Vous est-il déjà arrivé d’ouvrir une lettre officielle et de vous demander si quelqu’un ne vous fait pas une blague de très mauvais goût ?
C’est exactement ce qu’a vécu un habitant du Jura il — appelons-le Bernard pour simplifier — un jour de novembre dernier. Dans l’enveloppe : une contravention de 135 euros pour excès de vitesse. Lieu du délit ? Le rond-point du Carrousel du Louvre, en plein Paris, un vendredi à 18 h 30. Véhicule incriminé ? Son tracteur de 1977, limité à 20 km/h et qui, à cette heure précise, prenait la poussière bien tranquillement dans son hangar.
Autant dire que la scène a de quoi faire sourire… jaune.
Quand la réalité dépasse la fiction la plus absurde
Bernard n’est pas du genre à se laisser faire. Ancien maire de sa petite commune, il connaît un peu la paperasse et les rouages administratifs. Mais là, même lui reste bouche bée devant l’absurdité de la situation.
Le cliché joint à l’avis de contravention est flou, comme souvent avec les radars automatiques, mais on distingue clairement sa plaque d’immatriculation. Sa vraie plaque. Celle qui est vissée (ou plutôt rouillée) sur son tracteur depuis des décennies.
Problème : ce tracteur n’a jamais mis une chenille hors du département du Jura. Et encore moins sur les pavés parisiens.
L’usurpation de plaque, ce fléau qu’on sous-estime
On parle beaucoup des vols de voitures ou de deux-roues, mais les vols ou copies de plaques passent souvent sous le radar — c’est le cas de le dire. Pourtant, les chiffres sont édifiants : chaque année, plusieurs dizaines de milliers de plaques disparaissent ou sont dupliquées.
Pourquoi voler une plaque ? Parce que c’est le moyen le plus simple et le moins cher de commettre des infractions en toute impunité. Radar, péage, zone à faibles émissions, stationnement interdit… tout tombe sur le propriétaire légitime.
« C’est une bombe à retardement pour la personne qui se retrouve avec les amendes des autres sur le dos », explique un spécialiste des questions de sécurité routière.
Et dans le cas de Bernard, c’est le jackpot de l’absurde : imaginer un tracteur agricole dans les embouteillages parisiens, klaxon sur klaxon, ça relève du sketch.
Que faire quand on est victime d’une « doublette » ?
Première réaction légitime : éclater de rire (ou de colère). Deuxième réaction, plus sérieuse : agir vite.
- Conserver précieusement l’avis de contravention et les photos
- Se rendre au commissariat ou à la gendarmerie pour porter plainte pour usurpation de plaque d’immatriculation
- Envoyer la plainte + le formulaire de contestation à l’officier du ministère public indiqué sur l’amende
- Demander une nouvelle immatriculation (changement de plaque et carte grise)
- Penser à prévenir son assurance (certaines prennent en charge les frais)
Petit détail qui a son importance : tant que la nouvelle plaque n’est pas posée, mieux vaut éviter de rouler. Car si le vrai délinquant continue ses bêtises, vous risquez de cumuler les points en moins.
J’ai moi-même accompagné un proche dans cette galère il y a quelques années. Résultat ? Trois mois d’attente, 250 euros de frais et une bonne dose de stress. Autant dire que Bernard n’est pas au bout de ses peines.
Le business très lucratif des fausses plaques
Sur certains sites ou dans certaines arrière-boutiques, on trouve de tout. Une plaque minéralogique personnalisée avec le numéro de votre choix ? 50 à 150 euros selon la qualité. Avec effet « miroir » pour tromper les radars ? Un peu plus cher.
Et le client type n’est pas forcément le grand bandit qu’on imagine. Parfois, c’est juste quelqu’un qui veut rouler dans Paris sans payer la crit’air, ou éviter les PV de stationnement dans sa ville.
Mais le plus souvent, c’est pour des choses bien plus graves : transport de stupéfiants, braquages, rodéos urbains… La plaque volée devient alors un passe-droit total.
Et la technologie dans tout ça ?
On nous promettait la lecture automatique des plaques en temps réel, les bases de données interconnectées, la fin de l’impunité. Force est de constater que le système a encore des failles béantes.
Le radar du Carrousel du Louvre a bien photographié la plaque, l’a transmise, le logiciel a fait le lien avec le propriétaire… mais personne n’a tilté sur le fait qu’un tracteur agricole de 1977 limité à 20 km/h soit flashé à plus de 50 km/h en plein Paris. L’absurde n’est pas programmé dans les algorithmes.
Et pourtant, une simple vérification du type de véhicule aurait suffi à déclencher une alerte. Mais non.
Que risque vraiment l’usurpateur ?
Sur le papier, la loi est sévère :
- Jusqu’à 5 ans de prison
- 3 750 euros d’amende
- Suspension du permis jusqu’à 3 ans
- Confiscation du véhicule
- Retrait de 6 points (la moitié du permis)
Dans la réalité ? Les condamnations restent rares. Trouver le vrai coupable relève souvent du miracle. Les plaques sont changées régulièrement, les véhicules utilisés sont eux-mêmes volés ou loués sous fausse identité.
Du coup, la victime se retrouve seule face à la machine administrative.
Des solutions concrètes qui existent déjà
Certains pays ont pris le problème à bras-le-corps. Aux Pays-Bas ou en Allemagne, par exemple, les plaques sont équipées de puces RFID qui permettent une identification infaillible. Chez nous, on en parle… depuis quinze ans.
En attendant, des associations de victimes se montent et commencent à faire entendre leur voix. Leur revendication principale ? Un guichet unique pour les victimes d’usurpation, avec prise en charge rapide du changement de plaque et annulation automatique des PV.
Parce que oui, aujourd’hui, il faut encore se battre pendant des mois pour prouver qu’on n’a pas fait le tour de France en tracteur.
L’histoire de Bernard, un symbole parmi d’autres
Depuis que son histoire circule, Bernard reçoit des messages du monde entier. Un autre agriculteur breton flashé à Marseille. Un retraité normand verbalisé à Lyon avec sa vieille 4L. Une maman bordelaise qui a vu sa plaque sur une camionnette de livraison à Paris.
Tous ont le même sentiment : celui d’être punis à la place du vrai coupable.
Et tous se posent la même question : combien de temps encore avant qu’on prenne enfin ce problème au sérieux ?
Parce qu’entre l’anecdote rigolote du tracteur parisien et la réalité quotidienne de milliers de victimes, il y a un monde. Un monde où l’absurde ne fait plus rire personne.
Et vous, avez-vous déjà été victime d’usurpation de plaque ? Ou connaissez-vous quelqu’un qui a vécu cette galère ? N’hésitez pas à partager votre expérience en commentaire, ça peut aider d’autres personnes à ne pas se sentir seules face à cette injustice.
