Vous êtes au chômage depuis quelques mois, vous scrutez les offres d’emploi avec l’espoir de décrocher enfin le poste qui changera tout. Et là, miracle : une annonce parfaite, un CDI bien payé dans l’informatique, avec à la clé une formation prise en charge… enfin presque. On vous demande juste une petite participation. 1500, 2000, parfois 2500 euros. « C’est un investissement pour votre avenir », qu’ils disent. Et vous payez. Sauf que le CDI n’arrive jamais. Bienvenue dans l’enfer d’une escroquerie qui a déjà fait des dizaines de victimes à travers toute la France.
Franchement, quand on entend ce genre d’histoires, on se dit que ça n’arrive qu’aux autres. Et pourtant, des profils expérimentés, des gens prudents, se sont fait avoir. Parce que l’arnaque est rodée, presque professionnelle. Et surtout, elle exploite ce qu’il y a de plus fragile quand on cherche du travail : l’espoir.
Une arnaque qui joue sur la détresse des chercheurs d’emploi
Entre l’été 2024 et l’automne 2025, un organisme de formation a réussi à convaincre une trentaine de personnes – peut-être plus – de sortir le portefeuille. Le scénario est presque toujours le même. Vous recevez un message sur LinkedIn ou par mail. Un recruteur sympathique vous contacte : « Nous avons vu votre profil, nous recrutons en CDI pour un poste de développeur / administrateur réseau / analyste cybersécurité. » Le salaire est attractif, le télétravail possible, l’entreprise semble sérieuse.
Il y a juste un « petit » détail : pour valider votre candidature et obtenir la fameuse certification exigée par le client final, il faut suivre une formation. Payante, bien entendu. Mais pas d’inquiétude, on vous promet que c’est remboursable dès l’embauche… qui, évidemment, ne viendra jamais.
« J’ai versé 2200 euros parce qu’on m’avait garanti un CDI à 48 000 euros annuels. J’ai suivi la formation à distance, validé tous les modules… et puis plus rien. Téléphone coupé, mails sans réponse. »
– Une victime, encore sous le choc plusieurs mois après
Le piège parfait en trois étapes
Le mécanisme est diaboliquement bien pensé. Voici comment ça se passe, étape par étape :
- Première prise de contact ultra-ciblée (votre CV a été récupéré sur un jobboard ou LinkedIn)
- Entretien téléphonique ou visio où tout semble crédible : on parle technique, on évoque des clients prestigieux
- Proposition d’un « parcours certifiant » obligatoire, avec facture salée mais « investissement rentabilisé dès le premier mois de salaire »
- Paiement exigé avant le début de la formation (virement bancaire ou carte bleue)
- Formation dispensée (souvent médiocre, parfois juste des vidéos YouTube compilées)
- Disparition pure et simple de l’organisme dès que la formation est terminée
Et là, c’est le vide. Plus de nouvelles. L’entreprise qui devait vous embaucher n’a jamais existé. L’adresse du siège social mène à une boîte aux lettres. Le numéro de SIRET ? Bidon ou appartenant à une société dissoute.
Des changements de nom à répétition pour brouiller les pistes
Ce qui rend l’affaire encore plus inquiétante, c’est la capacité de cet organisme à se réinventer. En quelques mois, il a déjà changé deux fois de nom commercial. Une technique classique chez les escrocs : dès que les premières plaintes apparaissent sur les forums ou que la réputation devient trop sulfureuse, on ferme boutique et on rouvre sous une autre enseigne, avec un nouveau site vitrine tout beau tout propre.
J’ai moi-même vu ça des dizaines de fois dans d’autres secteurs. C’est un peu comme ces boutiques de cigarettes électroniques qui ferment du jour au lendemain pour réapparaître trois rues plus loin avec un nouveau nom. Sauf que là, les sommes en jeu sont bien plus importantes et les conséquences humaines dramatiques.
Jusqu’à 2500 euros partis en fumée
Concrètement, les victimes ont déboursé entre 1500 et 2500 euros. Pour certains, c’est l’équivalent de plusieurs mois d’allocations chômage. Pour d’autres, c’est un crédit à la consommation qu’ils vont rembourser pendant des années… pour rien.
Et le pire ? Beaucoup n’ont même pas osé en parler autour d’eux. La honte, vous comprenez. On se dit qu’on aurait dû se méfier, qu’on s’est fait avoir comme un débutant. Alors on garde ça pour soi. Résultat : l’arnaque continue tranquillement, parce que les victimes restent isolées.
La riposte s’organise enfin
Heureusement, les choses bougent. Une trentaine de personnes, venant de toute la France, ont réussi à se regrouper grâce aux réseaux sociaux et aux forums spécialisés. Elles ont toutes le même parcours, les mêmes mails types, les mêmes promesses non tenues. Ensemble, elles ont décidé de passer à l’action.
Le 21 novembre dernier, un avocat toulousain a déposé une plainte collective avec constitution de partie civile pour escroquerie en bande organisée et faux et usage de faux. Un signal fort. Parce que quand les victimes restent isolées, elles n’ont presque aucune chance. À plusieurs, elles deviennent une force.
« Avec cette action collective, on veut surtout empêcher ces gens de continuer à nuire. Ils exploitent la détresse de gens qui cherchent simplement à travailler. »
– Julian, 36 ans, l’un des plaignants
Comment reconnaître ce type d’arnaque avant de se faire avoir ?
Alors oui, avec le recul, certains signaux sont évidents. Mais quand on est dans l’urgence de retrouver un emploi, on a tendance à les ignorer. Voici les drapeaux rouges à surveiller absolument :
- L’offre arrive sans que vous ayez postulé nulle part
- On vous demande de payer pour accéder à l’emploi ou à une formation « obligatoire »
- Le recruteur refuse de vous donner le nom exact de l’entreprise finale avant paiement
- Le site de l’organisme est récent (vérifiez la date de création via whois)
- Les avis Google ou Trustpilot ont été postés en rafale sur une courte période (signe de faux avis)
- On vous met la pression : « Il ne reste que deux places », « Offre valable 48h seulement »
Un vrai recruteur sérieux ne vous demandera jamais de payer pour travailler. C’est aussi simple que ça.
Et maintenant ?
L’enquête est en cours. Les autorités vont devoir remonter la piste des paiements, identifier les bénéficiaires réels, démanteler le réseau. Ce genre d’affaires peut prendre du temps, mais quand il y a une plainte collective avec constitution de partie civile, le juge d’instruction est saisi directement. Ça va plus vite.
En attendant, le message est clair : méfiance maximale. Et si vous avez été victime, parlez-en. Ne restez pas seul. Il existe des associations, des groupes de victimes, des avocats spécialisés. Plus on sera nombreux à témoigner, plus on aura de chances d’arrêter ces escrocs.
Parce qu’au final, derrière les euros perdus, il y a surtout des vies bouleversées. Des gens qui avaient mis tous leurs espoirs dans ce « futur CDI » et qui se retrouvent aujourd’hui encore plus fragilisés qu’avant.
Si vous avez été contacté par un organisme douteux, si on vous a demandé de payer pour un emploi, ou si vous connaissez quelqu’un dans cette situation… partagez cet article. La prévention reste la meilleure arme.
Prenez soin de vous. Et rappelez-vous : un vrai emploi, ça ne coûte jamais d’argent pour être obtenu.
