Vous savez ce qui me frappe à chaque fois que je passe devant la mairie de Nanterre ? Cette impression que le temps s’est arrêté aux années 70. Les immeubles, les fresques, l’ambiance… Tout crie encore « banlieue rouge ». Et pourtant, en 2025, beaucoup d’habitants ont le sentiment que la flamme s’est éteinte depuis longtemps. C’est exactement là qu’intervient Nicolas Huyghe.
Un développeur informatique de 55 ans, père de famille, pas vraiment le profil du révolutionnaire barbu qu’on imagine parfois. Et pourtant, c’est lui qui a décidé de porter les couleurs de la France insoumise aux municipales de mars 2026. Son ambition ? Rien moins que redonner à Nanterre ce qu’il appelle la « vraie gauche ».
Nanterre, l’ex-bastion qui a changé sans le dire
Quand on parle de Nanterre, on pense immédiatement aux grandes heures du Parti communiste. Des maires qui ont marqué des générations, des cités construites pour loger les ouvriers, une identité politique taillée dans le granit. Sauf que, doucement mais sûrement, la ville a glissé vers autre chose.
Aujourd’hui, le maire sortant est souvent perçu – même par une partie de ses électeurs – comme un social-démocrate classique. Gestion pragmatique, compromis avec l’État, partenariats public-privé… Tout ce que la gauche historique dénonçait autrefois. Et c’est précisément ce virage qui ouvre, selon les Insoumis, un boulevard.
Les chiffres qui donnent le sourire aux Insoumis
Regardons les faits. En 2022, lors de la présidentielle, le candidat de la France insoumise a réalisé des scores très solides dans certaines cités de Nanterre. Des quartiers où, autrefois, le PCF faisait 70 %, le vent a tourné. Puis les européennes de 2024 ont confirmé la tendance : la liste menée par Manon Aubry a parfois dépassé les 30 % localement.
Pour Nicolas Huyghe, c’est la preuve que les habitants n’ont pas oublié ce que signifie être de gauche. Ils seraient simplement déçus par ceux qui ont abandonné les combats historiques au profit d’une gestion jugée trop tiède.
« Les gens ne veulent plus de promesses en l’air. Ils veulent qu’on parle pouvoir d’achat, services publics, écologie populaire. Et surtout qu’on le fasse vraiment. »
Nicolas Huyghe, tête de liste LFI à Nanterre
Un candidat qui sort du cadre habituel
Ce qui rend l’histoire intéressante, c’est aussi le profil du bonhomme. Pas un apparatchik, pas un élu sortant qui change d’étiquette. Un vrai militant de terrain qui bosse dans le privé, code toute la journée dans une banque, et consacre ses soirées et week-ends à construire sa liste.
Il le dit lui-même : il n’a pas fait Sciences Po, il n’a pas de carte dans plusieurs partis. Juste la conviction que la politique peut encore servir à quelque chose quand elle reste fidèle à ses idées. Et dans une ville où beaucoup d’élus traînent depuis trente ans, ça change.
- Un discours qui tape fort sur la spéculation immobilière qui chasse les classes populaires
- La défense acharnée des services publics de proximité (crèches, écoles, centres de santé)
- Une écologie ancrée dans le quotidien : isolation des immeubles des années 60, transports gratuits
- Et surtout, l’idée que la mairie doit redevenir un bouclier social
Une bataille qui dépasse largement Nanterre
Soyons honnêtes : ce qui se joue ici n’est pas qu’une élection locale. C’est un test grandeur nature pour la stratégie de la France insoumise dans les anciennes forteresses communistes. Si la liste Huyghe passe la barre des 10 % au premier tour, ça enverra un signal fort. Si elle crée la surprise au second… ce sera un séisme.
Car Nanterre, c’est un peu le laboratoire de la gauche française depuis un siècle. Ce qui y réussit finit souvent par essaimer ailleurs. Et inversement. Rappelez-vous 2001, quand le PCF avait déjà perdu la ville après des décennies de règne. Vingt-cinq ans plus tard, l’histoire pourrait bégayer, mais avec un autre acteur.
Ce que j’observe sur le terrain, c’est que le débat gauche « radicale » versus gauche « de gouvernement » n’a jamais été aussi vif. Et Nanterre risque d’en devenir le théâtre principal dans les mois qui viennent.
Les obstacles ne manquent pas
Évidemment, rien n’est joué. Le maire sortant dispose d’une machine bien rodée, d’alliances solides, et surtout de la légitimité du bilan – même contesté. Les Verts locaux hésitent encore sur la stratégie. Le Parti communiste, affaibli mais toujours présent, regarde la situation avec méfiance.
Et puis il y a la question classique : est-ce que les scores nationaux de Mélenchon se traduiront vraiment dans les urnes municipales ? Passer de 40 % chez les jeunes lors d’une présidentielle à une majorité au conseil municipal, il y a un monde.
Mais c’est peut-être là que Nicolas Huyghe joue son va-tout : en pariant que les gens en ont assez des grandes messes nationales et veulent enfin une gauche qui parle de leur loyer, de leur cantine, de leur bus qui ne passe plus.
Ce que ça nous dit de la gauche en 2025
Franchement, suivre cette campagne naissante est passionnant. Parce qu’elle cristallise tous les débats qui traversent la gauche depuis dix ans. Qui incarne vraiment le camp du peuple ? Ceux qui gèrent les villes depuis toujours, ou ceux qui refusent les compromis ?
Ce qui est sûr, c’est que Nanterre ne sera plus tout à fait la même après mars 2026. Soit la ville reste sur la ligne sociale-démocrate qui est la sienne depuis vingt-cinq ans. Soit elle bascule vers une gauche plus offensive, plus clivante aussi, mais qui parle à une partie de la population qu’on n’entend plus beaucoup dans les conseils municipaux.
Et quelque part, c’est ça qui rend cette élection excitante. Pas juste une histoire de personnes ou de petites phrases. Mais un vrai choix de société, à l’échelle d’une ville de 100 000 habitants.
Alors oui, on peut sourire en voyant un développeur informatique se rêver en successeur des grands maires communistes. Mais quand on regarde les scores, les réunions qui remplissent les salles, les jeunes qui s’engagent… on se dit que, peut-être, l’histoire n’est pas finie.
Et vous, vous en pensez quoi ? La « vraie gauche » a-t-elle encore une chance de reprendre des mairies comme Nanterre ? Ou est-ce que le pragmatisme a définitivement gagné ? Les mois qui viennent vont être passionnants à suivre.
En attendant, une chose est sûre : en mars 2026, Nanterre ne sera pas une élection comme les autres. Et Nicolas Huyghe, avec son franc-parler et ses convictions chevillées au corps, risque bien de nous rappeler que la politique locale peut encore faire rêver. Ou du moins, faire bouger les lignes.
