Vous souvenez-vous de l’hiver 2005 ? Ce moment précis où une comédie musicale française a littéralement enflammé la scène et les charts pendant des mois ? Moi oui. J’avais quinze ans, et la voix d’Emmanuel Moire dans « Être à la hauteur » tournait en boucle sur mon baladeur. Vingt ans plus tard, le voilà qui renfile les collants blancs et le gilet brodé d’or. Et quelque part, c’est comme si le temps s’était plié en deux.
Je l’ai vu, il y a quelques jours, lors des essayages costumes. Il se regarde dans la glace, ajuste une manche, éclate de rire tout seul. L’émotion est là, brute, sans filtre. On sent que ce n’est pas juste un retour commercial. C’est une boucle qui se boucle, un cercle qui se referme avec douceur.
Un rôle qui ne l’a jamais vraiment quitté
Louis XIV, c’était lui. Pas seulement un personnage. Une révélation. À 24 ans, Emmanuel Moire sortait de l’ombre pour devenir une star en une saison. Les chansons écrites sur mesure, la chorégraphie millimétrée, les costumes somptueux… Tout collait. Et pourtant, il avait failli ne jamais tenter l’aventure.
« J’ai hésité longtemps », confie-t-il aujourd’hui. « J’étais chanteur, pas comédien. Jouer un roi, danser avec une perruque, porter des talons… ça me terrorisait. » Et puis il a dit oui. Et la France entière a dit waouh.
« Il n’y a rien d’ancien ici, seulement moi. »
Emmanuel Moire, face au miroir, novembre 2025
Cette phrase, il l’a prononcée presque pour lui-même. Et elle résume tout. Le décor change, les danseurs sont nouveaux, les arrangements légèrement modernisés… mais l’homme, lui, porte en lui vingt années de vie, de combats, de victoires et de blessures. C’est ce qui rend ce retour si poignant.
Le costume : plus qu’un bout de tissu
Quand il enfile le gilet bleu ciel brodé de fils dorés, c’est un choc. Le tissu est neuf, plus léger, adapté aux exigences d’aujourd’hui. Mais la coupe est fidèle, presque à l’identique. Les équipes ont ressorti les patrons originaux, les photos d’époque, les vidéos. Tout y est.
Seul détail qui trahit le temps qui passe : Emmanuel Moire, lui, a pris quelques muscles. « J’ai dû faire reprendre les épaules », plaisante-t-il. « À 25 ans j’étais un brin filiforme. Là, disons que la vie m’a un peu rempli. »
- Le gilet bleu clair iconique, brodé main
- La chemise blanche à lacets, plus fluide qu’en 2005
- Les collants blancs (oui, toujours eux)
- La perruque longue, légèrement allégée pour le confort
- Les chaussures à talons… mais avec semelles modernes anti-dérapantes
Petite confidence : il a gardé un bout du costume original. Une petite bande de tissu bleu qu’il glisse dans la poche intérieure à chaque représentation. Un porte-bonheur. Une madeleine de Proust en soie.
Une troupe neuve, une énergie différente
Évidemment, la distribution a changé. Merwan Rim, Victoria, Anne-Laure Girbal, Christophe Maé, Lysa Ansaldi… ils ont tous suivi leur chemin. Certains viendront sans doute saluer en guests, mais la nouvelle génération prend le relais.
Et c’est peut-être ça le plus beau. Voir des artistes de 20-25 ans découvrir ces chansons comme on découvrait un trésor. Ils n’ont pas connu l’hystérie de 2005-2007. Pour eux, « Tant qu’on rêve encore » n’est pas un souvenir, c’est une partition neuve.
Emmanuel, lui, joue le grand frère. Il corrige une posture, donne un conseil de respiration, raconte une anecdote. On sent qu’il transmet. Pas juste un rôle, mais une histoire.
Pourquoi maintenant ? La vraie raison
On pourrait penser que c’est purement nostalgique. Que les producteurs ont vu l’opportunité de remplir les salles avec un classique indémodable. Bien sûr, il y a de ça. Mais ce n’est pas que ça.
Emmanuel Moire a traversé beaucoup de choses ces vingt dernières années. La perte de son frère jumeau, les doutes, les albums plus confidentiels, le coming out, la reconstruction. Reprendre Louis XIV aujourd’hui, c’est aussi reprendre la main sur son histoire.
« Ce rôle m’a donné confiance à une époque où je n’en avais pas beaucoup », explique-t-il. « Le retrouver maintenant, c’est comme dire merci à ce jeune homme que j’étais. Et lui dire : regarde, on a tenu bon. »
Ce qui change (et ce qui ne changera jamais)
Les puristes seront rassurés : les chansons phares sont intactes. « Je fais de toi mon essentiel », « S’aimer est interdit », « La vie passe »… tout y est. Quelques arrangements ont été légèrement lissés, la sono modernisée, les lumières LED remplacent les projecteurs d’époque. Mais l’âme reste.
Ce qui évolue surtout, c’est le regard. En 2005, on racontait un jeune roi conquérant. En 2025, Emmanuel Moire apporte la maturité d’un homme qui a vécu. Ses silences sont plus lourds, ses regards plus profonds. Louis XIV n’a plus vingt ans. Et c’est magnifique.
Et nous, spectateurs, qu’est-ce qu’on vient chercher ?
Moi je vais vous dire la vérité : on vient chercher l’enfance. Ces soirées où on chantait à tue-tête dans sa chambre, ces premières émotions amoureuses sur fond de « Contre ceux d’en haut ». On vient se rappeler qu’on a été jeunes, insouciants, que la vie nous semblait immense.
Mais on vient aussi voir un artiste au sommet de son art, qui assume pleinement son parcours. Un homme qui n’a plus rien à prouver et qui, pourtant, donne tout.
« Je ne rejoue pas le passé. Je le célèbre. »
Cette phrase, il l’a répétée plusieurs fois pendant les répétitions. Et je crois qu’elle résume parfaitement ce que sera ce spectacle : une fête. Pas une résurrection poussiéreuse, mais une célébration joyeuse, vivante, émouvante.
Alors oui, le 4 décembre au Dôme de Paris, il y aura des larmes. Dans la salle et probablement sur scène aussi. Mais il y aura surtout beaucoup, beaucoup d’amour. Parce que vingt ans après, Le Roi Soleil brille toujours. Et Emmanuel Moire, plus que jamais, est à la hauteur.
Rendez-vous pris. Et quelque part, j’ai déjà hâte de réentendre cette phrase, en live, après le final : « Le roi soleil… se couche à l’horizon… » Cette fois, on saura tous que ce n’est pas vraiment un adieu.
