Il y a des moments dans le foot où le chronomètre s’arrête vraiment. Pas parce qu’un arbitre siffle, non. Parce que tout un stade retient son souffle. Samedi soir à Rennes, quand le quatrième arbitre a levé son panneau avec le numéro 6, le temps s’est figé quelques secondes. Paul Pogba revenait. Vraiment. Après 803 jours sans match officiel.
J’étais dans les travées du Roazhon Park, et franchement, même moi qui ai vu pas mal de grands retours dans ma vie, j’ai eu la gorge nouée. Pas seulement parce que c’est un champion du monde. Mais parce qu’on a tous suivi, de loin ou de près, les galères qu’il a traversées. Et là, d’un coup, il était là. Vivant. En chair et en os.
Un retour préparé dans l’ombre pendant deux longues années
Reprenons depuis le début. Septembre 2023 : contrôle positif à la testostérone après un match avec son ancien club. Suspension provisoire, puis quatre ans ferme. Un coup de massue. Beaucoup auraient rangé les crampons direct. Lui, non. Recours, réduction de peine à dix-huit mois, et un transfert surprise à Monaco l’été dernier pour se relancer loin des projecteurs.
Pendant tout ce temps, il s’est entraîné presque en secret. Séances individuelles, travail avec des préparateurs personnels, vidéos, analyses. Il répétait à ses proches qu’il visualisait sans arrêt ce moment précis : le moment où il francherait à nouveau la ligne blanche. Et samedi, l’image qu’il avait en tête depuis des mois est devenue réalité.
« J’avais déjà cette image en tête depuis des mois, je me disais ah tu vas revenir sur les terrains, tu vas rejouer. J’attendais ça avec impatience. »
Quand il raconte ça après le match, la voix un peu cassée, on comprend que ce n’était pas juste une phrase toute faite. C’était une obsession. Une bouée dans les moments où, comme il l’a avoué sans filtre, « le diable parle dans ta tête » et te murmure que c’est fini.
Dix minutes qui ont rappelé qui il est vraiment
Alors oui, Monaco a pris 4-1. Le résultat est cruel. Mais pendant les dix minutes où il a joué, Pogba a rappelé des choses qu’on avait presque oubliées.
- Une prise de balle orientée du droit qui élimine deux joueurs d’un seul geste.
- Une accélération soudaine qui laisse un milieu rennais sur place.
- Et surtout cette transversale de quarante mètres, pied gauche, qui trouve parfaitement son ailier dans le dos de la défense.
En dix minutes, il a fait plus de gestes de classe que certains joueurs en quatre-vingt-dix. Et le public, pourtant supporter de l’équipe adverse, s’est levé. Pas un sifflet. Une ovation. Même les supporters les plus chauds ont applaudi. Parce que le foot, parfois, dépasse les couleurs.
L’émotion brute : « C’est moi qui ai le plus souffert »
Après le match, il a parlé longtemps. Pas le discours policé qu’on entend souvent. Non, du vrai, du brut. Il a répété plusieurs fois qu’il était déçu du résultat – parce qu’il reste un compétiteur avant tout – mais qu’au fond de lui, il était heureux. Soulagé, même.
« Malgré tout ce qu’il s’est passé, toutes les histoires en dehors du football, c’est moi qui ai souffert le plus. »
Paul Pogba, au micro après Rennes-Monaco
Et là, tu sens qu’il ne parle pas seulement de la suspension. Il parle des critiques, des réseaux sociaux, des articles, des débats interminables. Des nuits où tu te demandes si tu rejoueras un jour. Il a tout encaissé. Et il est revenu.
Et maintenant ? Objectif 90 minutes… et peut-être plus
Forcément, on lui a demandé pour les Bleus. La Coupe du monde 2026, c’est dans moins d’un an. Sa réponse a été claire, presque froide :
« Si je ne performe pas à Monaco, l’équipe de France il faut oublier. »
Pas de rêve éveillé, pas de promesse. Juste du concret. Se remettre en forme, enchaîner les minutes, retrouver du rythme. Il sait que rien ne sera offert. À 32 ans (bientôt 33), il n’a plus le temps de jouer les victimes ou les stars déchues. Il doit prouver, encore.
Mais quand tu vois la qualité de ses gestes après deux ans sans compétition, tu te dis que le potentiel est toujours là. Intact. Peut-être même plus affûté, parce que la faim, la vraie, celle qui te ronge, elle est revenue.
Pourquoi ce retour nous touche tous (même ceux qui ne l’aiment pas)
J’ai discuté avec des supporters après le match. Des Rennais, des Monégasques, des neutres. Tout le monde était d’accord sur un point : voir un joueur traverser l’enfer et revenir comme ça, ça rappelle pourquoi on aime ce sport.
Le foot, ce n’est pas que des millions ou des scandales. C’est aussi des histoires humaines. Des gars qui tombent, qui se relèvent, qui refusent d’abandonner. Pogba, avec ses qualités et ses défauts, incarne ça à la perfection en ce moment.
Et quelque part, son retour nous parle à tous. Qui n’a jamais eu envie de prouver qu’on pouvait revenir plus fort après une grosse galère ? Lui, il est en train de le faire sous les yeux du monde entier.
Alors oui, il n’a joué que dix minutes. Oui, il y a encore énormément de boulot. Mais samedi soir, à Rennes, quelque chose a changé. Paul Pogba n’est plus un ancien champion du monde qui tente un comeback désespéré.
Il est redevenu, simplement, un footballeur.
Et ça, franchement, c’est la plus belle des victoires.
Prochain rendez-vous ? Probablement plus de minutes dès le prochain match. Et on sera nombreux, très nombreux, à avoir les yeux rivés sur lui. Parce que cette histoire-là est loin d’être terminée. Elle ne fait que commencer. À nouveau.
