Il y a des tournées qui marquent plus par ce qui se passe en dehors du terrain que par les scores eux-mêmes. Novembre 2025 restera sans doute de celles-là pour le XV de France. Quand Maxime Lucu prend la parole, quelques heures après avoir soulevé le trophée face à l’Australie, on sent immédiatement que le demi de mêlée n’est pas là pour enrober les choses. Il parle cash, avec cette franchise qu’on apprécie chez les gars du Sud-Ouest. Et franchement, ça fait du bien.
Une tournée en trois actes, trois ambiances
Trois matchs, trois visages. Voilà peut-être la phrase qui résume le mieux ce mois de novembre. Une raclée historique contre les Springboks, une victoire poussive face à des Fidji pourtant diminués, et enfin une explosion offensive contre les Wallabies. 48-33, ça fait plaisir à voir sur le papier. Mais quand on gratte un peu, on se rend compte que tout n’a pas été aussi rose qu’on veut bien le dire.
La claque sud-africaine qui a tout déclenché
Revenons au début. Le match contre l’Afrique du Sud, c’était violent. Pas seulement physiquement – même si on a pris cher – mais surtout dans les têtes. 17-32 à domicile, face aux champions du monde en titre, ça calme. Maxime Lucu ne tourne pas autour du pot : oui, il y a eu un sentiment d’impuissance. Oui, on s’est senti petits par moments.
« On savait qu’ils allaient nous rentrer dedans, mais on n’a pas su répondre présent assez longtemps. »
Maxime Lucu, avec cette sincérité qui désarme
Ce qui a fait le plus mal ? L’impression que l’équipe championne du monde 2023 n’existe plus vraiment. La défense, jadis infranchissable, a pris l’eau. L’indiscipline – encore et toujours – a offert des pénalités par paquets de six. Et surtout, l’absence d’Antoine Dupont a semblé peser plus lourd que prévu. Pas parce que Lucu ou les autres ne sont pas capables, mais parce que le rugby de haut niveau ne pardonne aucune baisse de régime, même minime.
Les débats internes : « Ça a chauffé »
Et là, on touche au cœur du sujet. Ce que beaucoup attendaient sans oser le demander : qu’est-ce qui s’est réellement passé dans le groupe après cette défaite ? Maxime Lucu lâche la bombe sans trembler.
« On a eu des discussions houleuses. Vraiment. On s’est tout dit. »
Traduction : ça a crié, ça a tapé du poing sur la table, ça a pleuré aussi peut-être. Des mots durs ont été prononcés. Des vérités qu’on n’aime pas entendre quand on porte le coq sur la poitrine. Parce que quand tu perds à ce niveau-là, tu ne peux pas te cacher derrière des « on a fait un bon match malgré tout ». Non. Il faut regarder le mur en face.
J’ai trouvé ça plutôt sain, personnellement. Dans une équipe qui vise le toit du monde en 2027, ces moments de tension sont nécessaires. Mieux vaut exploser en novembre 2025 que lors d’un quart de finale de Coupe du monde. Lucu le dit lui-même : ces échanges, aussi rudes soient-ils, ont permis de remettre pas mal de choses à plat.
Le tournant fidjien : victoire, mais à quel prix ?
Le match suivant contre les Fidji aurait dû être une promenade de santé. Sur le papier, en tout cas. Dans les faits ? Une première mi-temps catastrophique, un score de parité à la pause, et cette sensation persistante qu’on pouvait basculer à tout moment. 34-21 au final, mais franchement, personne n’a jubilé dans les travées.
- Défense encore perméable sur les extérieurs
- Trop de pénalités concédées en mêlée
- Un jeu au pied parfois approximatif
- Mais surtout, une fébrilité mentale inquiétante
Pourtant, c’est peut-être ce match-là qui a tout changé. Parce qu’il a montré que même dans la difficulté, l’équipe était capable de se reprendre. Parce que les remplaçants ont apporté cette énergie qu’il manquait en début de partie. Et parce que, mine de rien, on a gagné.
L’explosion australienne : enfin le vrai visage ?
Et puis il y a eu ce dernier match. 48-33 contre l’Australie. Huit essais marqués, du mouvement, du spectacle. Louis Bielle-Biarrey qui marche sur l’eau, Thomas Ramos qui retrouve ses jambes de feu, Grégory Alldritt qui termine enfin à son niveau. On a vu des bouts du XV de France qu’on aime. Celui qui fait peur à tout le monde.
Mais attention. Maxime Lucu tempère l’enthousiasme – et il a raison. Oui, c’était beau. Oui, ça fait du bien au moral. Mais non, on n’a pas tout réglé en un match. La défense a encore pris 33 points. L’indiscipline était toujours là. On a gagné en jouant beaucoup, mais on a aussi laissé beaucoup d’espaces.
Maxime Lucu dans le costume de patron
Ce qui frappe dans cette tournée, c’est aussi la montée en puissance du Bordelo-Béglais. Titulaire sur les trois matchs, leader vocal, gestionnaire de crise. On l’a senti grandir à vue d’œil. Quand il parle aujourd’hui, on écoute. Pas seulement parce qu’il porte le numéro 9, mais parce qu’il incarne une forme de continuité dans un groupe en pleine transition.
Sans Antoine Dupont, il a dû prendre plus de place. Et il l’a fait. Pas toujours parfaitement – il le reconnaît lui-même – mais avec une envie et une détermination qui forcent le respect. Son association avec Matthieu Jalibert commence à ressembler à quelque chose de solide. Et ça, c’est une excellente nouvelle pour la suite.
Et maintenant ? Vers quel XV de France ?
La question qui brûle toutes les lèvres : où va ce groupe ? Maxime Lucu ne se mouille pas trop, mais il pose les bases. Il parle de travail, évidemment. De rigueur. De remise en question permanente. Il évoque aussi la nécessité de retrouver une identité défensive. Parce que marquer 48 points, c’est bien. Ne pas en prendre 33, ce serait mieux.
Le Tournoi des Six Nations arrive vite. Très vite. Et avec lui, des rendez-vous qu’on ne peut pas rater. L’Angleterre à Twickenham, l’Irlande à Dublin… Ce ne sera pas une partie de plaisir. Mais cette tournée, avec ses hauts très hauts et ses bas très bas, a peut-être permis de poser les bonnes fondations.
Personnellement, je retiens une chose : ce XV de France-là est vivant. Il souffre, il doute, il s’engueule, mais il avance. Et parfois, c’est exactement ce dont une grande équipe a besoin pour redevenir grande. Rendez-vous en février pour voir si les discussions houleuses de novembre ont porté leurs fruits.
En attendant, merci Maxime Lucu pour cette franchise. Dans un monde où tout le monde fait attention à ce qu’il dit, entendre un joueur parler vrai, ça fait un bien fou.
