Vous souvenez-vous de l’époque où adopter un budget ressemblait à une formalité un peu barbante avant les fêtes ? Moi non plus. Ce lundi matin, depuis l’Hôtel de Matignon, le Premier ministre a pris la parole avec cette voix calme mais ferme qu’on commence à bien connaître. Et franchement, ça sentait la poudre.
Il n’a pas mâché ses mots. Certains partis, selon lui, jouent un jeu dangereux : bloquer pour bloquer, sans proposer d’alternative crédible. Le mot cynisme est tombé plusieurs fois. Et pourtant, au milieu de cette charge, il a glissé une phrase qui a fait tilt : il croit encore à une majorité possible à l’Assemblée. Vraiment ? Après le rejet cinglant du texte il y a quelques jours ? Allons voir ça de plus près.
Une sortie qui change la donne
Il était un peu plus de 11 heures quand Sébastien Lecornu s’est présenté devant les journalistes. Pas de grand discours écrit d’avance, plutôt un « point de compréhension », comme il l’a appelé. Traduction : j’ai des choses à dire, et ça ne va pas plaire à tout le monde.
Le contexte, on le connaît par cœur maintenant. Le projet de loi de finances 2026 a été rejeté à l’Assemblée nationale. Direction le Sénat, où les choses ne s’annoncent pas plus simples. Dès ce lundi matin, les sénateurs planchaient en commission sur le volet recettes. Ambiance huis clos, calculatrices qui chauffent, et probablement quelques soupirs.
« Il y a du cynisme à bloquer un budget sans proposer de solution alternative sérieuse. »
Sébastien Lecornu, ce 24 novembre 2025
Cette phrase-là, elle reste. Parce qu’elle pointe directement du doigt ceux qui ont voté contre sans avoir de plan B. Et dans l’hémicycle, on sait très bien de qui on parle. À gauche comme à certains rangs de la droite, on grince des dents.
Le Sénat, prochain round décisif
Cette semaine, le texte arrive dans l’hémicycle sénatorial. Jeudi, les débats commencent pour de bon. Et le calendrier est serré : vote solennel prévu le 15 décembre. Autant dire qu’il n’y a plus de place pour les enfantillages.
Mais attention, le Sénat à majorité de droite n’est pas forcément un allié naturel du gouvernement actuel. Entre les réticences sur certaines mesures d’économies et la tentation de renvoyer la balle à l’Assemblée, tout peut arriver. D’où l’importance du message envoyé ce matin : on joue collectif, ou on coule ensemble.
- Examen en commission des finances dès ce lundi matin
- Débats dans l’hémicycle à partir de jeudi
- Vote solennel fixé au 15 décembre
- Possibilité d’une commission mixte paritaire ensuite
Pourquoi tant de blocages ?
Allons droit au but : personne n’est d’accord sur la manière de réduire le déficit. D’un côté, certains veulent protéger à tout prix le pouvoir d’achat et refusent toute hausse de prélèvements. De l’autre, on brandit la dette comme un épouvantail et on exige des coupes franches. Au milieu, le gouvernement tente de tracer une ligne médiane qui satisfait… presque personne.
Résultat ? Un texte rejeté dès sa première lecture à l’Assemblée. Une situation rarissime sous la Ve République. Et pourtant, on a déjà vécu ça récemment. Comme si le pays s’était habitué à fonctionner sans budget voté dans les règles. Sauf que cette fois, l’exercice semble encore plus périlleux.
Et c’est là que l’accusation de cynisme prend tout son sens. Parce que refuser un texte, c’est une chose. Mais refuser sans proposer d’alternative chiffrée et réaliste, c’en est une autre. Et sur ce point, le Premier ministre n’a pas tort : beaucoup de discours, peu de propositions concrètes sur la table.
Une majorité est-elle vraiment possible ?
C’est la grande question. Quand il dit croire à une majorité, il ne parle pas forcément des 289 voix absolues. On sait tous que c’est mission impossible dans l’état actuel de l’hémicycle. Non, il parle d’une majorité relative, ou plus probablement d’une abstention massive qui permettrait au texte de passer.
En clair : faire en sorte que ceux qui ne votent pas « pour » ne votent pas non plus « contre ». Un exercice d’équilibriste que ses prédécesseurs ont pratiqué avec plus ou moins de succès. Mais cette fois, le contexte est différent. La fatigue parlementaire se fait sentir. Et l’approche des fêtes n’arrange rien.
« Je crois à une majorité à l’Assemblée pour faire adopter ce budget. »
Quand on entend ça, on a envie de demander : sur quoi se base-t-il exactement ? Des discussions en coulisse ? Des assurances données dans les couloirs ? Ou simplement l’envie farouche de ne pas apparaître comme celui qui a échoué là où d’autres ont tenu bon ? Peut-être un peu des trois.
Les scénarios possibles d’ici la fin de l’année
On va être honnête : il reste plusieurs cartes à jouer. Et le temps presse.
- Le Sénat amende fortement le texte et le renvoie à l’Assemblée
- Une commission mixte paritaire tente de trouver un compromis
- En cas d’échec, le gouvernement dégaine (ou pas) le 49.3 sur une version modifiée
- Sinon, on repart sur un budget reconduit avec des ajustements limités
Chaque option a ses avantages et ses énormes inconvénients. Le 49.3, par exemple, passerait très mal après les événements récents. Quant à la reconduction pure et simple, elle signerait l’échec politique du texte initial.
Ce que ça dit de notre démocratie
Au-delà des chiffres et des articles de loi, il y a quelque chose de plus profond qui se joue. On assiste à une forme de paralysie institutionnelle. L’absence de majorité claire depuis 2022 a transformé chaque vote budgétaire en chemin de croix.
Est-ce que ça veut dire que le système est à bout de souffle ? Pas forcément. Mais force est de constater que gouverner avec 250 députés quand il en faut 289 pour être tranquille, c’est du sport de haut niveau. Et parfois, ça laisse des traces.
Ce qui est intéressant, c’est que le débat ne porte plus seulement sur les mesures elles-mêmes. Il porte sur la capacité même du Parlement à fonctionner dans ce contexte. Et là, tout le monde a sa part de responsabilité.
Et nous, dans tout ça ?
Parce qu’au final, ce n’est pas qu’une histoire de parlementaires qui se chamaillent. C’est notre argent. Nos impôts. Nos services publics. Notre protection sociale. Quand un budget traîne à être voté, ce sont des projets qui prennent du retard, des incertitudes pour les collectivités, des ajustements brutaux en fin d’année.
Alors oui, on peut trouver ça lassant. On peut même avoir envie de zapper l’info. Mais en réalité, chaque jour qui passe sans accord clair nous rapproche d’une forme d’improvisation budgétaire qui n’a rien de réjouissant.
La déclaration de ce matin, aussi ferme soit-elle, a au moins le mérite de remettre l’église au milieu du village : il y a urgence. Et l’urgence, parfois, ça aide à débloquer des situations qu’on croyait figées.
Les prochains jours seront décisifs
On va suivre ça de très près. Parce que derrière les mots forts et les accusations, il y a des discussions qui continuent dans l’ombre. Des SMS qui s’échangent tard le soir. Des concessions qui se préparent peut-être.
Le Premier ministre a choisi la confrontation mesurée. Pas l’humiliation, pas la menace directe. Juste un rappel : le pays a besoin d’un budget. Et ceux qui bloquent sans proposer portent une lourde responsabilité.
Est-ce que ça suffira ? On le saura bientôt. En attendant, une chose est sûre : cette séquence budgétaire 2026 restera dans les annales. Pas forcément pour les bonnes raisons, mais elle marquera les esprits. Comme un avertissement sur ce que peut devenir la politique quand plus personne ne veut lâcher quoi que ce soit.
Et vous, vous en pensez quoi ? Vous croyez encore à un accord avant Noël, ou on se dirige tout droit vers une nouvelle crise institutionnelle ? Les paris sont ouverts.
