Vous imaginez, vous, un ancien chef d’État en train de s’acharner au beau milieu de la nuit sur son bracelet électronique avec un fer à souder ? Franchement, quand j’ai lu ça, j’ai d’abord cru à une blague. Et puis non. C’est bien réel, et ça concerne Jair Messias Bolsonaro, 70 ans, ex-président du Brésil.
L’histoire est presque trop grosse pour être vraie, mais elle résume parfaitement le chaos dans lequel s’enfonce l’ancien capitaine depuis sa défaite en 2022. Un mélange de défi permanent envers la justice, de santé fragile et, disons-le, d’une certaine perte de contrôle.
Le geste fou qui a tout fait basculer
Tout commence dans la nuit de vendredi à samedi dernier. Bolsonaro, assigné à résidence depuis août avec ce fameux bracelet GPS à la cheville, se réveille en sueur. Il dira plus tard avoir ressenti une « certaine paranoïa » – ce sont mots exacts – à cause des médicaments qu’il prend. Et là, au lieu d’appeler son avocat ou simplement d’attendre le matin, il attrape un fer à souder.
Objectif ? Faire fondre ou sectionner l’appareil qui le géolocalise 24h/24. Le genre de plan qui semble sorti d’un mauvais film d’espionnage des années 80. Sauf que le bracelet est conçu pour résister à ce genre d’attaque. Résultat : alarme déclenchée, police fédérale devant la porte en quelques heures, et hop, direction la détention provisoire.
« J’ai ressenti une certaine paranoïa entre vendredi et samedi due aux médicaments (…) et j’ai décidé alors, avec un fer à souder de manipuler le bracelet électronique. »
Extrait de la déclaration de Jair Bolsonaro à la justice
Quand on lit ça, on oscille entre stupeur et pitié. L’homme qui se présentait comme le sauveur incorruptible du Brésil en arrive à bricoler son propre dispositif de surveillance comme un adolescent qui tente de désactiver le contrôle parental.
Pourquoi la justice a-t-elle réagi aussi vite ?
Le juge en charge du dossier n’a pas hésité une seconde. Motif officiel : risque imminent de fuite. Et il faut reconnaître qu’il y a de quoi être inquiet.
Depuis des mois, Bolsonaro répète qu’il ne fera jamais de prison ferme, qu’il préfère « mourir » plutôt que d’être enfermé, qu’il dispose de « plans B ». Ajoutez à cela ses liens toujours très forts avec une partie de l’armée et des milices bolsonaristes, et vous comprenez pourquoi la Cour suprême a préféré jouer la sécurité.
- Bracelet endommagé = plus de géolocalisation fiable
- Antécédents de discours appelant à la désobéissance civile
- Refus répété de reconnaître la légitimité des institutions
- Condamnation récente à 27 ans de prison confirmée
Le cocktail était explosif. La détention provisoire était devenue inévitable.
Rappel : pourquoi porte-t-il un bracelet depuis août ?
Revenons un peu en arrière pour ceux qui auraient raté quelques épisodes. En septembre dernier, Bolsonaro a été condamné à 27 ans de prison pour avoir dirigé une organisation criminelle visant à renverser les institutions après sa défaite face à Lula en octobre 2022.
Les faits reprochés sont lourds : tentative de coup d’État militaire, préparation d’assassinat de Lula et du juge Alexandre de Moraes, falsification de certificats de vaccination Covid, et surtout l’assaut du 8 janvier 2023 sur les trois pouvoirs à Brasília – l’équivalent brésilien du 6 janvier américain, en bien plus violent.
Depuis, la Cour suprême (STF) serre la vis. Interdiction de quitter le pays, remise du passeport, assignation à résidence avec bracelet électronique… Et maintenant, prison préventive en attendant les prochains procès.
La santé mentale, le nouvel argument de la défense
Ce qui frappe dans cette affaire du fer à souder, c’est la justification avancée : la paranoïa médicamenteuse. Les avocats de Bolsonaro insistent désormais sur son état de santé. Opérations à répétition depuis l’attentat au couteau de 2018, dépendance aux antidouleurs, troubles du sommeil, dépression…
Est-ce une stratégie pour attendrir les juges et obtenir un régime de détention allégé ? Probablement. Mais ça marche mal. La justice brésilienne, sous l’impulsion du juge Alexandre de Moraes – que Bolsonaro traite régulièrement de « dictateur » – ne semble pas prête à lâcher du lest.
Et franchement, quand on voit le passif, on comprend. L’homme a passé quatre ans à attaquer frontalement les institutions, à menacer les juges, à appeler l’armée à intervenir. La patience a des limites.
Et maintenant ? Vers une prison définitive ?
La détention provisoire peut durer plusieurs mois, le temps que la Cour suprême statue sur les nombreux autres dossiers en cours (abus de pouvoir économique, blanchiment, faux en écriture, etc.).
En parallèle, ses soutiens les plus radicaux appellent déjà à manifester, voire à « libérer le président ». On a vu ce que ça a donné en janvier 2023. Les autorités sont sur les dents.
Ce qui est sûr, c’est que l’image du mythe Bolsonaro – cet homme fort, inébranlable, qui résistait à tout – vient d’en prendre un sérieux coup. Se voir réduit à attaquer son bracelet avec un fer à souder dans un accès de panique nocturne… C’est presque tragique.
Une chute qui résonne bien au-delà du Brésil
Cette séquence dit beaucoup sur la fin de cycle du populisme autoritaire version années 2020. On l’a vu avec Trump, on le voit avec Bolsonaro : quand le récit du « homme fort » se fissure, la descente peut être brutale.
Au Brésil, des millions de personnes restent convaincues qu’il est victime d’une persécution politique. Pour d’autres – la majorité silencieuse, semble-t-il – c’est simplement la fin logique d’un parcours marqué par le mépris des règles démocratiques.
Quoi qu’on pense de l’homme, une chose est certaine : cette image d’un ex-président en train de griller son bracelet électronique au fer à souder restera. Elle dit tout du personnage. De la hubris à la panique, en passant par le déni. Une page se tourne, et elle se tourne mal.
Et quelque part, c’est peut-être mieux ainsi. Les démocraties ont besoin qu’on leur rappelle parfois que personne n’est au-dessus des lois. Même pas celui qui se rêvait en nouveau messie tropical.
(Article mis à jour le 23 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
