Vous êtes parent, vous déposez votre enfant à l’école le matin, vous lui faites un signe de la main, et le soir… plus personne. Cette scène, impensable pour la plupart d’entre nous, est devenue une réalité terrifiante pour des centaines de familles dans le centre du Nigeria ces derniers jours.
Ce qui avait commencé comme une rumeur inquiétante vendredi matin s’est transformé en cauchemar absolu : 315 personnes, dont 303 élèves et 12 enseignants, ont purement et simplement disparu de l’école catholique Saint Mary de Papiri, dans l’État du Niger. Le chiffre fait froid dans le dos, surtout quand on sait qu’il a grimpé de 227 à 315 après un nouveau comptage désespéré.
Un enlèvement qui révèle l’ampleur du désastre sécuritaire
Franchement, quand on lit ça, on a du mal à y croire. Une école presque vidée de moitié en quelques minutes. Les bandits sont arrivés à l’aube, lourdement armés, ont semé la panique et sont repartis avec près de la moitié des effectifs. Les enfants avaient entre 6 et 18 ans à peu près. Des gamins.
Et le pire, c’est que ce n’est pas un incident isolé. Lundi déjà, dans l’État voisin de Kebbi, 25 lycéennes avaient été emmenées de force. Deux attaques de ce type en moins d’une semaine, c’est du jamais-vu, même dans un pays malheureusement habitué aux enlèvements de masse.
Comment on en est arrivé là ?
Le Nigeria, on le sait, traîne depuis des années une insécurité chronique dans sa partie centre et nord. Ce qu’on appelle les bandits – des groupes criminels souvent issus de conflits entre éleveurs et agriculteurs – se sont professionnalisés. Au départ, ils volaient du bétail. Aujourd’hui, ils enlèvent des centaines de personnes et exigent des rançons de plusieurs millions de dollars.
Le schéma est toujours le même : attaque éclair, prise d’otages en masse, fuite dans d’immenses forêts ou zones montagneuses impossibles à ratisser, négociations interminables avec les familles, paiement (ou pas), libération partielle des captifs… quand tout se passe « bien ».
« On vit dans la peur permanente. On ne sait plus si on doit envoyer les enfants à l’école ou les garder à la maison. Mais les garder à la maison, c’est aussi risquer qu’ils se fassent enlever sur le chemin du marché. »
– Un parent d’élève de la région, recueilli anonymement
Des écoles qui ferment en cascade
Face à la panique, les réactions ont été immédiates. L’État du Niger a ordonné la fermeture de dizaines d’établissements. Les États voisins – Katsina, Plateau – ont fait pareil pour tous leurs collèges et lycées. Des milliers d’enfants se retrouvent du jour au lendemain sans école, avec un avenir éducatif suspendu à la capacité de l’État à reprendre la main.
Et ce n’est pas que de la prudence excessive. Quand on voit que quasiment la moitié d’une école peut disparaître en un matin, on comprend que plus personne ne veut prendre le risque.
- Fermetures massives dans au moins trois États
- Des milliers d’élèves privés brutalement d’éducation
- Des parents qui envisagent sérieusement l’exil ou l’école à domicile
- Un président qui annule son déplacement au G20 pour gérer la crise en direct
D’ailleurs, le président Bola Tinubu a purement et simplement annulé sa participation au sommet du G20 à Johannesburg. Le message est clair : la situation est hors de contrôle et nécessite toute l’attention du chef de l’État.
Le facteur religieux qui complique tout
L’école Saint Mary est catholique, dans une région où la cohabitation entre communautés musulmanes et chrétiennes est parfois tendue. Certains y voient une attaque ciblée contre les chrétiens. D’autres rappellent que les bandits, eux, ne font pas vraiment de différence : ils enlèvent aussi bien dans des écoles coraniques que dans des établissements missionnaires. L’argent reste le moteur principal.
Mais il faut être honnête : dans l’imaginaire collectif, ces attaques sur des écoles confessionnelles alimentent la peur d’une persécution religieuse. Et cette perception, même si elle n’explique pas tout, pèse lourd dans les réactions.
Que font les forces de l’ordre ?
C’est la grande question que tout le monde se pose. L’armée est déployée, des opérations de ratissage sont lancées, des hélicoptères survolent la zone… mais pour l’instant, zéro résultat concret. Les bandits connaissent le terrain comme leur poche et bénéficient souvent de complicités locales.
Certains observateurs, lassés, parlent ouvertement d’un État qui a perdu le monopole de la violence sur de vastes territoires. C’est dur à entendre, mais quand on voit la fréquence et l’ampleur de ces attaques, on est obligé de se poser la question.
Et les enfants, dans tout ça ?
On parle chiffres, stratégies, rançons… mais derrière les 315 disparus, il y a 315 histoires personnelles. Des enfants qui ont vu leurs copains se faire embarquer sous la menace des armes. Des professeurs qui ont tenté de s’interposer et qui ont disparu avec leurs élèves.
Ceux qui ont réussi à s’échapper racontent des scènes d’une violence inouïe : tirs en l’air, cris, pleurs, course dans les buissons. Certains gamins ont marché des heures pour rejoindre le village le plus proche. D’autres n’ont pas eu cette chance.
Et puis il y a les traumatismes qui resteront, même si – quand – ces enfants reviendront. Parce que oui, la plupart reviennent… mais après des semaines, parfois des mois de captivité, dans des conditions épouvantables.
Un modèle économique criminel qui fonctionne trop bien
Le plus glaçant, c’est que ces enlèvements de masse sont devenus une industrie. Les bandits investissent dans des armes plus sophistiquées, recrutent, planifient. Ils savent que l’État, souvent, finit par payer ou par laisser les familles payer.
Et quand une attaque rapporte plusieurs dizaines de millions de nairas (des centaines de milliers d’euros parfois), pourquoi s’arrêter ? Le risque est faible, le gain énorme. C’est une logique économique froide, mais elle explique beaucoup de choses.
Vers une prise de conscience internationale ?
Cette fois, l’ampleur du drame pourrait changer la donne. L’annulation du voyage présidentiel au G20 n’est pas anodine. Le Nigeria, première économie d’Afrique, géant démographique, ne peut plus être vu comme un simple « problème régional ».
Certains espèrent que cette crise va enfin forcer la communauté internationale à regarder la situation en face. Pas juste des communiqués de presse indignés, mais une vraie pression pour des solutions durables : renforcement des capacités de l’armée, programmes de désarmement, développement des zones rurales, dialogue intercommunautaire… Tout ce qui a été promis mille fois mais jamais vraiment mis en œuvre.
En attendant, des centaines de familles vivent l’enfer. Elles prient, elles rassemblent l’argent, elles espèrent un coup de fil. Et chaque jour qui passe sans nouvelle est une torture supplémentaire.
Ce qui se passe au Nigeria en ce moment n’est pas qu’une « actualité africaine » de plus. C’est un signal d’alarme. Quand des écoles deviennent des cibles prioritaires, c’est toute une génération qu’on met en danger. Et ça, ça nous concerne tous, où qu’on vive.
On suivra évidemment l’évolution de la situation heure par heure. Pour l’instant, une seule chose est sûre : 315 chaises sont vides ce matin dans une école du centre du Nigeria. Et ce silence est assourdissant.
