Imaginez un peu : vous êtes à deux doigts de devenir le maître incontesté du métal le plus convoité de la planète, celui sans lequel ni voiture électrique, ni éolienne, ni centre de données dernier cri ne peuvent fonctionner. Et puis, patatras, tout s’effondre. C’est exactement ce qui vient d’arriver au géant australien BHP avec son rêve de racheter le britannique Anglo American.
Ce lundi matin, le groupe a officiellement levé le drapeau blanc. Plus de fusion, plus de méga-groupe qui aurait contrôlé près d’un tiers de la production mondiale de cuivre. Fin de l’histoire ? Pas vraiment. Ce qui se joue derrière cet abandon est bien plus gros que deux entreprises qui n’ont pas réussi à s’entendre.
Le cuivre, l’or rouge de la transition énergétique
On en parle moins que du lithium ou du cobalt, mais le cuivre est en train de devenir la matière première la plus stratégique du XXIe siècle. Et franchement, quand on voit les chiffres, c’est presque effrayant.
Une voiture électrique, c’est environ 80 kg de cuivre contre 20 kg pour une thermique classique. Un parc éolien offshore ? Comptez 15 tonnes par éolienne. Et je ne vous parle même pas des data centers qui poussent comme des champignons pour nourrir l’intelligence artificielle : chaque nouveau centre avale des milliers de tonnes de ce métal rouge.
Résultat ? La demande explose littéralement. Les analystes estiment qu’il va falloir doubler la production mondiale d’ici 2035 juste pour suivre le rythme. Et pendant ce temps, les nouvelles mines se font rares – très rares.
« Le cuivre, c’est le nouveau pétrole. Celui qui contrôle les grandes mines contrôle une partie de la transition énergétique. »
– Un analyste spécialisé dans les matières premières
Pourquoi BHP voulait absolument Anglo American
Revenons un peu en arrière. BHP, c’est déjà le numéro 1 mondial de l’exploitation minière en valeur. Mais dans le cuivre, ils sont « seulement » troisième ou quatrième selon les années. Anglo American, lui, possède certaines des plus belles mines du planète, notamment au Chili et au Pérou.
En mettant la main dessus, l’australien aurait tout simplement écrasé la concurrence. On parle d’un groupe qui aurait produit plus de 2 millions de tonnes de cuivre par an – presque autant que le Chili tout entier, premier productiste mondial.
- Contrôle renforcé sur les prix
- Pouvoir de négociation énorme avec les industriels
- Capacité à arbitrer la production en cas de pénurie
- Et surtout : des marges astronomiques pendant des années
Bref, c’était le genre d’opération qui se fait une fois tous les trente ans dans le secteur.
Le caillou dans la chaussure : l’Afrique du Sud
Alors pourquoi tout a capoté ? La réponse tient en trois mots : Afrique du Sud.
Anglo American, c’est aussi un gros acteur du platine et du minerai de fer dans ce pays. Et BHP avait une idée bien précise : revendre ces activités pour ne garder que le cuivre. Problème : le gouvernement sud-africain a vu rouge. Perdre le contrôle d’actifs stratégiques ? Hors de question.
On se souvient de la première tentative en 2024 : déjà à l’époque, l’opération avait achoppé sur les mêmes obstacles. Cette fois, c’était la deuxième tentative en deux ans. Et visiblement, la troisième ne sera pas la bonne non plus.
Et pendant ce temps… Teck Resources avance ses pions
Le plus ironique dans l’histoire ? Pendant que BHP s’épuisait sur Anglo American, un autre acteur a discrètement pris la pole position : le canadien Teck Resources.
On parle moins d’eux, mais ils sont en train de monter une opération qui pourrait aboutir à un groupe tout aussi puissant. Et cette fois, les obstacles réglementaires semblent bien moins nombreux.
D’ailleurs, les marchés ont déjà commencé à parier : l’action Teck grimpe doucement mais sûrement depuis plusieurs semaines. Comme quoi, dans le monde des mines, celui qui attend trop finit souvent par regarder les autres manger le gâteau.
Qu’est-ce que ça change pour le marché du cuivre ?
Maintenant, la grande question : est-ce que cet abandon va faire baisser la pression sur les prix du cuivre ? Franchement, j’en doute fort.
Le métal rouge cote déjà à des niveaux records, autour de 10 000 dollars la tonne. Et tous les signaux sont au vert – ou plutôt au rouge cuivré – pour que ça continue :
- La Chine relance ses infrastructures électriques
- Les États-Unis investissent massivement dans les réseaux
- L’Europe pousse les renouvelables à fond
- Et l’IA ? Chaque nouveau centre de calcul consomme autant de cuivre qu’une petite ville
En réalité, cet échec de BHP pourrait même accentuer la tension. Sans consolidation majeure, chaque producteur va garder ses cartes en main et maximiser ses marges. Traduction : les prix risquent de rester très élevés très longtemps.
Et les petites mines dans tout ça ?
Il y a un autre effet collatéral intéressant : les petites et moyennes compagnies minières spécialisées dans le cuivre viennent de prendre une sacrée valeur.
Quand les géants ne parviennent pas à grossir par acquisition, ils finissent souvent par ouvrir le carnet de chèques pour des projets plus modestes. On risque donc de voir une vague de rachats de juniors mining dans les mois qui viennent – surtout au Chili, au Pérou et en Afrique.
Pour les investisseurs malins, c’est peut-être le moment de regarder du côté de ces petites pépites qui détiennent les gisements de demain.
Une stratégie qui change chez BHP ?
Du côté de BHP, on sauve la face en parlant de « croissance organique ». Comprendre : on va développer nos propres mines plutôt que d’acheter celles des autres.
C’est joli sur le papier, mais dans les faits ? Développer une grande mine de cuivre, ça prend 10 à 15 ans entre l’exploration et la première tonne extraite. Et pendant ce temps, la demande, elle, continue d’exploser.
Autant dire que l’abandon d’Anglo American laisse un goût amer au siège de Melbourne. Ils ont raté le train de la consolidation au pire moment possible.
Ce que nous apprend cette saga
À mon avis, cette histoire illustre parfaitement à quel point le monde des matières premières est en train de changer.
On n’est plus dans les années 2000 où les géants pouvaient se gober tout crus sans que personne ne dise rien. Aujourd’hui, chaque grande opération est scrutée à la loupe – par les gouvernements, par les ONG, par les actionnaires activistes.
Et surtout, les pays producteurs ont compris qu’ils avaient entre les mains des actifs bien plus stratégiques qu’avant. Le cuivre n’est plus une simple marchandise. C’est devenu un enjeu de souveraineté.
Le Chili l’a bien compris, qui taxe de plus en plus ses mines. L’Afrique du Sud aussi. Même la République démocratique du Congo commence à durcir le ton sur ses gisements.
Conséquence ? Les grandes fusions deviennent de plus en plus compliquées. Et les prix, eux, n’ont aucune raison de redescendre.
Et demain ?
Alors oui, BHP a perdu une bataille. Mais la guerre du cuivre, elle, ne fait que commencer.
Dans les cinq prochaines années, on va assister à une redistribution des cartes comme on n’en a jamais vu dans le secteur. Entre ceux qui parviendront à grossir malgré tout, ceux qui seront rachetés, et ceux qui disparaîtront purement et simplement.
Une chose est sûre : celui qui arrivera à sécuriser les grandes mines de cuivre des prochaines décennies aura gagné un ticket gagnant pour les trente prochaines années.
Et pour nous, simples mortels ? On va continuer à payer le prix fort. Dans nos factures d’électricité, dans le prix des voitures électriques, dans tout ce qui fait tourner le monde moderne.
Parce qu’au final, derrière chaque panneau solaire qui brille au soleil ou chaque serveur qui fait tourner ChatGPT, il y a des kilomètres de câbles. Et ces câbles, ils sont en cuivre.
Le métal rouge ne s’appelle pas l’or de la transition énergétique pour rien.
Et vous, vous attendiez-vous à cet abandon ? Ou pensiez-vous que BHP finirait par avoir gain de cause ? Dites-le moi en commentaire, j’ai vraiment hâte d’avoir vos avis sur cette saga qui n’est probablement pas terminée…
