Il y a des soirs où le rugby redevient un jeu d’enfants. Un ballon qui fuse, un couloir qui s’ouvre, et soudain plus personne ne vous voit. Samedi soir au Stade de France, Louis Bielle-Biarrey a rappelé à tout le monde pourquoi on l’appelle la fusée. Pas juste parce qu’il court vite – ça, on le savait déjà – mais parce que, quand il décide d’appuyer sur le bouton, même les meilleurs défenseurs du monde ressemblent à des plots orange sur un terrain d’entraînement.
48-33 contre l’Australie. Un score de festival qui fait presque oublier le froid mordant de novembre. Et au milieu de ce feu d’artifice tricolore, un gamin de 22 ans qui signe son grand retour en grâce après deux matchs compliqués. On va y revenir, mais d’abord, laissons-nous porter par la magie de ces 80 minutes.
Quand la fusée retrouve enfin son propergol
Reprenons depuis le début. Tournoi d’automne compliqué pour LBB. Contre l’Afrique du Sud, il avait passé plus de temps à courir après les ballons hauts qu’à les récupérer. Carton jaune sévère, frustration visible, et une impression qu’on l’avait muselé. Une semaine plus tard face aux Fidji, il avait bien offert un essai à Ollivon, mais la puissance des îliens l’avait souvent mis en difficulté. On commençait doucement à se demander si la machine n’était pas un peu grippée.
Et puis arrive ce France-Australie. Et là, paf. Comme si quelqu’un avait remis le contact.
L’essai qui a fait lever 80 000 personnes
31e minute. Le score est serré, l’ambiance un peu figée par le froid. Bielle-Biarrey reçoit le ballon sur son aile gauche. Ce qui suit tient en trois images :
- Un démarrage fulgurant qui laisse Harry Potter (oui, le vrai, l’Australien) scotché sur place.
- Un petit coup de pied par-dessus la défense, parfaitement dosé.
- Un dernier crochet intérieur qui enrhume deux défenseurs et le plongeon dans l’en-but.
Le Stade de France explose. Pas juste un essai : une déclaration. « Je suis toujours là. » Et franchement, ça faisait du bien.
C’est le genre de geste qui te rappelle pourquoi tu aimes ce sport. De la pure vitesse, de l’intelligence, et cette petite pointe d’insolence qui fait les grands ailiers.
Deux cadeaux pour son pote Depoortere
Mais LBB n’a pas fait que marquer. Il a aussi régalé. Deux fois. Deux passes décisives millimétrées pour Nicolas Depoortere, son ancien coloc à Bordeaux. La première dès la 9e minute sur un débordement supersonique, la seconde en seconde période où il fixe deux défenseurs avant de servir sur un plateau.
Entre potes, on se comprend sans parler. Et ça se voit.
À la fin, le compteur affiche : 2 essais, 2 passes décisives, plusieurs défenseurs australiens qui doivent encore chercher leurs baskets quelque part dans les travées du Stade de France. Pas mal pour un mec qui sortait de deux matchs en demi-teinte.
Le ratio fou qui fait tourner les têtes
Allons dans les chiffres, parce qu’avec Bielle-Biarrey, c’est presque obscène.
20 essais en 22 sélections.
Laissez-moi reformuler : 20 essais en 22 capes. À 22 ans. C’est pas un ratio, c’est une anomalie statistique.
- 8 essais lors du dernier Tournoi des 6 Nations (record égalé).
- Meilleur marqueur du Top 14 en ce moment avec l’UBB.
- Déjà à mi-chemin du record historique du XV de France détenu par Damian Penaud (40 essais).
Si on extrapole (et oui, je sais, c’est dangereux), mais à ce rythme-là… il pourrait le battre avant ses 27 ans. C’est pas de la science-fiction, c’est juste des maths.
Pourquoi ce match change tout
Parce qu’on avait besoin de le revoir comme ça. Pas juste efficace, mais dominateur. Après les critiques (parfois justes) sur sa gestion des ballons hauts ou sa défense sous pression, il a répondu de la plus belle des manières : sur le terrain.
Et puis il y a ce deuxième essai en fin de match, sur une percée monstrueuse du jeune Kalvin Gourgues. Bielle-Biarrey suit à l’intérieur, ajuste son appui, et conclut. Du pur instinct de finisseur. Le genre de geste qui fait dire que oui, ce garçon a quelque chose en plus.
Tout n’a pas été parfait, soyons honnêtes. Un ballon arraché qui amène un essai australien, quelques choix perfectibles. Mais franchement ? Quand tu finis la soirée avec quatre actions décisives, on pardonne facilement.
Et maintenant ?
Retour à Bordeaux-Bègles, leader du Top 14 et tenant de la Champions Cup. Un calendrier chargé, des objectifs énormes. Et puis 2026 qui arrive vite : Six Nations, peut-être une tournée en Argentine ou ailleurs, et cette Coupe du Monde 2027 qui commence à pointer le bout de son nez.
On parle souvent de la concurrence sur les ailes avec Penaud, Villière ou encore les jeunes qui poussent. Mais quand Bielle-Biarrey joue comme ça, la question ne se pose même plus. Il est là. Et il n’a clairement pas l’intention de bouger.
À 22 ans, il a déjà le calme des très grands et la vitesse des extraterrestres. S’il continue comme ça, le record de Penaud ne tiendra pas très longtemps.
Le rugby français a trouvé son nouvel ovni. Et samedi soir, sous les lumières du Stade de France, Louis Bielle-Biarrey nous a tous rappelé que quand la fusée est lancée… personne ne l’arrête.
Fin de la tournée d’automne sur une note joyeuse. On en avait besoin. Et quelque part, je crois qu’on en reprendra bien une petite dose dès le mois de février.
Parce qu’au fond, c’est ça le rugby qu’on aime : des gamins qui font rêver, des accélérations qui font lever les foules, et cette sensation que, parfois, tout est encore possible.
Merci LBB. Et à très vite sur les pelouses.
