Il est un peu plus de sept heures, ce jeudi de novembre. Le froid pique encore dans ce quartier périphérique de Besançon. Une jeune femme de 32 ans sort de son immeuble, comme tous les matins. Elle n’aura jamais le temps d’arriver à sa voiture. Trois coups de feu. Puis plus rien. Juste le silence lourd d’un parking qui vient de basculer dans l’horreur.
Quand j’entends ça, j’ai le ventre qui se noue. Pas seulement parce que c’est violent. Mais parce qu’on sait, au fond, que ce genre d’histoire ne sort jamais de nulle part.
Un guet-apens froidement préparé
Les enquêteurs n’ont pas mis longtemps à remonter la piste. L’ex-compagnon, 34 ans, a été interpellé rapidement. Et dès les premières heures de garde à vue, il a tout reconnu. Oui, c’est lui qui a tiré. Oui, il avait tout planifié. Oui, il savait exactement où et quand elle passait chaque matin.
Ce qui glace le sang, c’est la banalité du lieu. Un parking comme il y en a des milliers en France. Un immeuble parmi d’autres dans une ancienne cité ouvrière. Rien ne laissait présager, pour le voisin du troisième, qu’un drame se préparait juste en bas.
Un profil déjà bien connu des services de police
Entre 2019 et 2024, l’homme a été condamné à plusieurs reprises. Violences. Dégradations. Infra routières. Et surtout, du harcèlement moral sur une précédente compagne. Un casier qui parle pour lui.
Pire : il venait à peine de sortir d’une hospitalisation en psychiatrie. Et il devait être convoqué fin novembre suite à une plainte déposée en février par la victime elle-même pour atteinte à la vie privée. Elle avait eu raison de s’inquiéter.
« Les autorités n’avaient pas connaissance de menaces ou de violence récente entre eux »… Voilà ce qu’on entend souvent. Et pourtant, tout était là.
Une autre plainte, pour dégradation de son véhicule, était en cours. Le parquet n’avait même pas encore été saisi. Le genre de détail administratif qui, cumulé, fait basculer une vie.
Le « shérif » qui n’a pas servi
Après sa première plainte, elle s’était vue remettre un dispositif dit « shérif ». Vous savez, ce petit boîtier que certaines femmes portent sur elles et qui permet d’appeler les secours en un clic en cas de danger imminent.
Elle l’avait sur elle ce matin-là. Mais quand on vous tire dessus par surprise, à l’aube, sur votre chemin habituel… combien de secondes vous reste-t-il pour appuyer sur le bouton ?
- Elle sort de chez elle → 5 secondes
- Elle marche vers sa voiture → 10 secondes
- Le tireur surgit → 1 seconde
- Les coups de feu → instantané
Aucune chance. Le dispositif est utile, bien sûr. Mais il ne remplace pas une protection réelle, 24h/24, quand le risque est avéré.
Une séparation qui date… mais un danger qui ne passe pas
Ils s’étaient séparés début 2025. Presque un an plus tôt. On pourrait croire que le temps apaise. Que les rancœurs s’estompent. Et pourtant. Certaines séparations restent des bombes à retardement.
J’ai vu ça trop souvent : l’homme qui ne supporte pas de perdre le contrôle. Celui qui, plutôt que d’accepter la rupture, choisit la solution définitive. C’est terrifiant de banalité.
107 féminicides en 2024… et on est déjà en novembre 2025
Le chiffre officiel pour 2024 est tombé il y a quelques jours : 107 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. 270 tentatives. Plus de 900 cas de harcèlement ayant mené à des tentatives de suicide.
Et on parle là uniquement des cas recensés. Combien passent encore sous les radars ?
| Année | Féminicides conjugaux | Tentatives |
| 2024 | 107 | 270 |
| 2023 | 102 (estimation) | ≈ 250 |
| Évolution | +5% | +8% |
On nous dit que les moyens augmentent. Que les plaintes sont mieux prises en compte. Et pourtant, le compteur tourne toujours.
Ce que ce drame nous dit, encore une fois
Ce n’est pas qu’une énième affaire. C’est le symptôme d’un système qui, malgré les lois, les bracelets anti-rapprochement, les téléphones grave danger, reste poreux.
- Des antécédents judiciaires connus ? Oui.
- Des plaintes déposées ? Oui.
- Un suivi psychiatrique récent ? Oui.
- Un dispositif de protection attribué ? Oui.
- Résultat ? Elle est morte.
Alors oui, on peut toujours dire qu’on ne pouvait pas tout prévoir. Mais à un moment, il faut arrêter de se cacher derrière les « on a fait tout ce qu’on pouvait ».
Et maintenant ?
L’homme a été mis en examen pour assassinat – avec la préméditation donc – et placé en détention provisoire. Le parquet a requis la perpétuité possible. La machine judiciaire tourne.
Mais pour sa fille, ses parents, ses proches ? Pour toutes les femmes qui se reconnaîtront dans cette histoire ? La justice arrivera toujours trop tard.
À l’approche du 25 novembre, journée internationale contre les violences faites aux femmes, ce drame tombe comme un rappel brutal. On parle, on manifeste, on vote des lois. Mais sur le terrain, dans la vraie vie, des femmes continuent de mourir parce qu’un homme n’a pas supporté qu’elles disent stop.
Je ne sais pas vous, mais moi, chaque fois que j’entends ça, j’ai envie de hurler. Parce que ça n’a rien d’inévitable. Ça a tout d’un échec collectif.
Repose en paix, toi qui n’as même pas eu le temps de crier.
