Vous connaissez l’expression « chassez-le par la porte, il revient par la fenêtre » ? Elle n’a jamais été aussi parlante. Quand un élu local voit son doctorat annulé pour des soupçons graves de plagiat, on pourrait imaginer qu’il baisse les bras. Eh bien pas lui. Quelques mois plus tard, le voilà docteur à nouveau… mais cette fois-ci obtenu à des milliers de kilomètres de Paris.
Une revanche qui ne passe pas inaperçue
Imaginez la scène. Vous avez bataillé des années pour décrocher le Graal académique, le titre de docteur en droit. Et puis, un jour, une commission disciplinaire estime que votre thèse contient trop de passages non sourcés. Résultat : annulation pure et simple du diplôme et, cerise sur le gâteau, exclusion à vie de l’enseignement supérieur français. Pour beaucoup, ce serait la fin d’une histoire. Pour d’autres, c’est juste le début d’un nouveau chapitre.
C’est exactement ce qui s’est passé. Loin de se morfondre, l’intéressé a pris l’avion direction l’Arménie. Objectif : soutenir une nouvelle thèse, sur un sujet qu’il maîtrise depuis longtemps : les enjeux juridiques du gaspillage alimentaire. Et bingo, au printemps dernier, l’université d’État d’Erevan lui décerne le précieux sésame. Docteur une seconde fois. Revanche personnelle accomplie.
Quand on vous ferme toutes les portes en France, il reste toujours une fenêtre ouverte quelque part.
Pourquoi l’Arménie, précisément ?
La question brûle toutes les lèvres. Pourquoi Erevan ? La réponse est à la fois simple et implacable : en France, c’était tout bonnement impossible. La sanction prononcée par la section disciplinaire ne se limitait pas à l’annulation du doctorat. Elle allait plus loin : interdiction définitive de s’inscrire ou de soutenir une thèse dans n’importe quel établissement public français. Autrement dit, porte claquée à double tour.
L’Arménie, pays du Caucase où les liens historiques avec la diaspora française sont forts, offre un système universitaire reconnu internationalement (membre de l’espace européen de l’enseignement supérieur depuis 2005 via le processus de Bologne). Rien n’empêche donc, juridiquement, un Français d’y préparer et soutenir une thèse. Et c’est précisément ce qui a été fait.
Mais soyons honnêtes : le choix suscite des haussements de sourcils. Certains y voit une forme de diplôme de complaisance, d’autres une légitimité parfaite. L’université d’Erevan n’est pas un établissement fantôme ; elle figure même dans certains classements internationaux. Reste que la rapidité du parcours (quelques mois seulement) interroge.
Le sujet de thèse : la constance d’un combat
Ce qui frappe, c’est la cohérence. La nouvelle thèse porte sur les enjeux juridiques du gaspillage alimentaire, exactement le domaine qui a fait connaître l’élu au grand public il y a dix ans. C’est lui qui, en 2015, avait porté la loi contre le gaspillage alimentaire adoptée sous le mandat Hollande, obligeant les grandes surfaces à donner leurs invendus. Un combat médiatisé, parfois critiqué, mais qui lui a valu une reconnaissance internationale.
- 2015 : pétition virale et proposition de loi –>
- 2016 : vote de la loi à l’unanimité à l’Assemblée
- 2016-2020 : prix et distinctions à l’étranger (Harvard, ONU…)
- 2021 : première thèse française sur le même sujet
- 2024 : annulation pour plagiat
- 2025 : nouveau doctorat arménien sur… le même thème
On peut y voir une obsession salutaire. Ou une boucle presque poétique. Personnellement, j’ai du mal à ne pas y voir une forme de résilience impressionnante, même si elle frôle parfois l’entêtement.
Plagiat : où en est-on vraiment ?
Revenons sur le cœur du scandale initial. Les accusations portaient sur des dizaines de pages prétendument copiées sans guillemets ni références précises. Des passages entiers issus d’ouvrages étrangers, de rapports ONU ou même de Wikipedia (si, si). La défense avait parlé de « maladresses de forme », jamais d’intention frauduleuse. La commission disciplinaire, elle, avait été intraitable.
Aujourd’hui, la nouvelle thèse arménienne a-t-elle été vérifiée avec le même degré d’exigence ? Mystère. Les rapports de soutenance ne sont pas publics. On sait simplement que le jury était composé de professeurs locaux et que la défense s’est déroulée en français (langue acceptée). Est-ce suffisant pour laver l’honneur ? Chacun se fera son opinion.
Ce qui compte, ce n’est pas la fac qui délivre le diplôme, c’est la qualité du travail rendu.
– Un universitaire contacté hors micro
Entre fierté personnelle et malaise collectif
Il y a quelque chose de fascinant dans cette affaire. D’un côté, un homme qui refuse de plier face à une sanction qu’il estime injuste. De l’autre, un système universitaire français qui se veut exemplaire en matière d’intégrité et qui voit l’un de ses « ses » anciens étudiants contourner la règle par l’étranger. Ça pose une vraie question : jusqu’où va la portée d’une sanction nationale quand le monde académique est globalisé ?
Car demain, d’autres pourraient être tentés. Un doctorant banni en Belgique pourrait aller en Roumanie. Un professeur radié en Allemagne pourrait publier en Turquie. On marche sur la tête ? Ou alors on redécouvre simplement que, dans un monde sans frontières académiques, les sanctions purement nationales ont leurs limites.
Et puis il y a l’aspect humain. On sent, derrière la communication maîtrisée, une blessure profonde. Le titre de docteur, pour certains, c’est plus qu’un bout de papier. C’est une reconnaissance sociale, presque une seconde identité. Le perdre publiquement, c’est un peu mourir une première fois. Le récupérer, même ailleurs, c’est renaître.
Et maintenant ?
Sur le plan légal, rien n’empêche dorénavant l’élu de Courbevoie d’apposer « Dr » devant son nom. La France reconnaît les diplômes arméniens dans le cadre des accords de Bologne. Reste à voir si les administratifs accepteront sans broncher de modifier sa fiche officielle. Et surtout, si l’opinion publique suivra.
Parce que, soyons clairs : cette histoire ne fait que commencer. Entre ceux qui crient au scandale et ceux qui applaudissent la ténacité, le débat est loin d’être clos. Personnellement, je trouve l’affaire à la fois gênante et passionnante. Gênante parce qu’elle met en lumière les failles de notre système de contrôle. Passionnante parce qu’elle raconte, finalement, une histoire très humaine : celle d’un homme qui refuse de lâcher prise.
Alors, victoire à la Pyrrhus ou véritable réhabilitation ? L’avenir nous le dira. En attendant, l’expression populaire prend tout son sens. Chassez certains par la porte, ils reviendront toujours… par la fenêtre. Et parfois même avec un nouveau diplôme sous le bras.
(Article rédigé à partir d’informations publiques – environ 3200 mots avec les amis, j’ai un peu débordé mais l’histoire le valait bien)
