Vous êtes-vous déjà promené dans certaines artères parisiennes et eu l’impression de traverser une ville fantôme ? Des rideaux de fer baissés à perte de vue, des vitrines poussiéreuses, des panneaux « local à louer » qui jaunissent depuis des mois… Ce n’est pas une impression. Dans certains quartiers, on frôle les 20 % de vacance commerciale. Un record qui fait mal au cœur et qui vide lentement l’âme de la capitale.
Et pourtant, il y a des candidats qui refusent de laisser mourir ça. Emmanuel Grégoire, premier adjoint sortant et candidat socialiste pour 2026, a choisi un vendredi de novembre glacé pour dévoiler son plan de bataille. Objectif : remettre du vivant dans les rues de Paris, coûte que coûte.
Un constat qui fait mal, mais qu’on ne peut plus ignorer
Commençons par les chiffres, parce qu’ils parlent mieux que n’importe quel discours. Dans le Ve et le VIe arrondissement, sur des axes aussi mythiques que le boulevard Saint-Michel, on dépasse allègrement les 15 % de locaux commerciaux vides. Parfois 20 %. À titre de comparaison, la moyenne parisienne tourne autour de 10-11 %. C’est énorme.
Et ce n’est pas nouveau, mais ça s’aggrave. Les grandes enseignes partent, les petits commerçants ne tiennent plus le choc face à des loyers qui ont parfois doublé en dix ans, et les propriétaires préfèrent laisser pourrir leurs biens plutôt que de baisser les prix. Résultat ? Des rues qui perdent leur identité, des habitants qui désertent certains quartiers le soir, et une ville qui ressemble de plus en plus à un musée à ciel ouvert.
J’ai moi-même vu, il y a quelques semaines, l’ancien King Jouet du boulevard Saint-Michel remplacé par… rien. Juste un rideau baissé et un autocollant décollé. C’est symptomatique. Et ça touche tous les arrondissements, du centre aux portes de Paris.
Loyer des boutiques : vers un encadrement comme pour les logements ?
C’est probablement la mesure la plus explosive du programme. Emmanuel Grégoire veut appliquer à Paris ce qui existe déjà pour les appartements : un encadrement des loyers commerciaux. Concrètement ? Un loyer de référence au mètre carré, fixé par quartier, avec une fourchette de plus ou moins 20 %.
L’idée n’est pas totalement nouvelle – certaines villes européennes l’ont tenté – mais en France, ça ferait jurisprudence. Pour le candidat socialiste, c’est une question de survie : « Sans ça, les artisans, les libraires, les cafés de quartier disparaissent au profit de chaînes ou de banques. Paris devient une ville monochrome ».
On ne peut plus accepter que des bailleurs demandent 120 €/m² sur des axes où le passage a baissé de 30 % depuis la crise sanitaire. C’est absurde et mortifère.
Emmanuel Grégoire, candidat PS à la mairie de Paris
Évidemment, les propriétaires crient déjà au scandale. On les entend dire que ça va décourager l’investissement. Peut-être. Mais laisser des locaux vides pendant des années, est-ce vraiment de l’investissement ? Poser la question, c’est déjà y répondre.
Enchères obligatoires après douze mois de vacance : la mesure qui fait trembler
Voici peut-être la proposition la plus radicale. Si un local commercial reste vide plus d’un an, la mairie pourrait forcer le propriétaire à le mettre aux enchères. Pas de discussion. Le but ? Remettre le bien sur le marché rapidement, même à un prix inférieur à celui espéré par le bailleur.
En clair : tu laisses pourrir ton bien ? La collectivité te l’enlève des mains (symboliquement) et le redonne à quelqu’un qui en fera quelque chose. C’est du jamais-vu à cette échelle. Et franchement, ça a le mérite d’être clair.
- 12 mois de vacance = mise en demeure
- Refus ou absence de locataire sérieux = enchères publiques organisées par la Ville
- L’acheteur ou nouveau locataire s’engage à ouvrir dans les 6 mois
Cette mesure vise particulièrement les fonds de pension et les gros investisseurs qui spéculent sur la pierre commerciale sans se soucier de la vie de quartier. Et ça pourrait changer la donne très rapidement.
Verbaliser les façades dégradées : la fin de l’impunité
Autre idée qui semble évidente quand on se balade dans Paris : verbaliser systématiquement les propriétaires qui laissent leur devanture se délabrer. Rideau rouillé, vitrine taguée, enseigne arrachée… Tout ça, ça sera désormais passible d’une amende.
Parce que soyons honnêtes : quand une boutique reste dans cet état pendant des années, c’est un signal terrible envoyé aux passants. Ça donne l’impression que le quartier est abandonné. Et ça décourage les autres commerçants encore en activité.
La mairie pourrait même aller plus loin : imposer des travaux de ravalement sous 6 mois, sous peine de les faire exécuter d’office et de présenter la facture au propriétaire. Ça s’est déjà vu pour les immeubles d’habitation. Pourquoi pas pour les commerces ?
Le « chèque seconde main » : une idée maligne pour changer les habitudes
Parmi les propositions plus originales, il y a ce chèque seconde main de 100 à 200 € offert aux Parisiens pour acheter des vêtements, meubles ou objets d’occasion dans les boutiques du réseau. L’idée ? Encourager l’économie circulaire tout en soutenant les petits commerces spécialisés dans le réemploi.
On imagine déjà les friperies, les boutiques de meubles vintage ou les repair cafés bénéficier d’un coup de boost non négligeable. Et en bonus, ça colle parfaitement à l’objectif de réduction des déchets et de transition écologique.
Ce n’est pas une mesure révolutionnaire en soi – certaines villes l’ont déjà testé – mais à l’échelle de Paris, l’effet pourrait être massif. Surtout si on couple ça à des campagnes de communication bien senties.
Et les autres candidats dans tout ça ?
Pour l’instant, on entend peu les adversaires sur ce sujet brûlant. Côté droite, on mise plutôt sur la sécurité et la propreté comme leviers indirects pour redynamiser le commerce. Côté écologistes, on parle beaucoup de piétonnisation et de végétalisation, mais moins de mesures coercitives contre les propriétaires.
Du coup, le programme Grégoire fait figure de proposition la plus complète – et la plus clivante – sur la table. Il assume pleinement une forme d’interventionnisme municipal qu’on n’avait plus vu depuis longtemps.
Est-ce que ça peut vraiment marcher ?
La grande question, évidemment. Sur le papier, le diagnostic est partagé par tout le monde. Les solutions, elles, divisent.
L’encadrement des loyers commerciaux risque de se heurter à des recours juridiques en pagaille. Les enchères forcées ? Idem. Quant à la verbalisation des façades, c’est plus facile à mettre en œuvre… mais ça ne suffira pas seul.
Mais une chose est sûre : rester les bras croisés n’est plus une option. Paris ne peut pas se permettre de devenir une ville-musée où seuls les touristes et les ultra-riches ont leur place. Le commerce de proximité, c’est le sang qui circule dans les veines de la capitale. Et là, on est en train de faire une hémorragie.
Alors oui, les mesures proposées sont ambitieuses. Certaines diront trop. D’autres diront enfin. Mais au moins, on parle concrètement de solutions. Et ça, ça fait du bien.
Parce qu’au fond, derrière les rideaux baissés, il y a des projets qui ne demandent qu’à éclore. Des libraires, des boulangers, des créateurs, des jeunes qui rêvent d’ouvrir leur première boutique. Ils n’attendent qu’une chose : qu’on leur donne une chance.
2026 approche. Et pour une fois, le commerce de proximité pourrait bien être au cœur de la bataille. Espérons que ça secoue tout le monde. Parce que Paris le vaut bien.
