Il y a des soirs où la vie bascule en quelques secondes. Un anniversaire, des rires, des ados qui marchent le long d’une route pour rentrer ou rejoindre quelqu’un. Et puis plus rien. Juste le silence assourdissant qui suit le choc.
Samedi, en fin d’après-midi, dans le petit village de Saint-Brès dans le Gard, deux garçons de 15 ans ont perdu la vie de la façon la plus brutale qui soit. Une voiture les a percutés alors qu’ils étaient à pied, tout près d’un restaurant où ils venaient de fêter un anniversaire en famille. Et comme si le destin s’acharnait, le père de l’un d’eux, arrivé sur place après l’alerte, a été à son tour violemment percuté par un autre véhicule.
Un drame qui glace le sang d’une commune entière
Reprenons depuis le début, calmement, même si rien dans cette histoire ne l’est.
Il est un peu plus de 18 h 30. La nuit tombe vite en cette fin novembre. Deux adolescents, tous deux âgés de 15 ans et originaires de Saint-Ambroix, quittent le restaurant où ils ont passé l’après-midi avec leurs proches. Peut-être qu’ils marchent sur le bord de la RD 904, cette départementale qui traverse la commune et qu’on emprunte sans vraiment y penser. C’est une route qu’on connaît par cœur quand on habite là. Et pourtant.
Un 4×4 surgit. Le choc est terrible. Les deux garçons n’ont aucune chance. Les pompiers, arrivés très vite, ne pourront que constater leur décès sur place. Deux vies fauchées en un instant.
Et puis le second drame, presque irréel
Quand la nouvelle circule – et dans une petite commune, elle circule à la vitesse de l’éclair –, le père de l’un des adolescents se précipite sur les lieux. On imagine l’état d’esprit : la panique, le cœur qui cogne, l’espoir fou que ce soit une erreur.
Il arrive. Les secours sont déjà là, les gyrophares balaient la nuit. Et là, un autre véhicule le percute à son tour. Âgé d’une cinquantaine d’années, il souffre de multiples traumatismes. Transporté en urgence à l’hôpital d’Alès, son pronostic vital n’est heureusement pas engagé, mais l’homme est gravement touché.
Trois autres personnes, présentes sur place, seront également prises en charge pour des examens. Le choc psychologique, déjà immense, devient indescriptible.
« On a du mal à réaliser qu’une tragédie de ce niveau-là puisse se passer alors que c’était une rencontre festive et familiale. »
Le maire de Saint-Brès, encore sous le choc
Une route banalement dangereuse
La RD 904, ce n’est pas une autoroute. Ce n’est même pas une nationale à grande circulation. C’est une départementale comme il y en a des centaines en France : deux voies, un peu de trafic le soir, des riverains qui la connaissent par cœur et qui, parfois, baissent un peu la garde.
Mais quand la nuit tombe, quand il y a du brouillard ou simplement quand la vigilance baisse d’un cran, ces routes deviennent des pièges. Pas d’éclairage partout, pas toujours de trottoir, des vitesses parfois excessives. J’ai moi-même grandi près d’une départementale comme celle-ci. On se dit toujours « ça n’arrive qu’aux autres ». Jusqu’au jour où ça arrive chez soi.
L’enquête en cours : éclairage, vitesse, alcool ?
À l’heure où j’écris ces lignes, les gendarmes sont toujours sur place et l’enquête ne fait que commencer. Plusieurs axes classiques dans ce genre de drame :
- La vitesse du ou des véhicules impliqués
- L’état des conducteurs (alcool, stupéfiants, fatigue)
- Les conditions de visibilité (éclairage public déficient ? brouillard ?)
- Le respect ou non du code de la route par les piétons (même si, soyons clairs, deux ados qui marchent près d’un resto après un anniversaire, on voit mal en quoi ils auraient pu être « en tort » au point de mériter ça)
- Le deuxième accident : simple malchance ou conséquence directe du chaos créé par le premier ?
On saura sans doute dans les prochains jours. Mais une chose est sûre : deux familles sont détruites, et toute une commune porte le deuil.
Quand une fête d’anniversaire devient un cauchemar collectif
Ce qui rend ce drame encore plus insoutenable, c’est le contraste. Un anniversaire. Des gamins de 15 ans qui rigolent, qui mangent trop de gâteau, qui font des selfies débiles. Des parents heureux de voir leurs enfants grandir. Et en une fraction de seconde, tout s’effondre.
Je ne peux pas m’empêcher de penser aux autres enfants présents. À ceux qui ont vu, ou entendu, ou qui ont compris trop tard. À la mère qui a peut-être appelé son fils dix fois sans réponse. Aux frères et sœurs qui ne comprendront jamais vraiment pourquoi.
Et puis il y a ce père. Se rendre sur les lieux de l’accident de son propre enfant et se faire percuter à son tour… Il y a des scénarios qu’on n’ose même pas imaginer dans les films les plus noirs.
La sécurité routière, encore et toujours
Chaque année en France, des centaines de piétons meurent sur les routes. Beaucoup sont des jeunes. Beaucoup sont sur des routes qu’ils empruntent tous les jours.
On parle souvent des grands axes, des autoroutes, des conducteurs alcoolisés la nuit. Mais la majorité des drames se passent comme ça : sur une départementale, un soir d’hiver, à l’heure où on rentre tranquillement.
Alors oui, on reparlera de gilets réfléchissants, de bandes podotactiles, d’éclairage, de limitations de vitesse à 80 ou 70 km/h. On reparlera des conducteurs qui regardent leur téléphone trente secondes de trop. Mais ce soir, dans le Gard, aucune mesure n’aurait ramené ces deux garçons.
Un village sous le choc
Le maire l’a dit simplement : c’est un traumatisme pour toute la commune. Saint-Brès, Saint-Ambroix, les villages alentour… Tout le monde se connaît, ou presque. Les deux adolescents étaient scolarisés localement. Leurs copains, leurs profs, les voisins : personne ne sera épargné.
Dans les prochains jours, il y aura sans doute une marche blanche. Des cellules d’écoute psychologique au collège. Des fleurs déposées au bord de la route. Des messages sur les réseaux sociaux. Et puis le silence, lourd, qui s’installe quand les caméras s’en vont.
Mais ce silence-là, il dure des années.
Ce soir, deux familles pleurent leurs enfants. Un père se bat à l’hôpital. Et quelque part, deux conducteurs vivent probablement l’enfer de savoir ce qu’ils ont provoqué, volontairement ou non.
Il n’y a rien à ajouter. Juste à penser très fort à eux. Et peut-être, demain, à lever un peu plus le pied sur ces routes qu’on croit si bien connaître.
Reposez en paix, les gars.
