Vous êtes-vous déjà demandé ce que ça fait de passer d’une ville où l’on vous reconnaît à chaque coin de rue à une capitale où personne ne vous calcule ? Pour certains, ce serait presque une punition. Pour Vincent Marchetti, c’est la délivrance.
Janvier 2023. Le milieu défensif quitte l’AC Ajaccio, son île, son club formateur, son rôle de capitaine adoré. Direction le Paris FC. Beaucoup pensaient qu’il allait galérer, coincé entre l’ombre écrasante du PSG et la modestie du club de la capitale « bis ». Deux ans plus tard, le Corse de 28 ans n’a jamais semblé aussi serein.
L’anonymat, ce luxe que Paris offre aux footballeurs
À Ajaccio, impossible de faire trois mètres sans qu’on l’interpelle. « Vincent ! Alors, le prochain match ? » Même au supermarché, même à 23 heures en jogging. En Corse, le footballeur est une personnalité publique vingt-quatre heures sur vingt-quatre. À Paris ? Il prend le métro ligne 6 comme tout le monde, écoute son podcast, personne ne le regarde.
« Ici, je suis incognito complet et ce n’est pas plus mal. »
Vincent Marchetti, avec le sourire d’un homme enfin tranquille
Contrairement à la majorité de ses coéquipiers qui vivent près du centre d’entraînement d’Orly, lui a planté ses valises à Montparnasse. Choix assumé. Il voulait vivre Paris, pas seulement y travailler. Et franchement, quand on a grandi entre mer et maquis, on comprend qu’il ait eu envie de boulevards, de brasseries, de musées à dix minutes à pied.
Pasta Luna, son QG corse au cœur du 6e
Il y a cette petite épicerie rue du Cherche-Midi, Pasta Luna. Dès qu’il pousse la porte, l’odeur de lonzu et de brocciu le ramène direct à la maison. Le patron le tutoie, lui glisse un bout de prisuttu « pour la route ». C’est son point d’ancrage. Un morceau d’île dans 300 mètres carrés parisiens.
Le reste du temps ? Il se balade. Opéra, Luxembourg, Saint-Germain… Il découvre encore. Il dit que Paris, c’est un peu comme la Corse mais en infiniment plus grand : tu peux rester tranquille chez toi ou sortir et trouver de la vie à toute heure. Exactement le dosage dont il avait besoin.
Sur le terrain, la métamorphose est visible
Mais l’anonymat n’explique pas tout. Sur le rectangle vert, Vincent Marchetti est devenu un autre joueur. Plus libre, plus tranchant, plus constant. Arrivé comme un simple renfort d’expérience, il s’est imposé comme le poumon du milieu parisien.
- 2024-2025 : déjà 12 matchs joués, 11 titularisations
- 85 % de passes réussies, 2e meilleur tacleur de l’équipe
- Capitaine à plusieurs reprises quand le brassard tourne
- Une aisance technique qu’on ne lui connaissait pas forcément en Ligue 1 avec Ajaccio
Stéphane Gilli, l’entraîneur, ne tarit pas d’éloges : il parle d’un joueur « enfin libéré mentalement ». Et quand on voit Marchetti presser haut, casser les lignes d’une passe laser ou récupérer proprement dans les pieds adverses, on comprend. Le garçon joue sans la pression du regard insulaire. Ça change tout.
Pourquoi Paris plutôt qu’une autre grande ville ?
Il aurait pu signer à Marseille (trop proche de la Corse, trop de pression), à Lyon (trop de lumière), à Lens ou Rennes (trop de ferveur populaire). Non. Il lui fallait la démesure parisienne pour disparaître un peu. Paradoxal ? Pas tant que ça.
Dans la capitale, même les stars du PSG croisent parfois des passants qui les ignorent. Alors un milieu travailleur du Paris FC… Imaginez. C’est presque un super-pouvoir : être footballeur pro tout en menant une vie quasi normale. Cinéma le mardi soir, resto japonais le mercredi, balade à vélo le long de la Seine le dimanche matin. Il vit ça, vraiment.
Et la Corse dans tout ça ?
Il rentre dès qu’il peut. Vacances, trêves internationales, week-ends off. L’avion Ajaccio-Orly, il le connaît par cœur. Mais il n’a plus cette sensation d’étouffer. Il revient en visiteur heureux, pas en icône locale. Sa famille le voit plus détendu, ses potes d’enfance aussi. « T’as rajeuni de cinq ans », lui ont-ils dit l’été dernier.
Et puis il y a cette fierté nouvelle : montrer que les Corses peuvent briller ailleurs qu’à Bastia ou Ajaccio. Qu’on peut sortir de l’île sans renier ses racines. Au contraire. Il porte le maillot du Paris FC avec le même accent qu’à l’ACA, la même hargne, mais avec dix kilos de pression en moins sur les épaules.
Avant Lille : un match qui peut tout changer
Ce dimanche soir, le Paris FC se déplace à Lille. Un vrai test. Contre une équipe du haut de tableau, dans un stade chaud, face à des joueurs qu’il regardait à la télé il y a encore quelques années. Il y a deux ans, il aurait peut-être tremblé. Aujourd’hui ? Il aborde ça avec une sérénité presque déconcertante.
Parce qu’il sait maintenant que sa valeur ne se mesure plus au nombre de selfies demandés dans les rues d’Ajaccio, mais à la qualité de ses trente mètres, à sa lecture du jeu, à sa capacité à faire jouer les autres. Paris lui a appris ça. L’anonymat l’a rendu plus fort.
Quelque part, Vincent Marchetti est l’exemple parfait que le bonheur d’un footballeur ne se résume pas à la taille du club ou au montant du salaire. Parfois, il suffit d’un quartier où l’on peut juste… respirer.
Et nous, on adore ce genre d’histoires. Celles qui prouvent que derrière les maillots, il y a des hommes. Des vrais. Avec leurs doutes, leurs choix courageux et, finalement, leur petite victoire personnelle.
Ce soir à Lille, il y aura un Corse tranquille au milieu de terrain. Et quelque part dans le 6e arrondissement, un appartement allumé tard, qui attend le débrief entre potes devant une Pietra bien fraîche. La vie, quoi.
