout perdu »
- « Il n’avait pas le droit de me voler mon adolescence »
Une adolescente de 16 ans à l’époque des faits a dit cette phrase qui résume tout : « Il n’avait pas le droit de me voler mon adolescence. » Et non, il n’avait pas le droit. Personne n’a ce droit.
Les parties civiles voulaient un procès public, pour que tout le monde comprenne l’ampleur du désastre. Certaines vidéos ont finalement été projetées à huis clos. On imagine sans peine pourquoi.
Une peine à la hauteur ?
La cour criminelle a suivi les réquisitions : 20 ans de réclusion, avec une période de sûreté des deux tiers (soit environ 13 ans et 4 mois incompressibles), un suivi socio-judiciaire de 12 ans avec obligation de soins, et une interdiction définitive de travailler auprès de mineurs.
Est-ce suffisant ? La question est légitime. Quand on sait qu’il a détruit des dizaines de vies (les dix parties civiles ne représentent qu’une partie des victimes identifiées), on peut se demander si vingt ans derrière les barreaux réparent quoi que ce soit.
Mais au moins, la justice a envoyé un message clair : ce jour-là : la prédation sexuelle en série, surtout lorsqu’elle est documentée avec une telle froideur, ne passe plus.
Et maintenant ?
Les victimes, elles, vont devoir vivre avec ces images qui tournent peut-être encore quelque part sur le dark web (car oui, on n’est jamais sûr que tout ait été retrouvé). Elles vont devoir reconstruire, morceau par morceau, une vie normale.
Et nous ? On continue à se dire que « ça n’arrive qu’aux autres », jusqu’au prochain dossier qui nous tombe dessus et nous rappelle que les monstres ont souvent un visage banal et un métier ordinaire.
Ce genre d’affaires nous oblige à reposer sans cesse la même question : comment mieux protéger les plus vulnérables ? Comment repérer plus tôt ces profils qui passent entre les mailles du filet pendant des années ?
Parce qu’un prédateur, ce n’est pas forcément l’inconnu dans la ruelle sombre. Parfois, c’est le gars sympa qui répare votre voiture et qui vous propose gentiment de vous ramener chez vous quand il pleut.
Prenez soin de vous. Et surtout, prenez soin des autres.
