Il est un peu plus de minuit quand le hurlement des sirènes déchire le silence de Kharkiv. Encore une fois. Et cette fois, les drones ne se contentent pas de survoler la ville : ils frappent en plein cœur des quartiers résidentiels. Quatre vies fauchées, dix-sept blessés, des familles entières qui se retrouvent sous les décombres de ce qui était, il y a quelques heures encore, leur maison.
Et pendant ce temps-là, à l’autre bout du continent, des diplomates en costume boivent du café dans un palace suisse en se félicitant d’avoir fait « d’énormes progrès » vers la paix.
Vous avez bien lu. Le contraste est tellement violent qu’on a du mal à y croire.
Kharkiv sous le feu : une nuit qui résume tout
Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine, n’a jamais vraiment connu le répit depuis février 2022. Située à quarante kilomètres seulement de la frontière russe, elle reste une cible privilégiée. Mais ce qui s’est passé dans la nuit du 23 au 24 novembre 2025 a quelque chose de particulièrement révoltant.
Les drones, probablement des Shahed de conception iranienne, ont visé trois immeubles d’habitation et une infrastructure civile. Pas de base militaire, pas de dépôt logistique. Juste des gens qui dormaient.
« Malgré les négociations, ils ont attaqué des immeubles d’habitation. »
Le maire de Kharkiv, juste après l’attaque
Cette phrase, brute, résume tout le cynisme de la situation. Parce que oui, pendant que les habitants de Kharkiv comptaient leurs morts, des discussions censées mettre fin à la guerre battaient leur plein.
Des frappes qui ne s’arrêtent jamais, vraiment jamais
Il faut se rendre compte : depuis des mois, la Russie bombarde presque quotidiennement l’Ukraine. Missiles, drones kamikazes, bombes planantes. Et les cibles civiles ne sont plus des « dommages collatéraux ». Elles font partie intégrante de la stratégie.
Je me souviens encore des images de l’hiver dernier : des Ukrainiens emmitouflés dans trois couches de vêtements à l’intérieur de leur appartement, parce que le réseau électrique avait été détruit. Cette année, on craint pire. Les infrastructures énergétiques restent la priorité numéro un des frappes russes.
- Centrales électriques pulvérisées
- Postes de transformation rasés
- Réseaux de chauffage coupés
- Hôpitaux fonctionnant sur générateurs
L’objectif ? Rendre l’hiver invivable et pousser la population à supplier pour la paix, peu importe le prix.
Et en parallèle… on négocie
Le même week-end, en Suisse, des responsables ukrainiens, américains et européens se sont retrouvés pour discuter du « plan Trump ». Un document qui, dans sa première version, avait fait bondir Kiev et les capitales européennes. Trop favorable à Moscou, disaient-ils.
Mais voilà, le nouveau secrétaire d’État américain s’est voulu rassurant. « Très optimiste », « énormes progrès », « accord très vite »… Les mots sont positifs. On parle même d’un possible cessez-le-feu avant la fin de l’année.
Alors pourquoi, dans ce cas, continuer à bombarder des civils ?
La réponse est malheureusement simple : pour négocier en position de force. Chaque immeuble détruit, chaque quartier plongé dans le noir, chaque mort civile est un argument supplémentaire sur la table des discussions. C’est odieux, mais c’est la réalité de cette guerre.
Le plan Trump : entre espoir et méfiance
Personne ne connaît encore les détails précis de la version corrigée du plan américain. Mais plusieurs points reviennent avec insistance :
- Un gel des lignes de front actuelles
- Une neutralité ukrainienne garantie
- Des garanties de sécurité (mais lesquelles ?)
- Une levée partielle des sanctions ?
Pour Kiev, accepter un tel accord reviendrait à entériner la perte de 20 % de son territoire. Pour Moscou, ce serait une victoire stratégique sans avoir à conquérir davantage.
Et pendant que les diplomates pèsent le pour et le contre, les drones continuent de voler.
Kharkiv, symbole d’une résistance qui ne plie pas
Ce qui frappe, quand on suit cette guerre depuis le début, c’est la capacité des habitants de Kharkiv à tenir. Malgré tout.
La ville a été à deux doigts de tomber au tout début de l’invasion. Les combats de rue ont été d’une violence inouïe. Et pourtant, elle est toujours là. Reconstruite par endroits, debout malgré les cicatrices.
Les habitants ont appris à vivre avec la « règle des deux murs » : quand l’alerte retentit, se mettre dans une pièce sans fenêtre ou entre deux murs porteurs. Une routine glaçante devenue ordinaire.
Un hiver qui s’annonce terrible
Avec les températures qui plongent déjà sous zéro dans l’est du pays, la destruction des infrastructures énergétiques prend une dimension dramatique.
On parle de coupures de courant pouvant atteindre 20 heures par jour dans certaines régions. Les écoles ferment, les hôpitaux tournent au ralenti, les personnes âgées meurent de froid.
Et pourtant, l’Ukraine riposte. Les drones ukrainiens frappent raffineries et dépôts de pétrole en Russie. Une guerre d’usure où chacun tente d’infliger à l’autre ce qu’il redoute le plus.
Et maintenant ?
La grande question, celle que tout le monde se pose : est-ce que ces négociations aboutiront vraiment ? Ou va-t-on assister à une énième répétition du scénario de Minsk, où les accords restent lettre morte pendant que les armes continuent de parler ?
Ce qui est sûr, c’est que chaque nouvelle frappe comme celle de Kharkiv rend la confiance plus difficile. Comment négocier avec quelqu’un qui bombarde des immeubles le soir même où il parle de paix ?
Il y a quelque chose de profondément dérangeant dans cette dualité. D’un côté, des discours apaisants et des poignées de main. De l’autre, des explosions et des corps sous les gravats.
Et au milieu, des millions d’Ukrainiens qui n’ont plus que leur courage pour tenir face à l’hiver et à la guerre.
Kharkiv, ce 24 novembre 2025, n’a pas seulement été bombardée. Elle a été rappelée à l’ordre, brutalement, que la paix reste encore très loin.
Et nous, de loin, on se demande combien de nuits comme celle-ci il faudra encore avant que les mots « cessez-le-feu » prennent enfin un sens.
