Imaginez-vous arrêté à l’aéroport, menotté, puis jeté en cellule pour avoir simplement dit ce que vous pensiez sur l’histoire de votre pays. Boualem Sansal, 81 ans, romancier respecté et voix critique incontournable, a vécu cela pendant toute une année. Ce dimanche soir, il prend la parole pour la première fois depuis sa libération. Et franchement, on a tous le cœur qui bat un peu plus fort.
Une année qui a bouleversé bien des consciences
Retour en arrière. Nous sommes le 16 novembre 2024. L’écrivain atterrit à Alger, comme il l’a fait des dizaines de fois. Mais cette fois, les autorités l’attendent. Motif ? Des déclarations faites quelques mois plus tôt dans une interview où il évoquait le tracé des frontières avant la colonisation française. Des mots qui, pour le pouvoir algérien, représentent une atteinte à l’unité nationale. Cinq ans de prison. Sans réel débat.
Pendant douze mois, le silence. Quelques nouvelles filtrent : état de santé inquiétant, cancer de la prostate qui nécessite un suivi, conditions de détention rudes. Sa famille alerte, des intellectuels du monde entier s’indignent. Des prix Nobel de littérature signent des tribunes. On parle d’un prisonnier d’opinion parmi d’autres, mais celui-ci touche particulièrement la France : il est franco-algérien, il vit à Paris une partie de l’année, ses livres sont publiés ici.
Comment en est-on arrivé là ?
Pour comprendre, il faut remonter à la crise diplomatique qui empoisonne les relations entre Paris et Alger depuis plus d’un an. Rappels d’ambassadeurs, expulsion de fonctionnaires, restrictions de visas diplomatiques… Un climat glacial. Et dans ce contexte, les déclarations de l’écrivain tombent au pire moment. Ce qui aurait pu passer pour une analyse historique un peu vive devient un prétexte idéal.
Mais soyons honnêtes : tout le monde sait que le problème n’est pas vraiment la carte du Maroc ou de l’Algérie au XIXe siècle. Le problème, c’est que Boualem Sansal n’a jamais mâché ses mots contre l’islamisme, contre la corruption, contre le système en place. Ses romans comme 2084 ou Le Village de l’Allemand dérangent depuis vingt ans. Cette fois, on a trouvé le moyen de le faire taire.
« Quand un écrivain dérange, on l’accuse toujours d’atteinte à l’unité nationale ou à la sûreté de l’État. C’est la méthode classique. »
Un observateur régulier du Maghreb
La libération : un coup de téléphone allemand qui change tout
Le 12 novembre dernier, la nouvelle tombe comme un coup de tonnerre : Boualem Sansal est libre. Comment ? Grâce à une médiation discrète mais décisive du président allemand Frank-Walter Steinmeier. Un appel direct à son homologue algérien, quelques jours de négociations feutrées, et les portes s’ouvrent.
Direction Berlin d’abord, pour des examens médicaux urgents. Puis retour en France en début de semaine. Et là, accueil à l’Élysée par Emmanuel Macron lui-même. On imagine l’émotion. On imagine aussi les discussions en coulisses : la France a-t-elle promis quelque chose ? Alger a-t-il obtenu des gages ? Officiellement, on parle de « méthode faite de respect, de calme et d’exigence ». En langage diplomatique, ça veut souvent dire qu’on a mis pas mal de choses sur la table.
- Soins immédiats en Allemagne pour un cancer suivi depuis des années
- Retour discret en France sans passage par la case médias
- Rendez-vous à l’Élysée avant même la première interview
- Soutien affiché de plusieurs prix Nobel et d’intellectuels majeurs
Cette libération montre une chose : quand la pression internationale est coordonnée et que des chefs d’État s’en mêlent personnellement, les choses peuvent bouger. Même dans les régimes les plus fermés.
Ce qu’on attend ce soir au 20 Heures
Pourquoi avoir choisi le journal de Laurent Delahousse ? Sans doute parce que c’est le rendez-vous le plus regardé, le plus solennel aussi. Pas de polémique tapageuse, pas de questions pièges à la minute : un vrai temps long pour parler. Et l’écrivain en a besoin.
On imagine déjà les sujets qui vont être abordés :
- Les conditions réelles de sa détention (on parle de cellules surpeuplées, de soins insuffisants)
- Son état de santé actuel après un an sans suivi médical adapté
- Ce qu’il pense de la situation politique en Algérie aujourd’hui
- Et surtout : va-t-il continuer à écrire, à critiquer, à provoquer ?
Car c’est là la grande question. À 81 ans, après une telle épreuve, beaucoup auraient choisi le silence et le repos. Mais ceux qui connaissent Boualem Sansal savent qu’il n’est pas du genre à baisser la plume. Son regard reste acéré, son humour noir intact. J’ai relu Gouverner au nom d’Allah ces derniers jours : le livre date de 2013 et semble écrit hier. C’est dire la pertinence du bonhomme.
« Je ne suis pas courageux. Je suis simplement incapable de me taire quand je vois l’injustice. »
Boualem Sansal, dans une ancienne interview
Un symbole plus large que lui-même
Au-delà de l’histoire personnelle, cette affaire dit beaucoup sur la liberté d’expression dans certains pays. Dire que des régions ont appartenu au Maroc avant la colonisation française, est-ce vraiment un crime ? Pour certains régimes, oui. Parce que toucher à l’histoire officielle, c’est toucher au récit national qui cimente le pouvoir.
On pense à d’autres écrivains, journalistes, blogueurs encore derrière les barreaux pour des mots. En Algérie, en Égypte, en Turquie, en Iran… La liste est longue. Boualem Sansal, par sa notoriété et sa double nationalité, a eu la chance d’en sortir. Combien n’ont pas cette chance ?
Et puis il y a cette question qui flotte : la France a-t-elle fait assez pendant cette année ? On a vu des pétitions, des tribunes, des communiqués prudents. Mais pas de rupture franche. Faut-il sacrifier la realpolitik sur l’autel des principes ? Le sujet est complexe, et l’entretien de ce soir pourrait bien éclairer certains zones grises.
. »Ce que cette libération change (ou pas)
Sur le plan diplomatique, on sent un léger dégel. Le fait que l’Élysée salue publiquement la décision algérienne, tout en remerciant l’Allemagne, montre que tout le monde veut sauver la face. Mais les contentieux sont loin d’être réglés : visas, coopération sécuritaire, mémoire coloniale… Rien n’est simple.
Pour l’écrivain lui-même, c’est une renaissance. À 81 ans, avec un cancer à gérer, chaque jour compte. Va-t-il reprendre l’écriture immédiatement ? Préparer un livre sur cette année de prison ? On le saura peut-être ce soir.
Une chose est sûre : ce qu’il dira aura du poids. Pas seulement en France ou en Algérie, mais dans tout le monde arabe et au-delà. Parce qu’il incarne cette voix rare qui refuse à la fois l’islamisme radical et les nationalismes étouffants. Une voix dont on a cruellement besoin en ce moment.
Alors oui, on allumera la télé ce soir. Pas seulement pour entendre un témoignage émouvant, mais pour comprendre un peu mieux dans quel monde on vit. Et peut-être, qui sait, pour retrouver un peu d’espoir dans la capacité des mots à survivre aux barreaux.
Rendez-vous à 20 heures. Quel que soit votre camp, quel que soit votre rapport à l’Algérie ou à la liberté d’expression, ça vaut le coup d’écouter. Vraiment.
