Vous souvenez-vous de ce sentiment bizarre quand un lieu qu’on fréquentait depuis l’enfance ferme brutalement ses portes ? À Clermont-Ferrand, l’hypermarché Auchan Nord a laissé derrière lui un vide immense, 24 000 m² de béton et de souvenirs qui prenaient la poussière depuis mai dernier. Et puis, presque sans prévenir, tout bascule : le département vient de frapper un grand coup en préemptant le site. Ce n’est plus une rumeur, c’est acté. Le quartier nord va vivre une métamorphose totale.
Franchement, quand on habite la région ou qu’on y passe régulièrement, on mesure à quel point ce genre de friche peut plomber tout un secteur. Parkings déserts, enseignes qui s’éteignent, impression que le temps s’est arrêté. Et pourtant, c’est souvent dans ces moments-là que naissent les plus beaux projets de reconquête urbaine.
Un virage à 180° pour le nord de Clermont-Ferrand
Le conseil départemental du Puy-de-Dôme n’a pas fait les choses à moitié. Plutôt que de laisser le terrain aux mains du premier investisseur privé venu, il a décidé de reprendre la main. Objectif affiché : transformer cette énorme coquille vide en un pôle de services publics XXL qui réponde enfin aux besoins criants du quartier.
Et quand on parle de besoins, on ne parle pas de gadgets. On parle de choses concrètes qui changent la vie des habitants au quotidien.
Ce que le nouveau site va accueillir
Le projet est ambitieux, presque vertigineux quand on le détaille. Imaginez un peu :
- Un tout nouveau centre de secours pour les pompiers, avec des infrastructures modernes (le budget annoncé oscille entre 23 et 26 millions d’euros rien que pour ça)
- Une Protection maternelle et infantile (PMI) flambant neuve, alors que le quartier en était privé depuis trop longtemps
- Une maison des solidarités digne de ce nom, qui sortira enfin de ses locaux de location souvent trop exigus
- Et à terme, d’autres équipements publics qui viendront compléter l’ensemble
Le président du département l’a dit sans détour : « On ne peut plus laisser un îlot aussi stratégique à l’abandon. » Et il a raison. Quand un site est aussi bien desservi – à deux pas du tramway, au cœur d’un bassin de population important – le laisser végéter relève presque de la faute.
Pourquoi maintenant ? Le déclic de la fermeture
En réalité, le département y pensait depuis 2021. Il manquait cruellement de services publics dans le secteur nord. Les élus répétaient en boucle qu’il fallait agir. Et puis la fermeture brutale de l’hypermarché a tout accéléré. Parfois, il faut un électrochoc pour que les choses bougent vraiment.
Le préfet a immédiatement suivi, promettant le soutien de l’État via les dispositifs de rénovation urbaine. Le maire de Clermont-Ferrand, malgré ses nuances, salue l’initiative. Même l’opposition reconnaît que c’est une avancée majeure. On est loin des habituels clivages politiques stériles.
« Le secteur a besoin d’un projet urbain fort. La préemption sécurise enfin le foncier. »
Un élu local de premier plan
Le point sensible : l’offre alimentaire
Mais il y a un « mais », et il est de taille. Les habitants du quartier nord n’ont pas oublié que leur hypermarché était aussi – et surtout – leur grande surface alimentaire de proximité. Beaucoup craignent de se retrouver en désert commercial.
On entend déjà les remarques : « Super les pompiers, mais où je vais faire mes courses ? » C’est légitime. Quand on a des enfants, un budget serré et pas forcément de voiture, perdre son hyper devient un vrai casse-tête.
Initialement, un projet de supermarché alimentaire halal devait reprendre une partie des lieux. Ce n’est plus d’actualité, du moins sous la forme prévue. Le département a été clair : les éventuels commerces seront locataires, pas propriétaires. Le message est passé.
Cela dit, les élus assurent que tout n’est pas perdu. Il reste de la place dans la galerie nord pour accueillir une grande surface généraliste. Reste à savoir qui voudra tenter l’aventure et dans quelles conditions.
Combien ça coûte et quand verra-t-on les premiers travaux ?
Le foncier a été préempté pour 4,2 millions d’euros – un montant validé par les services de l’État. C’est presque une aubaine quand on pense à la surface et à l’emplacement.
Pour le calendrier, soyons honnêtes : personne ne veut s’avancer trop. Les actes notariés ne sont pas encore signés. Tant qu’on n’est pas officiellement propriétaire, difficile de lancer les engins. Mais l’urgence est là. Certains services publics ne peuvent plus attendre.
Ce qui est sûr, c’est que le projet se fera en plusieurs phases :
- Finalisation de l’acquisition
- Études urbaines et concertation
- Démolition/restructuration partielle
- Construction du centre de secours (priorité absolue)
- Installation progressive des autres services
On parle d’une transformation sur huit hectares. Huit hectares ! Ce n’est pas un simple rafistolage de façade, c’est une refonte complète d’un morceau de ville.
Ce que ça dit de notre époque
Derrière cette opération, il y a une tendance de fond qu’on observe un peu partout en France : les collectivités reprennent la main sur les grandes friches commerciales. Finies les années où on laissait le privé faire n’importe quoi avec des mètres carrés stratégiques.
Aujourd’hui, on veut des projets mixtes, utiles, qui répondent aux besoins réels des habitants. Services publics, commerces de proximité, espaces verts, logements peut-être… L’idée, c’est de recréer du lien là où il s’était distendu.
Et puis il y a cette volonté – enfin ! – de penser l’urbanisme à l’échelle humaine. Un site accessible en tram, proche des habitations, qui va regrouper des services qu’on avait éclatés aux quatre coins de l’agglomération. Ça change tout pour les familles, les seniors, les personnes en difficulté.
Et les habitants dans tout ça ?
On parle beaucoup des élus, des budgets, des mètres carrés. Mais au bout du compte, ce sont les Clermontois du nord qui vivront (ou pas) avec ce nouveau visage de leur quartier.
Certains sont ravis : « Enfin quelque chose de concret ! » D’autres tempèrent : « C’est bien beau, mais il faut que ça aille vite. » Beaucoup insistent sur l’offre alimentaire : « On veut bien des pompiers, mais il nous faut aussi un magasin accessible à tous. »
Le défi, maintenant, c’est d’associer vraiment les habitants à la suite du projet. Pas juste une concertation de façade, mais une vraie co-construction. Parce que personne ne connaît mieux le quartier que ceux qui y vivent tous les jours.
Un modèle à suivre ailleurs ?
Ce qui se passe à Clermont-Ferrand n’est pas isolé. Partout en France, des hypermarchés des années 70-80 ferment les uns après les autres. Trop grands, trop énergivores, inadaptés aux nouvelles habitudes de consommation. Chaque fermeture laisse une cicatrice dans le paysage urbain.
Mais chaque cicatrice peut devenir une opportunité. Le cas d’Auchan Nord pourrait bien faire école : préemption rapide, vision d’ensemble, priorité aux services publics tout en préservant (on l’espère) une offre commerciale. C’est le genre de recette dont beaucoup de villes moyennes ont besoin.
Et si Clermont montrait la voie ? Après tout, la ville a déjà prouvé qu’elle savait se réinventer – regardez ce qui se passe sur les anciennes pistes Michelin. Il y a une forme d’audace auvergnate qui commence à payer.
Alors oui, le chemin sera long. Oui, il y aura des ajustements, peut-être des tensions. Mais pour la première fois depuis longtemps, le quartier nord a une perspective. Pas juste un pansement sur une plaie ouverte, mais un vrai projet de renaissance.
Et ça, franchement, ça fait du bien.
